Rémy Hémez propose pour le blog de Politique étrangère une analyse de l’ouvrage de Joseph T. Glatthaar, American Military History (Oxford, Oxford University Press, 2020, 140 pages).

En annonçant en mars 2021 le retrait des troupes américaines d’Afghanistan d’ici le 11 septembre 2021, le président Biden a tourné une nouvelle page de la courte – moins de deux siècles et demi – mais très riche histoire militaire des États-Unis. Joseph T. Glatthaar professeur d’histoire à l’université Chapel Hill de Caroline du Nord et auteur de nombreux livres, en particulier sur la guerre de Sécession, nous en donne une utile synthèse dans ce 657e volume de la fameuse série des « Very Short Introduction », équivalent britannique des « Que Sais-Je ? ».

Comme il se doit pour ce type de sujet, l’auteur suit une progression chronologique : de l’arrivée des premiers colons anglais sur le continent américain au xviie siècle jusqu’aux guerres d’Afghanistan et d’Irak, et aux défis posés aujourd’hui par la montée en puissance des outils de défense chinois et russes. Donnant ainsi un fil conducteur à l’ensemble de l’ouvrage, Joseph Glatthaar articule son propos autour de trois problématiques structurantes de l’histoire militaire des États-Unis. La première, c’est la constante recherche d’équilibre entre une armée permanente et le concept de citoyen-soldat. 1948 marque un tournant lorsque, face à la menace soviétique, l’administration veut maintenir les effectifs militaires à 1,5 million et instaure par conséquent un système de conscription en temps de paix. Le modèle d’armée bascule alors d’une dépendance à la mobilisation à une focalisation sur les capacités de déploiement. Autre moment pivot, en 1973, en réaction à la guerre du Vietnam où les États-Unis perdent 58 000 soldats, la fin de la conscription est décidée par Nixon.

La deuxième problématique est la quête du professionnalisme qui débute, pour l’essentiel, après la guerre de 1812 contre la Grande-Bretagne. Le professionnalisme de l’armée américaine progresse alors singulièrement sous l’impulsion du secrétaire à la guerre John C. Calhoun. La réforme de West Point menée par Sylvanus Thayer est un élément fort de cette évolution. L’après-guerre de Sécession (1861-1865) entraîne un regain d’intérêt pour cette recherche du professionnalisme, encouragée entre autres par le général Sherman. Des déficiences constatées lors de la guerre hispano-américaine (1898) poussent à de nouvelles réformes, comme la création, en 1903, du Joint Army-Navy Board pour mieux coordonner les opérations. Dans la foulée de la guerre du Vietnam vient une autre étape : la focalisation sur la lutte contre l’Union soviétique pousse notamment à la modernisation des capacités d’entraînement (création du National Training Center).

La troisième problématique utilisée comme ligne directrice par l’auteur est celle de la technologie. Elle devient prégnante à partir de la Première Guerre mondiale avec la mécanisation. La progression technologique s’affirme bien entendu au cours de la Seconde Guerre mondiale, la mise au point de la bombe atomique en constituant le sommet. Cette course américaine à la supériorité technologique se poursuit ensuite avec la « révolution dans les affaires militaires » des années 1970-1980 et voit sa concrétisation opérationnelle lors de la guerre du Golfe (1990-1991) qui, selon beaucoup, permet d’éloigner les fantômes du Vietnam. Ce court ouvrage, agréable à lire, permet de bien appréhender les grandes étapes de l’histoire militaire américaine, et il sera utile à toute personne, étudiant comme amateur, qui cherche à clarifier ses idées sur ce sujet.

Rémy Hémez

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