Cette recension est issue de Politique étrangère 1/2013. Gilbert Étienne propose une analyse de l’ouvrage de Jean-Luc Domenach, Mao, sa cour et ses complots. Derrière les murs rouges (Paris, Fayard, 2012, 576 pages).

00-Domenach-9782213661742-XL’ouvrage n’est pas le premier à évoquer le rôle de Mao Zedong, mais l’ampleur du présent tableau est sans précédent. Il commence par évoquer le parcours sans faute de Mao dans sa quête du pouvoir. « Ensuite il a presque toujours vu faux et conduit son pays aux désastres du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle » tout en « montrant un remarquable talent politique pour conserver le pouvoir et battre tous ses opposants ».
Sa méfiance permanente vis-à-vis de la plupart de ses proches collaborateurs, y compris son Premier ministre Zhou Enlai, gêne le fonctionnement du système. Néanmoins, le haut niveau de nombreux dirigeants permet de reconstruire l’État et d’assurer un développement substantiel.
Contrairement à tant d’historiens, l’auteur donne une large place à la personnalité des acteurs, Mao et les autres dirigeants : caractères, vie privée, couples unis et maris volages, rôle des épouses, enfants qui deviendront les « fils de prince » dont la place est grande aujourd’hui. Trait curieux : les principaux dirigeants et leur famille vivent ensemble dans le palais et les parcs, Zhongnanhai, qui prolongent, derrière leurs murs rouges, la Cité interdite.
Dans ce panorama figurent les relations tumultueuses de Mao avec sa troisième femme Jiang Qing, actrice de Shanghai venue à Yanan, base rouge d’avant 1949. Jiang Qing s’accommode de l’appétit sans limites de son mari pour les jolies filles fournies par un entourage complaisant. Peu à peu, elle intervient dans les affaires de l’État, pour jouer un rôle important lors de la Révolution culturelle.
Jean-Luc Domenach retrace les grandes étapes de l’ère Mao. Les résultats désastreux du Grand Bond en avant (30 à 40 millions de morts de faim) suscitent l’opposition de nombreux dirigeants. Celle-ci deviendra permanente, au point qu’en 1966, Mao Zedong lance la Révolution culturelle, attaque massive contre le Parti, suscitant la purge de ses principaux dirigeants dont certains mourront en prison.
Les énormes désordres provoqués par la Révolution culturelle et les Gardes rouges – étudiants ou « enfants de prince » – obligent Mao à lâcher du lest, tout en faisant intervenir l’armée. La confusion augmente avec la trahison de son bras droit, le maréchal Lin Biao, et sa fuite dans un avion qui s’écrase en Mongolie extérieure en septembre 1971.
Cette époque troublée est aussi celle de la reprise des relations entre les États-Unis et la Chine. En 1972-1973, les excès de la Révolution culturelle s’apaisent. Nombre de dignitaires purgés rentrent en grâce, dont Deng Xiaoping. Zhou Enlai, un des rares dignitaires restés en place, recolle une partie de la vaisselle cassée. Néanmoins, la « bande des quatre » (Jiang Qing et ses proches) n’a pas dit son dernier mot. Les luttes d’influence ne tombent qu’avec la mort de Mao Zedong le 9 septembre 1976. Peu après, la bande des quatre est arrêtée et finit en prison. La voie est libre pour une nouvelle phase de l’histoire chinoise, que va lancer Deng Xiaoping.

Gilbert Étienne

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