Rémy Hémez propose pour le blog de Politique étrangère une analyse de l’ouvrage d’Anne Pouget, Les 200 meilleures ruses et tactiques de guerre de l’Antiquité à nos jours (Editions Pierre de Taillac, 2021, 192 pages).

Depuis quelques années, un regain d’intérêt pour la ruse se traduit par quelques publications en français[1]. Ce recueil de stratagèmes compilés par Anne Pouget, autrice de nombreux essais et romans historiques, prend place dans ce mouvement. Il est découpé en très courts récits (généralement dix à vingt lignes) de tactiques destinées à tromper l’adversaire, eux-mêmes regroupés en 12 chapitres thématiques (« ruser dans son propre camp », dissimulation », « tactique et mise en scène », etc.).

On retrouve dans ce livre toutes les grandes catégories de ruses. Par exemple, celles qui facilitent l’entrée dans une ville ou une place forte. On y lit évidemment l’un des exploits de Du Guesclin qui, en 1354, avec une trentaine d’hommes déguisés en bûcherons et en paysannes, surprennent les Anglais de la garnison du château de Grand-Fougeray. Certains procédés se répètent dans l’histoire, à l’instar d’« un coup faux un coup vrai ». Le général romain Cnaeus Domitius Calvinus, lors du siège de Luna envoie chaque jour ses troupes en exercice autour des murailles de la cité. Les assiégés finissent par ne plus y faire attention. Le temps est alors venu pour une attaque surprise. Cette ruse de désensibilisation a plusieurs échos dans l’histoire. Celui que lui donnent les Égyptiens en 1973 est particulièrement connu. Les ruses sont également employées pour des opérations spéciales, comme celle menée par les Israéliens à Entebbe en 1976 pour libérer les otages d’un détournement d’avion : « Tonnerre » voit notamment l’utilisation d’une Mercedes noire similaire à celle d’Amin Dada et de deux Land Rover identiques à ceux de ses gardes du corps. Les ruses navales sont regroupées en fin d’ouvrage. On y (re)découvre l’utilisation des « bateaux-tortues », premiers navires blindés de l’histoire, par les Coréens lors de la bataille de No Ryang en 1598, ou encore l’emploi de « bateaux-leurres », tel que le HMS Dunraven qui, pendant la Première Guerre mondiale, est maquillé en vapeur de commerce pour attirer les sous-marins allemands.

Riche et varié, cet ouvrage souffre néanmoins de quelques défauts. On regrette par exemple que, pour chaque stratagème présenté, au moins une référence ne soit pas associée. On déplore également la sous-représentation des ruses récentes (aucune postérieure à 1976). La guerre du Golfe (1990-1991), ou encore les conflits d’Afghanistan, d’Irak ou d’Ukraine offrent pourtant des exemples pertinents. D’ailleurs, il n’y a aucune évocation du cyber, pourtant au cœur de la question des stratagèmes aujourd’hui. Également, parfois, les descriptions manquent de précision (absence de date ou de lieu). Enfin, on remarque quelques erreurs factuelles. Pour n’en citer qu’une : « Fortitude » n’est pas uniquement l’opération chargée de faire croire que les Alliés vont débarquer dans le Pas-de-Calais, puisqu’une de ses composantes, « Fortitude North », vise notamment à accréditer l’existence d’une force alliée déployée au nord de la Grande-Bretagne prête à envahir la Norvège en mai 1943.

En démontrant bien que l’imagination et l’ingéniosité ont toute leur place aux côtés de la force dans l’art de la guerre, la lecture de ce petit format demeure agréable pour l’amateur d’histoire militaire.

Rémy Hémez

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[1] Voir notamment : Jean-Vincent Holeindre, La Ruse et la Force, Perrin, 2017, recension dans Politique étrangère n° 2/2017 et Patrick Manificat, Qui ruse gagne. Une anthologie de la tromperie guerrière, Histoire et Collections, 2020 recension dans Politique étrangère n° 4/2020