Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2013). Jean-Vincent Holeindre propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Julian Lindley French et Yves Boyer, The Oxford Handbook of War. (Oxford, Oxford University Press, 2012, 736 pages).

oxford handbook of warSaluons d’emblée l’ambition de ce beau volume cartonné, qui s’inscrit dans la tradition britannique des Handbooks, ces manuels qui font le point sur un sujet ou une discipline, pour l’instruction des étudiants, des chercheurs et du public cultivé. En l’espèce, ce manuel donne une idée claire, étoffée et problématisée des apports les plus récents de la littérature savante sur la question de la guerre, en mobilisant des auteurs faisant autorité dans leur domaine.

Contribuent à ce livre collectif des chercheurs reconnus internationalement dans le domaine des War Studies : Georges-Henri Soutou sur le lien entre histoire et guerre, Lawrence Freedman sur la définition de la guerre, Hew Strachan sur la stratégie et la guerre, Serge Sur concernant les aspects juridiques, etc. Mais on trouve aussi des « praticiens » de la guerre, qui tirent les leçons de leur expérience du terrain tout en parvenant brillamment à monter en généralité. Ainsi, plusieurs officiers de carrière, issus pour l’essentiel des démocraties occidentales, donnent des contributions qui combinent l’étude des armées et l’examen des grandes tendances de la pensée stratégique : l’ancien chef d’État-major des armées françaises, le général Georgelin, traite ainsi des liens entre pouvoir politique et militaire dans l’armée française (chapitre 16) ; le général britannique Sir David Richards propose ses réflexions sur l’« art du commandement au xxie siècle » (chapitre 23) ; le colonel Durieux examine les « microguerres » au prisme de l’histoire de la stratégie (chapitre 9), etc. Outre les militaires, des diplomates impliqués dans la politique militaire signent également de belles analyses : l’ambassadeur Robert E. Hunter (chapitre 13) sur le terrorisme ou Robert G. Bell sur l’industrie de défense confrontée à la globalisation de la sécurité (chapitre 37).

Cette diversité des contributeurs fait écho à la variété des sujets. Le volume, qui compte près de 700 pages accompagnées d’un index, est organisé en 44 chapitres répartis en dix sections : des causes de la guerre (I) aux relations civilo-militaires (VIII), des aspects moraux et juridiques (II) à l’analyse prospective sur l’avenir de la guerre (X), la majeure partie du champ des War Studies est couverte.

On peut toutefois regretter la faible place laissée aux cultures militaires non occidentales. Seuls la Russie, le Japon et la Chine sont considérés pour eux-mêmes, le Brésil et l’Inde étant étudiés dans le cadre d’une contribution sur les puissances émergentes (chapitre 6). Cela constitue un manque dans un contexte de globalisation qui n’affecte pas seulement les économies, mais aussi les armées. La partie sur les liens entre « guerre et société » est elle aussi peu pourvue (trois contributions dont deux sur la communication), alors que la littérature en sociologie et en anthropologie de la guerre s’est fortement enrichie ces dernières années.

Ces quelques lacunes n’enlèvent rien à la qualité de l’ensemble. Certaines parties constituent à la fois des mines d’information et des mises au point magistrales. On pense par exemple à celle sur la conduite militaire de la guerre (VI), composées de dix belles contributions, qui portent notamment sur les coalitions, le leadership, la contre-insurrection ou encore la conduite de la guerre au sol.

Jean-Vincent Holeindre

 

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