Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (3/2015). Mathilde Isler propose une analyse de l’ouvrage de Stefan Aykut et Amy Dahan, Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales (Paris, Presses de Sciences Po, 2015, 752 pages).

Gouverner le climatLa Conférence de Paris doit aboutir à un accord contraignant, avec des engagements concrets de diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES), afin de limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 °C. Cet ouvrage permet de bien comprendre les tenants et les aboutissants de cet enjeu : pourquoi un accord contraignant ? Quelles positions des différents acteurs face à cet enjeu ? Quelles contraintes au niveau national ? Pourquoi cette limite des 2 °C ? Quel lien entre le monde scientifique et le monde politique ? Quelles sont leurs interactions ?

La négociation climatique n’est pas à part dans la sphère internationale : elle suit les grandes tendances géopolitiques mais elle est un théâtre où les équilibres basculent rapidement. Alors que de petits pays insulaires réussissent à attirer l’attention sur les problématiques qui les touchent à très court terme, certains pays n’hésitent pas, par des positions dogmatiques, à bloquer les négociations (l’Inde, entre autres). Les États-Unis et la Chine, parmi les plus gros émetteurs de GES, sont attendus pour des engagements ambitieux et réalistes, mais doivent composer avec des pressions internes fortes quant à la préservation de leurs intérêts nationaux.

Ce manuel entre en profondeur dans la mécanique de la négociation internationale sur le climat. Plusieurs chapitres sont consacrés à la gouvernance de ses institutions, à ses blocages, à ses opportunités d’évolution. Les auteurs défendent l’idée que le climat devrait être placé au centre du système de négociation internationale, notamment à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour être défendu à son juste niveau. Et pourtant, l’échec de la création d’une Organisation mondiale de l’environnement qui aurait eu pour but de renforcer et crédibiliser la prise en compte de cette thématique sur la scène internationale, a démontré, lors du sommet Rio+20 en 2012, que le monde n’était pas prêt à mettre l’environnement et les négociations climatiques au cœur de débats qui restent centrés sur l’économie.

Une réflexion très intéressante est également menée par les auteurs sur la question de la temporalité : souvent critiquée pour sa lenteur, la négociation climatique s’inscrit dans le temps long, mais doit également composer avec l’accélération des modes de communication liée aux nouvelles technologies et aux médias. La négociation climatique a été rythmée par des momentum qui ont permis de mettre en lumière certains sujets et d’acter certaines avancées, comme le protocole de Kyoto en 1997 ou la création du Fonds vert en 2010. Chaque COP, chaque année, est une fenêtre d’opportunité pour une progression majeure ou non (Copenhague, 2009) des négociations, et dépend beaucoup du contexte et du rapport des forces en présence. La Conférence de Paris sera-t-elle déterminante pour l’avenir du processus ?

Face au constat d’échec du système de négociations climatiques établi tout au long du livre – malgré de réelles avancées, la situation actuelle semble paralysée –, le dernier chapitre se penche sur la question du changement de paradigme nécessaire pour une véritable lutte contre le changement climatique. Peut-on vraiment faire évoluer nos modes de vie vers plus de durabilité ? Doit-on abandonner le capitalisme pour sauver la planète ? Ces réflexions nous poussent dans nos retranchements. Tout le monde veut le changement, mais qui veut changer ?

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