Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2021-2022 de Politique étrangère (n° 4/2021). François Gaulme propose une analyse de l’ouvrage d’Antoine Glaser et Pascal Airault, Le piège africain de Macron. Du continent à l’Hexagone (Fayard, 2021, 272 pages).

Cet ouvrage entend relier la politique africaine aux enjeux intérieurs et non au reste de la politique étrangère, il inclut une interview très libre du président sur l’Afrique, en dépit des critiques qui lui sont adressées dans l’ouvrage. Celles-ci sont dominées par l’argumentation de la postface : Emmanuel Macron a voulu s’attacher durablement les jeunes de la diaspora africaine en France, mais ses déconvenues effectives risquent d’avoir un effet boomerang « dans l’Hexagone » et pour sa candidature à un second quinquennat.

Le tableau général est celui d’une perte d’influence diplomatique et économique de la France en Afrique, dont le chef de l’État est conscient et qu’il entend stopper par une politique nouvelle, définie une fois pour toutes à Ouagadougou en novembre 2017. Le livre montre – de manière peu travaillée, sans note, ni bibliographie, ni index… – qu’en dépit de ses ambitions panafricaines, la « logique militaire s’est imposée au Sahel » : le président « n’a pas toujours vu monter les périls dans l’ancien pré carré français, en particulier en Afrique de l’Ouest », tandis qu’il cultivait une « démocratie rêvée » dans les pays anglophones et lusophones comme marqueur conceptuel de sa présidence.

L’interview confirme ce biais. Emmanuel Macron, qui n’a de son propre aveu qu’une culture livresque limitée sur l’ensemble du continent africain (Kourouma, Gide, Camus), y reconnaît un rejet quasi instinctif de l’Afrique francophone pour son stage de l’ENA, en demandant à partir au Nigeria où « ils n’ont aucun complexe vis-à-vis de la France ». Partie sans doute la plus intéressante d’un livre à grande valeur documentaire, le long monologue daté de septembre 2020 confirme les difficultés relationnelles du président avec ses pairs africains francophones, et souligne dans un style à la fois obscur et familier son dédain des règles protocolaires attachées à sa fonction, son obsession des relations directes avec la société civile et sa détestation d’une « Françafrique » dont il estime qu’elle disparaîtra de soi. Selon lui, « ce truc va passer… C’est générationnel ».

Rétrospectivement, avec le début de retrait de Barkhane, l’interview rend perplexe. Emmanuel Macron y affirme en effet que « l’impact et l’effet de la Task Force Sabre et des forces spéciales ne sont pas réalisables sans l’opération Barkhane… Il faut des soutiens, il faut du renseignement. »

De l’analyse d’Antoine Glaser et Pascal Airault, on retiendra particulièrement les pages consacrées au Conseil présidentiel pour l’Afrique, à son histoire et à son fonctionnement. La nouvelle instance informelle, constituée d’amici principis choisis dans l’élite de la diaspora, a tendance, disent les auteurs, à se « bunkériser ». Le chapitre consacré à la vingtaine de « députés-missionnaires » d’origine africaine dans la majorité présidentielle – phénomène sans précédent à l’Assemblée nationale – est également original, même si ses développements frisent parfois la lettre confidentielle ou la chronique mondaine.

Les importants chapitres sur un franc CFA échouant à devenir l’« eco », et sur la francophonie « réinventée » avec le Rwanda, présentent les mêmes défauts de personnalisation outrancière des événements et des décisions. Mais, derrière l’anecdote, l’ensemble du livre dessine le caractère aventureux d’une politique africaine d’Emmanuel Macron toujours en mouvement.

François Gaulme

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