Alors que les grandes lignes de l’accord TTIP/Tafta sont sur le point d’être dévoilées, nous vous proposons de relire la recension de l’ouvrage de Maxime Vaudano, Docteur TTIP et Mister Tafta (Paris, Les Petits Matins, 2015, 160 pages), écrite par Yves Gounin et publiée dans le numéro de printemps (1/2016) de Politique étrangère.

Docteur TTIP, Mister TaftaComme Docteur Jekyll et Mister Hyde, le Tafta/TTIP a deux visages. Le Transatlantic Trade and Investment Partnership, c’est la « mondialisation heureuse », la suppression des derniers droits de douane, le démantèlement des barrières non tarifaires, la croissance et l’emploi tirés par le commerce international. La Transatlantic Free Trade Area – du nom dont les altermondialistes ont rebaptisé ce projet d’accord commercial lancé en 2013 – c’est au contraire la mise en œuvre d’un agenda néolibéral, « l’harmonisation des normes par le bas », un déni de démocratie.

Qui croire ? Le petit ouvrage très pédagogique de Maxime Vaudano, qui tient le blog « La bataille transatlantique » sur LeMonde.fr, permettra au lecteur de se faire une opinion éclairée. En une vingtaine de courts chapitres, il apporte des éléments de réponse aux questions que suscite cette négociation.

Quels bénéfices en attendre ? Les estimations divergent qui exagèrent à la fois les vertus et les vices du Tafta/TTIP. Le commerce transatlantique est déjà si important qu’on se leurrerait en imaginant qu’il pourrait connaître une croissance exponentielle. Comme dans tous les accords commerciaux, il y aura des gagnants et des perdants.

Faut-il craindre une « harmonisation des normes vers le bas » ? Cette harmonisation est nécessaire pour éviter qu’un même produit soit manufacturé selon plusieurs process en fonction des marchés où il est vendu. Mais cette convergence réglementaire ne va pas de soi. La norme supérieure varie d’une culture à l’autre. Aux États-Unis, les poulets sont chlorés pour prévenir la salmonellose. Le « meilleur » poulet sera-t-il celui, américain, garanti de toute contamination bactériologique ? Ou celui, européen, non traité ?

Quel intérêt à passer par l’arbitrage privé ? L’ISDS (Investor State Dispute Settlement) est un mécanisme ouvrant aux entreprises la possibilité de régler les litiges nés de l’application du Tafta/TTIP non pas devant les juridictions normalement compétentes mais devant une cour d’arbitrage ad hoc. L’arbitrage est réputé plus rapide, plus discret, plus indépendant. Ce système s’est toutefois attiré de vives critiques car il fait naître le soupçon d’une justice à deux vitesses. Les systèmes judiciaires aux États-Unis et en Europe sont suffisamment fiables pour faire l’économie d’un tel détour. Toutefois, en y renonçant, ces États se privent d’un argument dans les négociations commerciales ultérieures qu’ils engageront avec d’autres États – la Chine au premier chef mais aussi les autres BRICS – où l’indépendance des systèmes judiciaires est moins bien établie.

Un « déni de démocratie » ? Les adversaires des accords commerciaux internationaux parlent à leur sujet « d’accords Dracula » qui se négocient dans le noir mais ne résistent pas au grand jour. Il est vrai que les négociations, menées par la Commission européenne et par le Département du Commerce américain, sont secrètes. Comment d’ailleurs pourrait-il en aller autrement ? Comment la position européenne à la table de négociation ne pâtirait-elle pas si toutes ses lignes, rouges et bleues, étaient publiquement révélées – alors que la partie américaine pourrait garder secrètes les siennes ? Il est faux d’affirmer que le traité ne sera l’objet d’aucun contrôle démocratique. Après sa signature, il sera soumis à l’accord du Conseil de l’Union européenne, du Parlement européen et enfin de chacun des 28 États membres. Mais l’impossibilité d’y apporter le moindre amendement limitera la portée de ce contrôle.

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