Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère
(n° 3/2019)
. Denis Bauchard propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Maurice Vaïsse, Diplomaties étrangères en mutation (Pedone, 2019, 240 pages).

Après la publication de Diplomatie française, outils et acteurs depuis 1980, cet ouvrage collectif, également réalisé sous la direction de Maurice Vaïsse, propose une étude comparative d’une sélection des dix plus importants services diplomatiques. Dans cette perspective, il a réuni une pléiade de contributeurs, diplomates et universitaires, français et étrangers.

Ces études présentent un intérêt d’autant plus grand que l’organisation et les moyens de ces services sont le plus souvent mal connus, alors que ces derniers sont le reflet des ambitions de politique étrangère de ces pays. On y trouve des points communs : une même volonté des chefs d’État et de gouvernement, dans un contexte de mondialisation et de sommets, de s’impliquer personnellement dans la politique étrangère ; une concurrence de plus en plus évidente entre services diplomatiques et conseils nationaux de sécurité, voire d’autres ministères comme la Défense ou l’Économie ; un même développement de la diplomatie publique, et l’importance accordée au soft power ; un même recours aux nouveaux moyens de communication.

Un clivage évident apparaît cependant, à quelques exceptions près, entre l’organisation et les moyens des diplomaties des pays démocratiques, et ceux des pays émergents ou autoritaires. Dans le premier cas, les moyens sont en baisse compte tenu des contraintes budgétaires, le malaise grandit chez les diplomates en raison de la méfiance des pouvoirs à leur égard, la concurrence avec d’autres administrations est de plus en plus vive, et les orientations de la politique étrangère sont parfois flottantes, voire incohérentes. Le cas des États-Unis de Donald Trump est à cet égard exemplaire, marqué par le plus profond mépris du président à l’égard des diplomates, et par une politique menée à coups de tweets personnels impulsifs.

La Chine, au contraire, longtemps discrète, s’affirme et a mis en place progressivement depuis une vingtaine d’années un service diplomatique qui dispose de moyens importants – le budget du ministère des Affaires étrangères a doublé entre 2011 et 2017 –, avec des diplomates au professionnalisme reconnu, jouant aussi bien sur les claviers politique qu’économique et culturel, et motivés par une forte ambition, voulue par Xi Jinping, de « diplomatie de grande puissance ». Il en va de même pour la Turquie, qui entend dorénavant « assumer des responsabilités d’acteur mondial », comme l’a exprimé Ahmet Davutoglu, ministre des Affaires étrangères entre 2009 et 2014. Quant à la Russie, après la période de désorganisation de la « décennie noire », le ministère des Affaires étrangères (MID) a retrouvé, avec Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov, une influence élargie par des moyens importants, notamment en personnel : il recrute 70 à 80 diplomates par an.

Ce livre, le premier à effectuer une étude de ce type, est beaucoup plus qu’une analyse de l’organisation et des moyens dont disposent les États pour promouvoir leur influence. Il propose une description des outils de puissance qu’entend développer un certain nombre de pays pour contrer les diplomaties occidentales, dont quelques-unes sont en plein désarroi. Sa lecture s’impose pour mieux comprendre les bouleversements géopolitiques en cours.

Denis Bauchard

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