Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2021 de Politique étrangère (n° 2/2021). Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Nicole Colin et Claire Demesmay, Franco-German Relations Seen from Abroad: Post-War Reconciliation in International Perspectives (Springer, 2020, 242 pages).

La question centrale est ici de savoir si la réconciliation franco-allemande, perçue comme une évidence après 1945 dans les deux pays, avec une valeur symbolique forte dans le monde entier, peut s’appliquer à d’autres situations de conflits. Nicole Colin, professeur à l’université Aix-Marseille et Claire Demesmay, qui dirige le programme France/Relations franco-allemandes de l’Institut allemand de politique étrangère (DGAP) examinent les perceptions « externes » de la relation franco-allemande, à la fois dans une perspective historique et comme moteur d’intégration régionale. Les différentes contributions cherchent à montrer si, et comment, la réconciliation et la coopération franco-allemandes sont perçues comme un modèle dans d’autres régions.

Dans son avant-propos, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, estime que le fait d’examiner différents conflits dans le monde à travers « la lentille de l’expérience franco-allemande » constitue une approche efficace, même si les conflits sont toujours uniques et que cultures, histoires, religions et géographies rendent les comparaisons difficiles. L’idée de l’ouvrage est bien que dans nombre de pays touchés par des conflits, l’histoire du rapprochement d’ennemis considérés comme « héréditaires » permet d’ouvrir des perspectives d’apaisement. Mais l’idée que l’exemple franco-allemand constitue un modèle irréprochable, applicable à toute autre situation, transposable à tout autre région, doit être relativisée.

Les auteurs, qui se consacrent à 15 pays différents, analysent les relations franco-allemandes vues « de l’extérieur », mettant en relation les principes de la réconciliation avec les spécificités politiques de leur propre pays. Les situations sont très diverses, les contextes très différents des Balkans à la Pologne, de l’Ukraine à la Russie en Europe, aux conflits israélo-palestinien et indo-pakistanais, voire au Rwanda et à l’Afrique du Sud. Une approche prenant en compte les dimensions politique, culturelle et des sociétés civiles, des conflits s’impose, pour éclairer aussi les « mythes » du processus de réconciliation. La coopération franco-allemande sert ici de miroir, où les pays « tiers » peuvent considérer leur situation présente, et leur avenir possible.

Si la nature unique de l’expérience franco-allemande rend toute tentative de reproduction irréaliste, il est légitime qu’elle suscite intérêt, enthousiasme, voire fascination dans d’autres régions. Sans constituer un exemple absolu, elle peut servir de référence et d’inspiration utile dans des situations très différentes. Cet ouvrage apporte donc un double éclairage essentiel. Il reconnaît que l’expérience de la réconciliation franco-allemande peut encore fournir un cadre utile pour la résolution des crises en général. Et il propose quelques recommandations aux acteurs impliqués dans la diplomatie et les relations internationales pour mieux s’approcher, à partir de l’exemple franco-allemand, de la résolution de leur propre conflit.

Paul Maurice

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