Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de Michel Forget, Nos armées au temps de la Ve République (Economica, 2016, 208 pages).

Armées Ve République

Le général de corps aérien Michel Forget, ancien pilote de chasse, a eu une carrière très riche dans l’armée de l’Air française. Depuis qu’il a quitté le service actif en 1983, il se consacre à des études sur la défense et publie régulièrement sur ces sujets. Son dernier ouvrage offre une intéressante perspective historique (1958-2016) sur les armées françaises.

Le livre s’ouvre sur la fin de la guerre d’Algérie qui marque une première rupture franche pour la défense française. La seule armée de Terre passe de 700 000 à 300 000 hommes et, entre 1962 et 1965, 5 000 officiers sont contraints de quitter le service actif. S’ouvre alors une période de refondation et de modernisation, avec un budget de la défense jamais inférieur à 4 % du PIB dans les années 1960. Deux événements majeurs contribuent à définir la stratégie de défense française pour la période à venir : la place prépondérante prise par la dissuasion nucléaire et le retrait du commandement intégré de l’OTAN.

Le début des années 1970 est ponctué par une crise sérieuse dans les armées, symbolisée par « L’appel des cent » de mai 1974, les Comités de soldats et des manifestations d’appelés. Mais cette époque voit aussi l’effort de modernisation des équipements se prolonger et s’ouvrir une ère d’opérations extérieures (Mauritanie, 1977 ; Tchad et Kolwezi, 1978, etc.) qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Contrairement à ce qui était attendu, l’arrivée des socialistes au pouvoir en 1981 marque une continuité, avec la poursuite de la stratégie de dissuasion, des programmes d’équipements et des interventions extérieures.

La fin de la guerre froide constitue bien entendu un nouveau tournant majeur, qui entraîne en particulier la professionnalisation, annoncée en 1996 par le président Jacques Chirac. S’ensuit la mise en œuvre de nouveaux modèles d’armées. Ils sont rapidement invalidés par « l’échec » de deux Lois de programmation militaire (1997-2002 et 2002-2008), la dernière présentant, par exemple, un manque de 11 milliards par rapport aux dépenses prévues pour les équipements.

L’arrivée du président Nicolas Sarkozy en 2007 signale un infléchissement stratégique, avec le plein retour de la France dans l’OTAN. Mais d’importantes ambitions dans le domaine de la défense entrent en concurrence avec les déflations prévues, comme la réduction de la flotte d’avions de combat de l’armée de l’Air de 300 à 240 appareils. L’auteur décrit particulièrement bien la réforme des soutiens des années 2000, basée sur une mutualisation entre armées et organismes censée produire des économies de fonctionnement. Ses arguments en sa défaveur sont convaincants. Le début de la présidence de François Hollande poursuit sur la lancée, mais les attentats de janvier 2015, et les insuffisances de notre modèle d’armée mises au grand jour par le déclenchement de l’opération Sentinelle finissent par infléchir cette politique.

Le général Forget ébauche une très intéressante mise en perspective de notre politique et de notre outil de défense, avec une analyse convaincante de ses forces et de ses faiblesses actuelles. Il est dommage que l’auteur ne cite quasiment pas de sources et que nulle bibliographie ne figure en fin d’ouvrage. De plus, les opérations extérieures, qui, pourtant, sont au cœur de notre défense depuis une quarantaine d’années, ne sont qu’évoquées. L’ouvrage est cependant à recommander à tous ceux qui s’intéressent aux évolutions de la défense française.

Rémy Hémez

Pour vous abonner à Politique étrangère, cliquez ici.