« L’Algérie, puissance émergente ? », telle est la question posée par la journaliste Charlotte Bozonnet dans son article publié vendredi 23 octobre 2015 dans Le Monde et consacré au dossier sur l’Algérie paru dans le numéro d’automne de Politique étrangère (3/2015).

Le Monde logo« De l’Algérie, on souligne souvent la paralysie : celle de son président, affaibli par un accident vasculaire cérébral depuis 2013 ; celle de son système politique, où les clans au pouvoir refusent toute transition. Plus rarement ce qui bouge pour ce pays. Dans son dernier numéro, Politique étrangère consacre un dossier éclairant sur l’Algérie, analysant comment ce système, « miné de toutes parts», se voit contesté par son environnement international.

L’économie, d’abord, ou « la chronique d’une crise permanente » dans un pays qui, en quinze ans de manne pétrolière, aura, certes, amélioré le quotidien de ses habitants mais sans parvenir à construire une économie productive. « Au moment où l’Algérie doit faire face à une nouvelle crise pétrolière, l’hyperdépendance de son économie aux hydrocarbures fait craindre un risque systémique », prévient l’économiste Mihoub Mezouaghi. Avec un baril tombé à moins de 50 dollars (44 euros), le modèle de croissance n’est plus viable, faisant craindre une crise aux répercussions politiques.

Immobilisme mortifère

Les mutations de la politique étrangère de l’Algérie, ensuite. « La diplomatie algérienne va devoir se redéfinir face à un monde qui change », souligne Jean-François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, qui revient sur « l’âge d’or » de cette diplomatie, dont les principes restent les mêmes depuis l’indépendance : soutien à la décolonisation, non-intervention au-delà des frontières, coopération et multilatéralisme. Sauf que la survenue des « printemps arabes » et les menaces à ses frontières bousculent l’édifice.

Le principe de non-ingérence est remis en question, souligne Geoff D. Porter, de la New York University, rappelant que l’attaque contre le site gazier de Tiguentourine, en janvier 2013, a été lancée depuis le territoire libyen. Si l’Algérie reste fidèle à son approche non interventionniste, certains signes traduisent une inflexion.

En 2013, Alger a autorisé Paris à utiliser son espace aérien dans le cadre de l’opération Serval. En mai 2014, un accord de coopération militaire a été signé avec la Tunisie. Et en février, l’Algérie s’est abstenue de condamner les frappes égyptiennes en Libye. « Face à des menaces externes sans précédent, l’Algérie sera peut-être contrainte de se demander, pour la première fois, si les avantages de sa politique de non-ingérence ne vont pas finir par se révéler moindres que les inconvénients», note M. Porter.

Ce dossier de Politique étrangère raconte l’immobilisme mortifère du régime algérien, tout en analysant les défis majeurs auxquels il est confronté. Ses capacités militaires – les plus importantes du Maghreb –, sa situation géographique aux portes du Sahel en font un acteur-clé de la région. Que l’Algérie le veuille ou non. »

Article écrit par Charlotte Bozonnet dans Le Monde, le 23 octobre 2015.
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