Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère
(n° 4/2019)
. Giuseppe Bianco propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Anil Hira, Norbert Gaillard et Theodore H. Cohn, The Failure of Financial Regulation: Why A Major Crisis Could Happen Again (Palgrave Macmillan, 2019, 256 pages).

Une conviction actuellement très répandue est que la crise financière mondiale de 2007 a provoqué un changement radical dans la réglementation, qui aurait rendu le système cohérent et résilient. Les politistes et économistes auteurs de cet ouvrage estiment, eux, que les tendances de fond qui ont mené à la crise n’ont pas été affectées par une réglementation financière toujours inadéquate. Un petit nombre de sociétés et d’individus ont détourné les règles du capitalisme libéral et permis l’essor du capitalisme financier.

L’étude se concentre sur les causes de la récente crise financière et la réaction des principaux acteurs publics. Le cœur de l’analyse porte sur les États-Unis, mais le Canada, l’Afrique subsaharienne et le contexte mondial sont également pris en compte dans différents chapitres.

Parmi d’autres facteurs, la capture de régulation, matérielle ou culturelle, aux niveaux individuel, national et international, est identifiée comme source du laxisme ayant mené à la crise financière. Les défaillances du marché et du gouvernement s’entremêlent, et le livre examine également le rôle des acteurs privés. Les agences de notation ont gonflé les ratings des produits structurés. Le business model de l’émetteur-payeur continue d’ailleurs à jeter une ombre sur l’objectivité des agences.

Les banques too big to fail ont élargi leur influence, ce qui a nui aux régulateurs et aux acteurs de l’économie réelle, et aggravé le risque systémique. Ces banques ont vu le coût de leurs prêts diminuer et leurs notations s’améliorer grâce au régime réglementaire en vigueur. Les renflouements publics qui se sont répétés au fil du temps n’ont fait que nourrir l’aléa moral.

On n’a pas suffisamment considéré les effets collatéraux des solutions ad hoc adoptées pour réagir à la crise. De même, il est clair que la sophistication financière a toujours un temps d’avance sur les réglementations, tandis que le système bancaire « parallèle » s’avère encore un phénomène trop souvent ignoré.

Le livre met en lumière la « dimension politique » du secteur financier, dans sa fonction d’allocation du capital dans l’économie. L’approche proposée est distincte aussi bien des théories néolibérales que des visions keynésiennes. Elle consiste à promouvoir la concurrence équitable, des réglementations simples mais intransigeantes, et la coopération internationale entre décideurs et régulateurs.

En particulier, les règles excessivement compliquées adoptées jusqu’ici sont à éviter, puisque les opérateurs trouvent souvent le moyen de les contourner. De toute façon, les régulateurs n’ont pas les ressources pour les faire appliquer. En ce qui concerne la fiscalité, le but ultime serait une harmonisation au niveau mondial ainsi que l’imposition des transactions là où elles ont lieu.

Dans un contexte international caractérisé par un haut degré d’incertitude, la recherche en économie politique doit se pencher sur la complexité et les interactions stratégiques, adopter une approche plus autocritique, et dialoguer davantage avec les autres disciplines. Comme les implications des nouvelles réglementations sont difficiles à prévoir, l’ouvrage souligne la nécessité de plus de recherche et d’engagement dans ce domaine.

Giuseppe Bianco

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