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Madame l’Ambassadeur. De Pékin à Moscou, une vie de diplomate

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2023 de Politique étrangère (n° 1/2023). Claude-France Arnould propose une analyse de l’ouvrage de Sylvie Bermann, Madame l’Ambassadeur. De Pékin à Moscou, une vie de diplomate (Tallandier, 2022, 352 pages).

Fond : photographie par HelloRF Zcool de drapeaux européens. Couverture du livre "Madame l'Ambassadeur. De Pékin à Moscou, une vie de diplomate" de Sylvie Bermann au premier plan.

Sylvie Bermann évoque les « sept vies d’un chat » qu’elle a vécues, moins pour nous parler d’elle que pour nous faire comprendre les pays où l’ont menée ses affectations comme diplomate. Le regard qu’elle partage avec nous sur son parcours, exceptionnel par la pertinence des éclairages qu’il croise, nous donne des clés essentielles pour appréhender le monde auquel nous faisons face aujourd’hui. Ses « transhumances », pour reprendre ses mots, lui ont donné à « voir le monde changer » en représentant la France auprès des pays « qui ont été les acteurs de ce basculement à des périodes charnières » : la Chine, passée de la Révolution culturelle aux réformes de Deng Xiaoping, désormais deuxième puissance mondiale sous Xi Jinping ; la Russie, de la Glasnost à celle de Vladimir Poutine ; New York, siège des Nations unies – à leur acmé après la fin de la guerre froide, moment du « grand rêve bleu » comme le drapeau onusien, bientôt décrédibilisées après les drames en Somalie, au Rwanda et dans les Balkans, avant d’être paralysées de nouveau aujourd’hui – mais aussi cœur de la superpuissance américaine, gendarme du monde, des années Clinton ; Bruxelles, où la politique étrangère de sécurité et de défense faisait ses premiers pas prometteurs ; Londres lors du « séisme » du Brexit. À cette expérience itinérante s’ajoute celle des responsabilités au ministère des Affaires étrangères à Paris : ce Quai d’Orsay qui a fait d’elle la première femme « ambassadeur de France », au sens statutaire de « dignité », ce qui, à l’issue d’un parcours comme le sien, n’était qu’une évidence.

Dans tous ses postes elle fut ce que doit être un diplomate : un professionnel de la négociation, telle celle des accords de Paris sur le Cambodge ; un décrypteur pour ses autorités ; l’incarnation de la France dans son pays de résidence. Elle démontre, mieux que n’importe quel argumentaire, en quoi la diplomatie est un métier, en même temps qu’une vocation. Toutes ses analyses sont nourries par l’observation, les échanges, l’étude et la réflexion, s’appuient sur l’histoire (et même, discrètement, sa propre histoire d’étudiante en Chine mais aussi de descendante d’une grand-mère russe), la culture et surtout l’empathie – distincte de la complaisance, que l’on nomme souvent le syndrome de Stockholm. Sa curiosité est insatiable et l’a menée, à rebours de l’« entre-soi » diplomatique, partout où elle pouvait aller, pour mieux sentir et comprendre, d’autant qu’elle parle la langue des pays où elle a exercé ses fonctions. Elle l’a fait avec bonheur, ce qui illumine son texte, sensible autant qu’intelligent et souvent poétique.

Sylvie Bermann ressent l’émotion, mais ose aussi, face aux tragédies et notamment l’agression de Vladimir Poutine en Ukraine, la rationalité. S’attacher à comprendre ce qui a mené au drame n’est pas excuser ou justifier. C’est chercher les clés pour agir aujourd’hui et demain. Un lendemain où l’on ne rayera pas la Russie de la carte, ni la Chine. Où l’on ne pourra pas s’appuyer sur un système des Nations unies inchangé, face au retour des grands rêves impériaux. Où l’Occident, qui a perdu attractivité et légitimité, ne peut plus prétendre incarner « la communauté internationale – ou pire, le monde civilisé ».

Son épilogue – « le retour de la guerre » – n’est certes pas optimiste, mais il rappelle le principe de réalité et la nécessité de « penser l’impensable, anticiper et planifier, mais aussi se préparer à voir arriver de nouveaux cygnes noirs ». L’auteur lui apporte une contribution précieuse.

Claude-France Arnould

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Confessions d’un bon à rien

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2022 de Politique étrangère (n° 4/2022). Denis Bauchard propose une analyse de l’ouvrage d’Élie Barnavi, Confessions d’un bon à rien (Grasset, 2022, 512 pages).

Premier plan : couverture du livre "Confessions d'un bon à rien" d'Élie Barnavi, ambassadeur en Israël. Portrait de lui.
Arrière-plan : photo de Jérusalem prise par Robert Bye.

Par-delà un titre qui témoigne du sens de l’autodérision de l’auteur, ce livre permet de mieux comprendre, à travers le parcours d’Élie Barnavi, l’évolution de la société et de la politique israéliennes, de même que la relation souvent difficile avec la France, sa « seconde patrie affective et intellectuelle ».

Diplomate en guerre. Les coulisses de l’engagement de la France

Cette recension est issue de Politique étrangère 1/2013. Alain Lagarde propose une analyse de l’ouvrage de Jean d’Amécourt, avec Romain Poirot-Lellig – Diplomate en guerre. Les coulisses de l’engagement de la France (Paris, Robert Laffont, 2013, 364 pages).

00-Amécourt-9782221133576Les diplomates sont-ils censés empêcher la guerre et conclure la paix ? On pouvait encore le croire avant de lire les mémoires de guerre de Jean d’Amécourt, trois ans en poste en Afghanistan. Au fil de minutieuses descriptions des lieux, des hommes et de ses impressions, J. d’Amécourt met en lumière les apories de la guerre d’Afghanistan : reconstruire un pays qui n’en est finalement pas un, remplir un tonneau des Danaïdes budgétaire pour financer des projets à l’avenir douteux, mener une campagne de contre-insurrection qui doit à la fois éliminer physiquement l’adversaire, conquérir les cœurs des Afghans en respectant leurs coutumes incompatibles avec les règles d’engagement des forces

Les Ambassadeurs

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2012). Denis Bauchard, conseiller pour le Moyen-Orient à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Marie-Christine Kessler, Les Ambassadeurs (Paris, Presses de Sciences Po, 2012, 416 pages).

Cet ouvrage sur les ambassadeurs mérite une attention particulière. Alors que l’air du temps, encouragé par une littérature complaisante, développe le thème du déclin, voire de l’inutilité des diplomates, et véhicule de nombreux clichés, Marie-Christine Kessler montre à quel point la réalité est tout autre. À un moment où les situations de crise se multiplient et où le monde devient de plus en plus complexe, le rôle des ambassadeurs, et au-delà celui des diplomates, s’affirme. Cette “défense et illustration” constitue une analyse sérieuse et argumentée en termes institutionnels, politiques et sociologiques de l’action diplomatique.

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