Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012). Vivien Pertusot, responsable de l’Ifri Bruxelles, propose une analyse de l’ouvrage de Sébastien Boussois et Christophe Wasinski (dir.), Armement et désarmement nucléaires : perspectives euro-atlantiques (Bruxelles, Peter Lang, 2011, 200 pages).

Le discours de Barack Obama à Prague en avril 2009 a propulsé sur le devant de la scène un phénomène jusqu’alors resté largement du domaine de la communauté d’experts : le désarmement nucléaire global. Certes, des personnalités influentes, dont le « Gang of Four » – Henry Kissinger, William Perry, George Schulz et Sam Nunn –, avaient déjà commencé à promouvoir cette idée. Mais Barack Obama l’a globalisée. L’idée n’a pas fait l’unanimité : irréaliste pour les uns, prématurée pour les autres. Sans mentionner ceux qui sont en train de développer des capacités nucléaires. Le discours du président Obama a été reçu avec intérêt et bienveillance mais surtout avec prudence. Dans ce contexte, l’ouvrage tente de dresser un portrait des attitudes euroatlantiques sur le nucléaire. Le choix géographique se justifie : les États-Unis et l’Europe font partie d’une communauté de destin et se retrouvent au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).
Les différentes contributions de cet ouvrage permettent d’appréhender de manière lisible et concise l’attitude de nombreux États clés, dont les États-Unis, la Russie et la France, des institutions actives dans le domaine nucléaire et du désarmement, dont l’OTAN, l’Union européenne (UE) et même, de manière assez inattendue, le Parlement européen. Sont également mis en avant des processus importants, dont le nouveau traité START (Strategic Arms Reduction Treaty), et les zones exemptes d’armes nucléaires. Cet ouvrage est donc davantage un état des lieux qu’un traité théorique. On appréciera néanmoins le chapitre de Christophe Wasinski sur la construction des discours stratégiques dans l’espace euroatlantique et la manière dont l’arme nucléaire y est intégrée. Il donne matière à réfléchir, montrant comment l’arme nucléaire s’est imposée dans la doxa stratégique au point d’en devenir une composante essentielle.
Toutefois, l’ouvrage pèche à deux niveaux : il est déjà dépassé et n’anticipe pas suffisamment le débat sur la défense antimissile balistique (DAMB). Fruit d’un colloque qui s’est tenu au printemps 2010, il ne reflète pas les évolutions politiques récentes. En novembre 2010, les chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance ont approuvé un nouveau concept stratégique. Beaucoup de contributions spéculent sur la partie « nucléaire » du nouveau concept qui, lors de la sortie de l’ouvrage, était déjà publié. En outre, Français et Britanniques ont signé les traités de Lancaster House en décembre 2010, avec une dimension nucléaire sans précédent – et nulle mention n’en est faite dans l’ouvrage.
Plus problématique : l’ouvrage ne se penche que trop marginalement sur la DAMB. C’est pourtant un élément crucial du débat et de nombreux indicateurs le laissaient déjà présager au premier semestre 2010. Souvenons-nous que le sujet fait débat au sein de l’OTAN depuis le début des années 2000 avec un regain depuis le sommet de Bucarest en 2008. En Europe, certains États, dont l’Allemagne et la Belgique (qui bénéficie d’un chapitre spécifique), se font les porte-drapeaux de la DAMB, en remplacement de la présence d’armes nucléaires sur leur sol. Cette dimension est ici absente et c’est regrettable dans un débat sur le désarmement nucléaire. Armement et désarmement nucléaires permet donc d’avoir un bon panorama de 2010 mais ce livre est trop ancré dans son temps pour s’installer comme un ouvrage de référence.

Vivien Pertusot

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