Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir en avant-première l’article du numéro d’hiver 2021 de Politique étrangère (n° 4/2021) – disponible en librairie dès le 10 décembre ! – que vous avez choisi d'(é)lire : « Comment préparer 2050 ? De la ‘prévoyance’ à la ‘grande stratégie’ », écrit par Martin Briens, diplomate, et Thomas Gomart, directeur de l’Ifri.

« Rien n’est plus nécessaire au gouvernement d’un État que la prévoyance, puisque, par son moyen, on peut aisément prévenir beaucoup de maux qui ne se pourraient guérir qu’avec de grandes difficultés quand ils sont arrivés » soulignait Richelieu, avant d’ajouter « qu’il est plus important de considérer l’avenir que le présent et qu’il est des maux comme des ennemis d’un État, au-devant desquels il vaut mieux s’avancer que de se réserver à les chasser après leur arrivée ». Souvent oubliée, cette évidence conduit à repenser notre dispositif de « prévoyance » en raison d’une accélération stratégique, qui provoque une urgence à penser le long terme.

Dans le domaine de la défense et de la sécurité, les « Livres blancs » marquent des jalons. En 2017, la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale a posé les bases de la Loi de programmation militaire (LPM) du
13 juillet 2018 pour la période 2019-2025. Les conséquences de la pandémie de Covid-19 ont entraîné une Actualisation stratégique, début 2021, qui souligne l’intensification de la compétition des grandes puissances, la généralisation des stratégies hybrides, l’enhardissement des puissances régionales et les effets de rupture technologique.

Devant la multiplication des « maux » auxquels il fait face, notre pays doit redoubler d’efforts en matière de « prévoyance ». En ne se limitant ni aux questions de défense et de sécurité ni à un horizon de mandat présidentiel, l’enjeu est d’abord intellectuel. Une bonne « prévoyance » obligerait à intégrer, bien davantage que par le passé, les dimensions extérieures à la sphère politico-stratégique, tout en insistant sur la singularité de cette dernière : celle d’agir « à l’ombre de la guerre ». Pour ce faire, le recours à la notion de « grande stratégie » pourrait se révéler utile. « Alignement d’aspirations potentiellement illimitées avec des moyens nécessairement limités », elle fait actuellement l’objet d’un regain d’intérêt historiographique. Parallèlement, elle resurgit dans la sphère politico-stratégique.

Sur le plan historiographique, la France serait passée d’une « grande stratégie » basée sur la « grandeur » entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 1990, à « l’engagement libéral » qui constituerait une « rupture radicale » et continuerait jusqu’à nos jours. La première reposerait sur quatre principes : la quête du rang et du statut ; la préservation de l’autonomie de décision et d’action grâce à la force de frappe ; la centralité de l’État-nation ; une critique de l’hégémonie américaine. Provoquée par la fin de la bipolarité, la seconde privilégierait l’interdépendance à l’indépendance, le remplacement de l’hégémonie américaine par un leadership multilatéral des États occidentaux, le recours à la norme et aux valeurs à travers la construction européenne. Cette période est en réalité révolue.

Sur le plan politique, la « grande stratégie » ne saurait être confondue avec un « récit national », nostalgique ou fantasmé. Sa finalité n’est pas électoraliste, mais elle consiste à produire de la sécurité en fonction d’une vision du monde. Elle résulte d’une analyse de l’évolution du système international et prétend l’orienter en fonction du rôle que l’on souhaite y jouer. C’est à la fois un discours et un outil de conduite, qui oblige à sortir des silos politico-administratifs, tout en cherchant la mise en cohérence et l’intégration des moyens disponibles. Cet article vise à alimenter la réflexion, aussi indispensable que sensible, sur la nécessaire refonte de notre dispositif de « prévoyance » et sur sa capacité à élaborer, de manière intégrée, une « grande stratégie » avec 2050 comme horizon.

Dispositifs de prévoyance et visions du monde

Il existe un marché mondial des prédictions. Largement dominé par les États-Unis, il est délaissé par la Chine pour des raisons idéologiques : le Parti communiste chinois (PCC) décourage les spéculations sur l’évolution du système international, tout en misant sur l’Intelligence artificielle (IA). Pour les Européens, tout effort de « prévoyance » doit commencer par la compréhension de celle des autres, en premier lieu de la Chine et des États-Unis.

Vision du monde chinoise

L’horizon 2050 reflète l’influence gagnée par la Chine sur l’agenda de la politique internationale. En effet, la célébration du centenaire de la création de la République populaire en 2049 – date à laquelle la Chine entend devenir la première puissance mondiale en tous domaines – est désormais dans toutes les têtes. En octobre 2017, Xi Jinping déclarait au XIXe congrès du PCC : « Notre pays jouera progressivement un rôle central sur la scène internationale et apportera des contributions plus grandes à l’humanité. Au milieu du siècle, la Chine se hissera au premier rang du monde en termes de puissance globale et de rayonnement international. »

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