Politique étrangère a une nouvelle fois la part belle dans Reflets du temps, cette fois-ci pour son dossier « Où va l’Iran » (PE 3/2012). À lire ci-dessous ! Et pour en savoir plus, regardez les vidéos du débat sur l’Iran organisé par PE ici.

La revue de l’Ifri, dont vous êtes, lecteurs de RDT, à présent familiers, « cible », c’est le mot, dans son numéro d’automne, un poids lourd en géopolitique : l’Iran.

Comme à l’habitude, plusieurs articles charpentent le thème ; « l’Iran souffre des sanctions occidentales, mais la République islamique estime avoir gagné la bataille du nucléaire », conclut l’analyse de Bernard Hourcade, montrant des louvoiements en terme de recherche de gain de temps, passant par l’acceptation de la négociation, affichant une capacité d’ouverture, chez les diplomates persans. Marie Ladier-Fouladi dresse, elle, la chronologie des récentes évolutions politiques, et le portrait des mutations sociales, immenses depuis la Révolution islamique de 1979, notamment dans le domaine démographique, les mentalités concernant la place des femmes et des jeunes. On voit d’impensables progrès, cohabitant avec des digues archaïques qui peinent à céder. On lit, du coup, quelque chose qui sonne comme de l’espoir. La charnière, amorcée, non aboutie, de la Révolution verte de 2009, est, bien entendu, éclairée à sa juste mesure et à l’aune de ses interrogations et de son potentiel à venir.

Le contexte régional de l’Iran ; ses motivations, ses évolutions, de part et d’autre de la guerre irano-irakienne, est traité de façon passionnante – oui ! même en plein cœur d’un article de géopolitique, parce qu’on y lit, au bout, tellement mieux tout ce champ – Asie orientale, du monde actuel. Merci, pour ce faire, à Mohammed Reza Djalili et à Thierry Kellner.

Mais, qui dit Iran, actuellement, fait naître les silhouettes blanches et inquiétantes des centres nucléaires, pense centrifugeuses, missiles et autres engins de mort programmée. Bref, qui dit ou lit Iran, voit menace nucléaire. Les peurs sont activées, comme autant de « guerre, peste et famine » des époques ancestrales. Les réactions sombrent, du coup dans le passionnel. L’émotionnel prend sa part – trop – dans les analyses, freine nos capacités de réflexion, masque les sources ou les mélange. C’est là qu’il est bon de poser le problème à distance, et de pouvoir disposer non d’images anxiogènes en boucle, mais d’écrits, si possible d’experts. La revue s’y attache, évidemment, avec un titre à la fois honnête et prometteur : « Nucléaire iranien : que sait-on ? ». L’article est signé Dina Esfandiary. « Lentement, mais sûrement, le programme nucléaire se construit sous le regard suspicieux de la communauté internationale ». La République Islamique est-elle décidée à fabriquer l’arme, ou, à seulement atteindre le seuil technologique ? Nœud d’une problématique, à la hauteur d’enjeux essentiels. On peint le point de vue des faucons, tant Israéliens, qu’Américains, affichant la certitude du pire, et du gouvernement d’Obama, plus « optimiste », s’appuyant sur les conclusions des services de renseignements, et créditant l’AIEA, agence internationale de l’énergie atomique, de sa capacité à détecter tout détournement de matières nucléaires. L’article tente de poser, entre ces points de vue, des éclairages, des hypothèses, des questions-phares, jamais de certitude.

On sait que jusqu’en 2003, l’Iran a mené des activités nucléaires de nature militaire ; début du choc et de ses représentations attenantes, dans les mentalités « occidentales » comprenant, évidemment, Israël. Des rapports du National Intelligence Service américain, ont par la suite, soit véhiculé une inquiétude amplifiée, puis, pour les derniers rapports, plus mesurée. Actuellement, il est fait mention d’une augmentation de la force de l’uranium enrichi – 19,75%, sur une échelle pouvant friser les 90%. Les risques apparaîtraient en cas de dépassement de ce seuil, de multiplication des centres « secrets », comme celui de Qom, le seul existant, dont la découverte en 2009 avait dressé les opinions publiques contre le pays des mollahs. En ce cas, le glissement vers le nucléaire militaire serait considéré comme intolérable par la communauté internationale, et formerait « ligne rouge » pour les USA, et Israël. Mais, s’interroge l’article, la République islamique est-elle prête à courir ce risque ? Ou, se contentera-t-elle de poursuivre d’en agiter la menace ? « Elle continue de chercher à acquérir un potentiel nucléaire, mais ne semble pas pour l’heure, vouloir assumer les risques liés à la fabrication de l’arme ». Pour l’heure, évidemment ! L’auteur arguant de notre difficulté à connaître réellement, et les intentions de fond du pays, et même l’avancée du programme nucléaire en soi, faisant longuement état des « façons » de s’en informer, et montrant les limites du Renseignement, de l’imagerie photographique et satellitaire, dont on sait les hasardeuses interprétations…

Pour autant, le rapport le plus récent de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est à la fois, le plus fourni, et, le moins anxiogène. Vrai aussi que ses inspecteurs travaillent sur place, en accord plus ou moins « huilé » avec les autorités iraniennes, bien obligées de les accepter. L’Iran est ainsi soumis à une surveillance de plus en plus sophistiquée et étroite, sans compter les sanctions pesantes, que la société en voie d’ouverture de modernisation est de moins en moins apte à supporter. De plus, seuil de représentations à nuancer : « Se procurer une quantité de matières fissiles de qualité militaire suffisante pour produire une bombe, n’équivaut pas à posséder un arsenal nucléaire », puisque la dissuasion nécessite au moins 4 à 5 bombes…

Une analyse moins courante dans les billets en cours sur le sujet, plus étonnante, aussi, vise à avancer une idée – globalisante, et rejoignant les autres articles de la revue : les dirigeants iraniens seraient, avant tout, attachés à sauvegarder leur régime, et, si la probabilité était forte, que le programme « secret » soit percé à jour, sans doute les mollahs renonceraient-ils à l’identité nucléaire du pays…

Israël serait-elle, du coup, moins « menaçable » qu’elle ne le laisse entendre ? Peut-être, renchérit B. Hourcade, dans le premier article de la revue : « L’Iran est faible mais la République Islamique se sent forte », car, le pays n’a jamais pu « s’imposer sur la question palestinienne, demeurée du ressort des états arabes et sunnites… se sentant marginalisé au Moyen-Orient, son programme nucléaire n’a que peu de liens directs avec son hostilité à Israël ».

On lit, fort intéressés, mais, il demeure encore difficile de ne pas entendre, comme bande-son, brailler Ahmadinejad…

Martine L. Petauton

Pour acheter PE 3/2012, cliquez ici.
Pour vous abonner à
Politique étrangère, cliquez ici.