Étiquette : militarisation

Les voies de la puissance

Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne 2022 de Politique étrangère (n° 3/2022). Guillaume Lasconjarias propose une analyse croisée des ouvrages de Frédéric Encel, Les voies de la puissance. Penser la géopolitique au XXIe siècle (Odile Jacob, 2022, 304 pages) et Mark Galeotti, The Weaponisation of Everything: A Field Guide to the New Way of War (Yale University Press, 2022, 248 pages).

Des armements de plus en plus chers, des opinions publiques de moins en moins tolérantes aux pertes et, d’une façon générale, des façons de s’affirmer qui ont évolué pour ne plus se résumer aux simples ressources naturelles, à une superficie ou à une démographie : si la compétition stratégique demeure une réalité à laquelle l’actualité renvoie quotidiennement, les approches et modes d’action se sont diversifiés. Partant d’un même constat, Mark Galeotti – que l’on connaît pour ses travaux autour de la Russie et la métamorphose de son art de la guerre devenu « hybride » – et Frédéric Encel redéfinissent les nouvelles formes de la puissance, où les États dessinent leur place dans un ordre du monde nouveau.

The Shadow of the Past. Reputation and Military Alliances before the First World War – Militarism in Global Age

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2014). Jérôme Marchand propose une analyse des ouvrages de Gregory D. Miller, The Shadow of the Past. Reputation and Military Alliances before the First World War, (Ithaca, NY, Cornell University Press, 2012, 248 pages) et de Dirk Bönker, Militarism in Global Age. Naval Ambitions in Germany and the United States before World War I (Ithaca, NY, Cornell University Press, 2012, 432 pages).

ShadowBien qu’ils couvrent la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle, ces deux ouvrages ne sont en rien de simples chroniques du temps passé. Leurs auteurs ont exploité une masse considérable d’archives, de témoignages et d’analyses. Pour autant, ils ne se sont pas contentés de bricoler un récit restituant les interrogations des grandes puissances de la Belle Époque. Ils ont aussi su mobiliser un appareil conceptuel sophistiqué, faisant place aux questionnements récents des sciences sociales. The Shadow of the Past, de Gregory D. Miller, examine le rôle que tient la réputation dans la gestion des rapports interétatiques, avec un intérêt particulier pour l’impact de la fiabilité (« Vu ses agissements passés, tel État-nation paraît-il enclin à tenir ses engagements ou à les renier ? ») sur la formation et l’évolution des alliances militaires. Concrètement, l’auteur passe en revue l’abandon par la Grande-Bretagne de sa politique de splendide isolement (1901-1905), la crise de Tanger (1905-1906), la crise bosniaque (1908-1909) et la crise d’Agadir (1911). L’impression d’ensemble ? L’ouvrage brasse quantité de réflexions théoriques. Il esquisse des pistes stimulantes pour appréhender le capital réputationnel des entités étatiques – pas d’analyse pointue si on ne prend soin de différencier l’image du régime, celle des dirigeants gouvernementaux en place et celle du parti dominant – et conceptualiser les grilles d’évaluation déterminant leur pouvoir d’attraction et leur palette de partenaires potentiels. Cependant, Gregory Miller a éprouvé beaucoup de difficultés à se dégager de l’emprise de Jonathan Mercer et de son magistral Reputation and International Politics (Cornell University Press, 1996). D’où un sentiment d’inachevé.

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