Cette recension est issue de Politique étrangère 3/2013. Laurence Nardon propose une analyse de l’ouvrage d’Yves-Marie Péréon, Franklin D. Roosevelt (Paris, Tallandier, 2012, 576 pages).

00-PéréonL’historien Yves-Marie Péréon nous offre ici la première biographie en français de Franklin D. Roosevelt (FDR) depuis celle d’André Kaspi en 1986. Il s’agit d’un ouvrage à la fois agréable à lire, la langue y étant d’une grande élégance, et de référence, car l’analyse est toujours solide et les sources d’une grande richesse. L’intérêt de cette biographie est de pouvoir appréhender la trajectoire et le rôle de FDR depuis un cadre de réflexion français. Avec d’abord la présence dans l’ouvrage de nombreuses comparaisons avec la situation française de l’époque et de nombreuses évocations des réactions françaises aux politiques rooseveltiennes, y compris le récit et l’analyse de l’incompréhension historique entre FDR et de Gaulle. Surtout, le point de vue d’un auteur français permet d’appréhender les choix et les évolutions politiques en jeu depuis un cadre de réflexion hexagonal, ce qui nous rend les choses directement compréhensibles.
S’agissant d’une biographie, les aspects personnels sont couverts, montrant un homme aux prises avec une mère très présente, son épouse Eleanor, qui aura un rôle politique majeur en tant que First Lady, et quelques maîtresses ; établissant des liens affectifs forts avec ses enfants et petits-enfants ; et luttant bien sûr avec la maladie qui le paralyse à partir de l’été 1921.
Après l’enfance et les années de gouvernorat, l’ouvrage passe au vif du sujet, c’est-à-dire les quatre mandats présidentiels qui ont correspondu aux périodes les plus âpres de du XXe siècle américain : la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale.
Lors de la crise récente, la manière dont les difficultés économiques des années 1930 semblent avoir inéluctablement mené à la guerre a bien souvent été évoquée avec angoisse. Si l’histoire ne se répète pas, il reste important pour le lecteur de 2013 de connaître la trajectoire et les réflexions d’un acteur clé de cette période. Cette connaissance est d’autant plus importante que les évolutions marquantes des années Roosevelt continuent de façonner les États-Unis d’aujourd’hui. L’héritage passe principalement par un renforcement des pouvoirs fédéraux.
Grâce aux lois du New Deal et à la création d’un certain nombre d’agences, Washington devient un contre-pouvoir au secteur privé, ce qui sera monnayé par l’attribution de grands contrats fédéraux aux secteurs industriels aéronautiques et de défense à partir de la Seconde Guerre mondiale. Une régulation financière est mise en place, qui durera jusqu’au détricotage de la fin du siècle (Gramm-Leach-Bliley Financial Modernization Act en 1999, Commodity Futures Modernization Act en 2000), avec les conséquences que l’on sait. Les équilibres institutionnels sont également durablement redéfinis, puisque Roosevelt engage un renforcement significatif de la présidence, dans son combat contre la Cour suprême d’une part, par son usage inédit des médias de l’autre.
En ce qui concerne la politique étrangère, la disparition de FDR en avril 1945 ne permettra jamais à l’histoire de juger définitivement du rôle du président. S’il a accompagné l’accession finale de son pays au rôle de superpuissance, c’est son successeur Truman qui participe à la dernière grande conférence tripartite (Potsdam), décide d’utiliser l’arme nucléaire en août 1945, et assiste à l’ouverture des camps de concentration. Qu’aurait fait Roosevelt à sa place ?
Cette biographie tombe à point pour les candidats au concours de l’agrégation d’anglais du second degré, le président étant au programme pour la session 2014.

Laurence Nardon

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