Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2021 de Politique étrangère (n° 1/2021). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Julian Fernandez et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Les opérations extérieures de la France (CNRS Éditions, 2020, 344 pages).

Comblant progressivement un vide, les publications sur les opérations extérieures (OPEX) françaises se multiplient depuis quelques années. Ce sont souvent des témoignages, plus rarement des études. Ce volume sorti directement au format poche, dirigé par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, directeur de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) et Julian Fernandez, professeur de droit public à l’université Panthéon-Assas, apporte sa pierre à ce champ d’étude en construction, en se concentrant sur les OPEX les plus récentes.

Dans l’introduction, les auteurs reviennent sur le concept d’OPEX, tirant des leçons de la longue expérience française : « accepter de ne pas pouvoir peser partout pour pouvoir continuer à peser là où nos intérêts l’exigent » ; « éviter d’agir seul mais assumer pleinement le recours à la force » ; « donner du sens » ; favoriser le « travail de mémoire ». Ils posent également une question centrale : la France a-t‑elle les moyens de ses ambitions ?

Le livre est ensuite organisé en deux parties. La première – « le cadre d’intervention » – se consacre pour l’essentiel aux aspects juridiques. Trois contributions interrogent les liens entre les OPEX et le jus ad bellum, le jus in bello et le jus post bellum. Une quatrième, écrite par Nabil Hajjami, déconstruit la crainte de judiciarisation, arguant qu’« en l’état, le droit pénal et le droit militaire français neutralisent tout risque de judiciarisation entendue comme une instrumentalisation susceptible de sérieusement déstabiliser l’institution militaire ». Cette première partie comprend également une intéressante contribution d’Olivier Schmitt sur la culture stratégique française, qui « se caractérise au niveau politico-stratégique par une préférence pour l’emploi de la force et une facilité institutionnelle à le faire, au service d’une conception ambitieuse du rôle international du pays ». Bénédicte Chéron offre, quant à elle, une synthèse éclairante du traitement médiatique des OPEX, et montre bien le retour d’une « finalité combattante plus affirmée ».

La seconde partie de l’ouvrage est dédiée à des « retours d’expérience ». En sept textes, des militaires reviennent sur les opérations auxquelles ils ont participé. Jean Michelin évoque l’Afghanistan, en soulignant notamment le changement générationnel qu’a marqué cette OPEX et en évoquant les questions de mémoire. Hervé Pierre fait part de réflexions tactiques passionnantes sur l’emploi de la « contre-réaction » dans des contextes profondément différents, en Afghanistan et au Mali. Brice Erbland décrit l’emploi plein d’audace et de ruses des hélicoptères de l’armée de Terre en Libye en 2011. L’amiral Pierre Vandier expose l’engagement du porte-avions Charles de Gaulle lors de l’opération Arromanches en 2015, en soulignant la flexibilité tactique apportée par ce navire et l’outil politique qu’il représente. Le général Michel Delpit ouvre des perspectives passionnantes sur l’emploi des forces spéciales de l’Afghanistan au Mali, tout en soulignant que ces dernières sont sans doute arrivées au bout d’une étape et doivent se réinventer.

En conclusion de cet ouvrage, Michel Goya livre une analyse pertinente de l’importance que revêt le récit de ces OPEX, puisque « raconter est indispensable à l’évolution ». Au bilan, on ne peut que conseiller la lecture de cet ouvrage collectif extrêmement riche à tous ceux qui s’intéressent aux questions militaires et stratégiques.

Rémy Hémez

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