Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n° 4/2017). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de Nicolas Hénin, Comprendre le terrorisme, (Fayard, 2017, 280 pages).

Le concept de terrorisme demeure flou pour beaucoup. Il suffit, pour en juger, d’explorer les réseaux sociaux ou d’écouter certains « experts » à la télévision ou à la radio.

C’est donc à un nécessaire travail pédagogique que Nicolas Hénin – reporter de guerre, auteur de plusieurs ouvrages, dont Jihad Academy (Fayard, 2015), et aujourd’hui président d’Action résilience – s’attelle ici. Avec succès. Sa méthode consiste à traiter en dix courts chapitres quelques-unes des questions les plus importantes autour du terrorisme celles aussi qui donnent lieu à l’expression du plus grand nombre d’idées préconçues, et à exposer clairement les arguments susceptibles d’y répondre, en faisant appel à des travaux de recherche reconnus.

L’auteur commence par un aperçu de l’histoire du terrorisme. Il nous rappelle que le phénomène n’a rien de nouveau, puisqu’il serait né au Ier siècle de notre ère avec les zélotes et les sicaires. Ce chapitre est aussi l’occasion de souligner que le terrorisme contemporain a connu plusieurs cycles : vagues anarchiste, anticoloniale, nouvelle gauche, enfin religieuse. Une autre partie du livre est, elle, consacrée à l’histoire du djihadisme, dont l’acception moderne comme lutte armée n’a qu’une cinquantaine d’années, et n’est reconnue que par une infime partie des musulmans.

Dans le deuxième chapitre, Nicolas Hénin s’interroge sur la définition à donner au terrorisme. C’est loin d’être évident. L’auteur rappelle d’ailleurs que dans leur ouvrage de référenceAlex. P. Schmid et Albert J. Jongman recensent 109 définitions différentes du terme. Hénin en retient finalement quatre points essentiels : l’usage de la violence, par une entité non étatique, sur des cibles civiles, dans un but politique.

Deux chapitres sont dédiés à la radicalisation et à la question de sa prise en charge. Ils sont tout particulièrement l’occasion de combattre les clichés : « La radicalisation est toujours un processus relativement long (la “radicalisation express” est largement un mythe), social (il n’y a pas “d’autoradicalisation” mais toujours des interactions) et complexe (résultat de plusieurs facteurs, à la fois personnels et environnementaux). » L’auteur redit aussi qu’il est impossible de dresser une typologie des radicalisés, tant leurs parcours sont divers.

Après avoir, entre autres, abordé la question des liens entre terrorisme et banditisme, ou encore celle de savoir si nous sommes « en guerre », Nicolas Hénin souligne avec force dans son dernier chapitre (la « voie étroite ») le péril qu’il y aurait à « se faire aveugler par ce qui vient de nous frapper ». Les « revenants » ne sont pas les seules personnes à risque. Les « velléitaires », ceux qui ont voulu partir mais en ont été empêchés, pourraient aussi poser problème. Le danger d’un terrorisme de réaction, qui prétendrait lutter contre le terrorisme djihadiste en s’attaquant à des cibles symboliques pour les musulmans n’est pas non plus anodin. L’auteur rappelle enfin l’état final recherché des terroristes, « l’éclatement des sociétés par leur polarisation ». D’où l’importance de leur résilience : «Vaincre le terrorisme, c’est d’abord vaincre la peur qu’il inspire. »

L’auteur nous offre ainsi un excellent livre grand public, particulièrement didactique, et qui permet de lutter contre les idées reçues en donnant accès à la recherche la plus sérieuse : par les temps qui courent, un vrai travail d’utilité publique.

Rémy Hémez

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