Catalogue_004Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2014). Valériane Milloz propose une analyse de l’ouvrage d’André Bach, Justice militaire. 1915-1916 (Paris, Vendémiaire, 2013, 600 pages)

Plus qu’un ouvrage à lire de façon continue, Justice militaire. 1915-1916 constitue un outil fondamental pour qui s’intéresse à la justice militaire et au pouvoir coercitif et punitif de l’État. Comme dans Fusillés pour l’exemple. 1914-1916 dont il est la suite, la réflexion porte sur les rapports entre armée, guerre et démocratie.

Un projet guide l’ensemble : déterminer tous les facteurs qui ont mené la justice militaire à devenir beaucoup moins meurtrière en 1916 qu’elle ne le fut en 1914-1915. André Bach traite le sujet selon une approche chronologique et thématique, en s’appuyant sur plusieurs centaines de sources, surtout militaires, dont certaines sont intégralement citées.

Dans deux chapitres initiaux succincts, il dresse le bilan des années de guerre écoulées pour exposer la situation militaire et politique et les choix tactiques envisagés au début de l’année 1916. En plus d’une analyse factuelle classique, il donne à voir la guerre, de l’horreur des tranchées aux querelles personnelles des hautes strates de l’État. Il rappelle ensuite les prérogatives de la justice militaire, stupéfiantes dans le cadre d’un régime démocratique, surtout depuis le vote des mesures de renforcement de septembre 1914. Il évoque enfin le combat du Parlement, à partir d’octobre 1915, pour faire adopter des mesures accordant plus de garanties aux prévenus des tribunaux militaires, qui aboutit à la loi du 27 avril 1916 sur le fonctionnement et les compétences des conseils de guerre, puis au décret du 8 juin 1916 autorisant le recours en révision pour les condamnés à mort. Un chapitre identifie les façons dont ces mesures ont été accueillies dans l’armée et au gouvernement.

Le troisième chapitre analyse les rapports conflictuels entre gouvernement, Parlement et haut-commandement, de la nomination de Gallieni à l’éviction de Joffre. Il révèle ainsi les oppositions, le refus de donner aux députés un contrôle sur la conduite de la guerre. Ce chapitre, qui ne s’intéresse que marginalement à la justice militaire, aurait d’ailleurs pu être fondu ailleurs. Mais dévoiler le processus qui conduit à l’instauration des commissions d’enquête parlementaires permet d’évoquer la création de celle qui fut consacrée au contrôle de la justice militaire. Le septième chapitre mesure le travail et l’impact de ces commissions. L’auteur y dévoile que la commission Paul-Meunier, contrôlant la justice militaire, fut de loin la plus efficace.

À l’heure où la production historiographique est centrée sur les condamnations à mort, les cinquième et sixième chapitres apportent un éclairage inédit sur le système répressif de l’armée pendant la guerre. L’auteur détaille les mesures visant à gérer la population délinquante militaire et les structures punitives et pénitentiaires créées pendant la guerre, et il aborde les difficultés éprouvées dès l’automne 1915 pour gérer des condamnés de plus en plus nombreux, considérés comme dangereux pour la discipline.

Les trois derniers chapitres étudient la façon dont s’est exercée la justice militaire sur le terrain, lorsque les conseils de guerre ont prononcé des condamnations à mort – tous les autres modes de répression étant omis. L’analyse menée à partir d’un travail statistique fin – dont l’auteur ne donne malheureusement pas la méthodologie – précise les études déjà menées sur les fusillés et offre des données chiffrées fondamentales sur le rendu de la justice militaire – actuellement sous-étudiée, notamment après les mesures de 1916.

Valériane Milloz

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