Le Monde logoGaïdz Minassian, dans l’édition papier du Monde daté du 20-21 janvier 2013, accorde une colonne au dernier numéro de Politique étrangère (hiver 2012-2013) et à son dossier « France-Allemagne, 50 ans après le traité de l’Élysée ». Télécharger la recension en PDF ici

Noces d’or moroses pour le couple franco-allemand. Cinquante ans après la signature du traité de l’Élysée, la revue Politique étrangère, éditée par l’Institut français des relations internationales (Ifri), fait le point sur l’état des relations entre Paris et Berlin, « deux personnages en quête d’eux-mêmes », écrit son rédacteur en chef, Dominique David.
C’est « Berlin l’hybride » face à « Paris la schizophrène », poursuit-il dans son éditorial : la rigueur de l’Allemagne et sa diplomatie poussive, d’un côté, le marasme économique de la France, mais membre permanent du Conseil de sécurité, de l’autre. Dès lors, comment revitaliser les liens entre la puissance économique et la puissance nucléaire de l’Europe, s’interroge-t-il, dans un monde globalisé dont l’épicentre s’est déplacé vers l’Asie ? La « Françallemagne » doit changer de braquet, faire davantage converger les visions du futur européen et surmonter les cultures nationales. Bref, sortir du « mariage de raison », selon l’historien Georges-Henri Soutou, membre de l’Institut de France, qui rappelle que, « si le couple est toujours nécessaire, il n’est plus suffisant ». Tributaire de la guerre froide, insiste-t-il, l’axe Paris-Berlin doit dans ce monde post-bipolaire retrouver sa source d’inspiration, sinon il devient « normal ». Une normalité qui torpille l’esprit des fondateurs de l’Europe et aggrave les incompréhensions de part et d’autre.
Certes, poursuit Pierre Lellouche, ex-secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Mais pour sauver l’amour dans ce vieux couple, encore faudrait-il que les conjoints sortent du « double déni ». La France ne peut plus résister aux exigences de la mondialisation. L’Allemagne doit accepter d’endosser des responsabilités mondiales propres à toute puissance digne de ce nom. Ce saut qualitatif est une nécessité pour la survie du couple mais aussi pour les rouages de l’Union européenne et de son principal outil, l’euro. Sinon, attention au « découplage », prévient-il, avec une Allemagne décomplexée et une France décalée.
Alors, est-ce la fin de l’axe Paris-Berlin ?, se demande Ulrike Guérot, directrice du bureau de Berlin du Conseil européen des relations étrangères. Une chose est claire, « la vieille symétrie » entre le politique et l’économique est rompue. L’union politique est au point mort. Les économies nationales divergent de plus en plus. Le seul moyen de sauver l’édifice européen, écrit-elle, passe par les sociétés française et allemande, à travers un « nouveau contrat social à l’échelle européenne ». Ce sera difficile, semble répondre Hans Stark, professeur de civilisation allemande contemporaine à la Sorbonne, car, après cinquante ans de coopération, d’entente et de fraternité, « Français et Allemands ne se comprennent toujours pas ». Le propos fait froid dans le dos quand on pense à l’amitié entre Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, ou à la photo de François Mitterrand et Helmut Kohl, main dans la main, à Verdun en 1984.
Mais l’histoire a ses lois que le couple franco-allemand ne peut plus feindre d’ignorer : les « arrière-pensées » sont toujours là, expliquent les auteurs du dossier. C’est à la jeunesse franco-allemande d’y mettre fin, souligne Ulrike Guérot en prenant la plume pour écrire l’histoire d’une Europe post-1989. Les générations d’après-guerre ont rempli les premiers chapitres de la construction européenne. Les nouvelles parviendront-elles à reconstruire le récit européen ? Il y a urgence, des voix annoncent déjà le retour de l’Histoire des nations en Europe.

Gaïdz Minassian

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