Étiquette : islam politique

Muslim Faith-Based Organizations and Social Welfare in Africa

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2021 de Politique étrangère (n° 1/2021). Marc-Antoine Pérouse de Montclos propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Holger Weiss, Muslim Faith-Based Organizations and Social Welfare in Africa (Palgrave Macmillan, 2020, 312 pages).

Composé de dix chapitres illustrés par de nombreux cas d’études, ce livre collectif traite de l’institutionnalisation et de la modernisation de la charité islamique en Afrique subsaharienne, notamment sous la forme d’organisations non gouvernementales (ONG). Il se focalise en particulier sur la dîme (zakat) que les musulmans sont censés payer quand leurs revenus dépassent un certain niveau appelé nisab. A priori, les montants en jeu sont assez insignifiants : quelque 200 millions de dollars officiellement collectés chaque année au Soudan, moins de dix au Nigeria. Mais la perception et la redistribution de la dîme islamique révèlent de nombreux enjeux politiques à l’heure où des fondamentalistes appellent à une application plus stricte de la charia en Afrique subsaharienne.

Comprendre l’islam politique

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Alix Philippon propose une analyse de l’ouvrage de François Burgat, Comprendre l’islam politique. Une trajectoire de recherche sur l’altérité islamiste, 1973-2016 (La Découverte, 2016, 264 pages).

Comprendre l'islam politique

François Burgat, c’est d’abord un style ciselé, élégant et efficace. La métaphore qui fait mouche, l’impertinence qui donne à penser sont chez lui au service d’une thèse d’une remarquable stabilité depuis les années 1980 : derrière le lexique islamique auquel ont recours les acteurs islamistes se cachent des causes toutes profanes, sociales et politiques. Et ce retour massif au « parler musulman », moins sacré qu’il n’est endogène, se traduit par une extrême diversité d’appropriations. En récusant toute relation causale stable entre islam et action politique, son analyse échappe aux travers de l’approche culturaliste dont Gilles Kepel s’est fait le chantre. Ce qui n’est pas la moindre de ses qualités.

Le tesbih et l’iPhone : islam politique et libéralisme en Turquie

Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir avant la sortie officielle du numéro de printemps de Politique étrangère (n° 1/2017), l’article que vous avez choisi : « Le tesbih et l’iPhone : islam politique et libéralisme en Turquie », par Max-Valentin Robert.

Le tesbih et l'iPhone _ BlogPE

« L’influence de la religion sur le comportement économique constitue une thématique de recherche récurrente pour les sciences sociales. Ainsi Max Weber attribuait-il l’apparition du capitalisme à l’émergence de la pensée protestante. Plusieurs décennies plus tard, Gerhard Lenski comparait les attitudes respectives des juifs, des catholiques et des protestants américains à l’égard de l’économie et du travail. Puis, dans un double contexte de réaffirmation confessionnelle et de diffusion du libéralisme après la chute de l’URSS, un ouvrage dirigé par Richard Roberts tenta de réinterpréter les relations des diverses éthiques religieuses à l’économie de marché. En outre, Luigi Guiso, Paola Sapienza et Luigi Zingales ont montré que la religiosité alimentait une interprétation individualisante de la pauvreté, ainsi qu’un attachement au modèle libéral et une certaine hostilité à l’égard du travail des femmes.

Les islamistes au défi du pouvoir

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012). Mohamed-Ali Adraoui propose une analyse de l’ouvrage de Samir Amghar (dir.), Les Islamistes au défi du pouvoir : évolutions d’une idéologie (Paris, Michalon, 2012, 208 pages).

Une idéologie à prétention radicale peut-elle se transformer – surtout lorsqu’elle provient de la sphère religieuse et que son ambition initiale est de soumettre à la vision sacrale de ses militants l’ensemble de l’espace social ?
L’offre islamiste s’est bel et bien installée dans le processus démocratique. L’analyse du spectre des confrontations de l’islam politique aux réalités de l’exercice du pouvoir laisse entrevoir un éventail somme toute large de positionnements, l’environnement étant primordial pour saisir la nature de l’insertion dans le jeu politique. La thèse générale va plutôt dans le sens d’une intégration dans un jeu « pluraliste » parallèlement au maintien d’un discours de défense de l’identité religieuse de la société. Les mouvements islamistes ayant fait le choix de s’inscrire dans un système peu ou prou démocratique ont eu tendance, malgré la persistance de postures pouvant passer pour problématiques, à jouer le jeu du formalisme démocratique.
C’est le cas au Maroc ou au Liban. Le premier a vu l’entrée en politique du Parti de la justice et du développement (PJD) s’accompagner d’une modération tant pour ce qui est de l’acceptation de la norme démocratique que de la reconnaissance du régime monarchique, même si certaines inclinations idéologiques demeurent, notamment lorsque la morale religieuse ou certaines valeurs familiales sont présentées comme menacées. Au pays du cèdre, l’inscription du « Parti de Dieu » dans le jeu démocratique a conduit à mettre en avant la portée nationaliste et sociale du mouvement, relativisant la référence religieuse.
L’évolution se vérifie en partie dans le cas palestinien, où le Hamas doit gérer les contraintes liées au système démocratique et à l’agenda de résistance nationale, et en Turquie, où le Parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkinma Partisi, AKP) fait pour certains figure d’exemple à suivre, même s’il semble difficile de considérer son expérience comme mécaniquement transposable. La Tunisie fait également écho à cette dynamique puisque l’aggiornamento du mouvement Ennahda est moins présenté comme résultant d’un « agenda caché » que comme le fruit d’une contrainte liée à la transition démocratique, qui l’oblige à agir en « parti de gouvernement ».
Un autre phénomène, observable au Pakistan et au Yémen, semble être l’échec relatif de l’islamisme, si l’on en juge par la déception d’une partie de sa base sociale. Le « dilemme » serait dès lors celui-ci : faut-il revenir à un discours plus radical ou diluer définitivement la visée protestataire pour ne pas aggraver les difficultés socio-économiques et diplomatiques ? Le cas algérien, du fait des événements de 1991, constitue une exception : les spéculations demeurent sur la pratique d’un pouvoir jamais réellement exercé ailleurs qu’au niveau local.
Le dernier chapitre sur les Frères musulmans égyptiens suit plus la propension du mouvement à se fondre dans un système fondé sur la souveraineté du peuple qu’il n’expose l’histoire de son insertion dans un jeu « ouvert ». L’auteur se situe du côté de ceux pour qui les Ikhwan restent une organisation fortement idéologisée, largement incapable de revoir son credo.
Cet ouvrage, fruit de l’apport de chercheurs spécialisés dans l’étude d’un pays précis, vient indéniablement combler un vide à l’heure où d’aucuns craignent l’avènement d’un « printemps islamiste ». L’analyse de l’islam politique au sein d’un État sur un temps long constitue la principale plus-value de ce travail dont les conclusions, certes prudentes, insistent sur la nécessité de concevoir ce phénomène en constante interaction avec son environnement, de manière à saisir l’ampleur de ses mutations actuelles et futures.

Mohamed-Ali Adraoui

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