Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère 
(n° 3/2020)
. Jean-François Heimburger propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Guibourg Delamotte
, Le Japon dans le monde (CNRS Éditions, 2019, 256 pages).


Dirigé par Guibourg Delamotte, maître de conférences au département d’études japonaises à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), cet ouvrage collectif vise à analyser le rayonnement du Japon dans le monde et à en dégager les limites.

Sa première partie porte sur les paramètres intérieurs – politiques, économiques et sociaux. Arnaud Grivaud et Xavier Mellet démontrent, en s’appuyant sur le fonctionnement de la démocratie représentative, que le système politique japonais est hybride, composé d’éléments communs à d’autres démocraties et d’éléments propres. Adrienne Sala s’intéresse à l’économie japonaise qui, après la croissance des années 1950 à 1990 puis la stagnation des années 1990 à 2000, fait désormais face aux défis majeurs de la hausse de la dette publique et du déclin démographique. Robert Dujarric et Ayumi Takenaka décrivent le paradoxe d’un Japon économiquement puissant mais qui résiste encore à la mondialisation sociétale, et a du mal à se libérer de certaines normes héritées du passé, tel le respect de l’« ancienneté ».

La deuxième partie traite des défis sécuritaires. Valérie Niquet explique que le Japon se trouve dans un environnement instable et dangereux face aux menaces nord-coréennes surtout, mais aussi chinoises, et expose les différentes réponses, plus ou moins réalistes, qui sont envisagées, tel le renforcement des relations avec les États-Unis ou avec d’autres États. Céline Pajon analyse cette alliance nippo-américaine qui, mise à l’épreuve depuis l’arrivée au pouvoir de l’imprévisible Donald Trump, a tendance à se rééquilibrer en donnant plus de poids au Japon, lequel va jusqu’à agir de manière autonome, notamment en matière commerciale et diplomatique. Dans un chapitre un peu lourd – trois fois plus long que les autres –, Fabien Fieschi étudie les bonnes relations entre l’Union européenne et le Japon, consolidées par la signature des accords de partenariat stratégique et économique en 2018, dont l’avenir, plutôt prometteur, dépendra tout de même des politiques menées par d’autres États, tels les États-Unis et la Chine.

La troisième et dernière partie est consacrée aux moyens diplomatiques mis en œuvre. Marianne Péron-Doise explique que la défense japonaise est renforcée, en termes budgétaires et capacitaires, par un gouvernement qui insiste sur les menaces croissantes, la plupart des citoyens restant, tout en ayant conscience de l’évolution de l’environnement stratégique, opposés à l’envoi de militaires japonais sur le terrain. Sarah Tanke, dans un chapitre à la structure étonnante, sans introduction ni présentation des problématiques, présente notamment les objectifs des activités du Japon dans les instances onusiennes, ce travail lui permettant de légitimer son action internationale. Marylène Gervais examine les atouts et les limites du soft power du Japon, qui pourrait selon elle en tirer davantage parti en faisant mieux connaître d’autres domaines d’expertise, de manière à augmenter son influence dans le monde.

L’ouvrage, qui fournit des analyses pertinentes sur des thèmes variés et complémentaires, offre néanmoins un tableau qui peut paraître incomplet. Certaines questions importantes, voire prioritaires, comme les enlèvements de Japonais par la Corée du Nord, les relations nippo-russes, ou encore les liens avec l’Inde ou l’Afrique, auraient par exemple mérité d’être (davantage) étudiées.

Jean-François Heimburger

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