Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n° 3/2020). Hugo Le Picard, chercheur au Centre énergie & climat de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Jean Haëntjens, Comment l’écologie réinvente la politique. Pour une économie des satisfactions (Rue de l’Échiquier, 2020, 160 pages).

Jean Haëntjens est économiste et urbaniste, spécialisé dans les questions d’aménagement et de développement territorial. Il est conseiller scientifique de la revue Futuribles et membre du comité de rédaction de la revue Urbanisme. Il est aujourd’hui conseiller en stratégies urbaines et directeur du cabinet Urbatopie. Tout au long de sa carrière, il est intervenu dans de nombreuses conférences sur les thèmes de l’urbanisme et du développement des territoires. Il a publié plusieurs articles dans des revues académiques ainsi qu’une dizaine de livres. Dans le présent ouvrage, Jean Haëntjens revient sur les moyens politiques dont disposent nos sociétés démocratiques pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique, en proposant un cadre d’analyse original.

L’auteur insiste tout d’abord sur l’inertie de notre système économique face à l’urgence climatique, et notamment son incapacité à se réguler lui-même pour limiter les émissions de CO2 à des niveaux en phase avec les objectifs de l’accord de Paris. Face à l’urgence, il explique les limites de notre système politique. Il donne l’exemple de la difficulté à remplacer des actifs hautement émetteurs de gaz à effet de serre : le parc automobile et le parc électrique. Avec une véritable volonté politique, le renouvellement complet de ces parcs ne prendrait qu’en moyenne 10 et 30 ans respectivement, mais il peine à s’imposer du fait de la courte durée des mandats électoraux.

Dès le début de son livre, l’auteur met en garde contre le piège de la théorie de la « décroissance » ou de « l’évangélisme économique ». Pour lui, il ne faut pas penser « avec » ou « contre l’économie » mais plutôt « hors de l’économie ». Sa solution : le « système des satisfactions ». Ce système part du postulat que le but d’une société n’est pas de produire de l’argent mais bien des « satisfactions ». Dans ce système, les enjeux de protection de l’environnement s’articulent naturellement avec les objectifs de croissance économique. Les indicateurs traditionnels de mesure des richesses, comme la croissance du produit intérieur brut (PIB), ne sont plus des objectifs en soi, mais deviennent des facteurs parmi d’autres pour améliorer le bien-être des populations, au même titre que la préservation de l’environnement.

Après un chapitre théorique – le seul du livre – sur le système de satisfaction, l’auteur aborde des thématiques variées, comme les modes de vie et de consommation contemporains. Ceux-ci doivent changer rapidement pour permettre la transition écologique, face à des tendances de fond qu’il décrit par la suite comme la financiarisation du monde, ou encore le développement du cybercapitalisme. Dans les derniers chapitres de son livre, l’auteur met en avant ses propres solutions, en huit actes, pour mettre en application son « système de satisfaction », qui doit être attractif au regard des besoins matériels de nos sociétés modernes, tout en étant compatible avec les ressources limitées de la planète.

Loin de se montrer polémique ou caricatural sur ces sujets sensibles, l’auteur reste toujours objectif dans son analyse, la déroulant de manière claire et précise. La lecture de ce livre est donc recommandée à ceux qui s’intéressent aux enjeux climatiques et politiques, et souhaitent dépasser l’opposition entre la croissance et la décroissance économique sur les sujets écologiques.

Hugo Le Picard

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