Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (1/2016). Denis Bauchard propose une analyse de l’ouvrage de Jean-Pierre Filiu, Les Arabes, leur destin et le nôtre. Histoire d’une libération (Paris, La Découverte, 2015, 250 pages).

Les Arabes leur destin et le notreDans ce livre dense, Jean-Pierre Filiu nous offre une fresque brillante et engagée sur le monde arabe et l’histoire de sa libération, pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage. Le livre s’ouvre sur « le prologue français », l’expédition de Bonaparte en Égypte en 1798, « choc fondateur » de la modernité dans un monde arabe qui connaît une renaissance, la nahda, au cours d’un très long xixe siècle. Il se termine par l’évocation des printemps qui, en 2011, renouent avec les Lumières arabes occultées par des régimes autocratiques. La nahda est ainsi un fil conducteur qui permet de mieux comprendre le monde arabe d’aujourd’hui. L’ouvrage souligne également le rôle joué par les chrétiens dans cette renaissance, mais aussi dans la fondation du parti Baas.

Dans le chapitre « La paix de toutes les guerres », consacré au démantèlement de l’Empire ottoman par la France et la Grande-Bretagne, l’auteur estime que les décisions de cette époque contenaient en germes les éléments du chaos actuel. « Un siècle plus tard nous payons encore, en termes de retombées des crises moyen-orientales, le prix de notre décision de soumettre les Arabes plutôt que de nous les associer. » Ainsi cette paix est-elle organisée sans les Arabes, malgré les promesses, d’ailleurs contradictoires, faites notamment au chérif Hussein, qui menait la Révolte arabe. Mais à la Conférence de San Remo de 1920, la Grande-Bretagne et la France imposent des mandats en découpant la Grande Syrie en plusieurs entités. Par ailleurs, la Déclaration Balfour promettant un foyer juif est incorporée dans le mandat sur la Palestine. Cette nouvelle organisation du Proche-Orient est contestée dès le départ, notamment par le Congrès national syrien, et débouche régulièrement sur des troubles graves.