Étiquette : Saddam Hussein

Généraux, gangsters et jihadistes

Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n° 2/2018). Denis Bauchard, conseiller au Moyen-Orient pour l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Jean-Pierre Filiu, Généraux, gangsters et jihadistes. Histoire de la contre-révolution arabe (La Découverte, 2018, 320 pages).

Récusant le mot « printemps », Jean-Pierre Filiu veut montrer ici comment les « révolutions arabes » initiées par une nouvelle génération qui contestait le nizam, c’est-à-dire tout à la fois des régimes et des systèmes despotiques, ont suscité des réactions violentes des « mamelouks », et comment ceux-ci ont mis fin, au moins provisoirement, à la vague démocratique, sauf en Tunisie.

Wars of Modern Babylon: A History of the Iraqi Army from 1921 to 2003

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n° 4/2017). Pierre Razoux propose une analyse de l’ouvrage de Pesach Malovany, Wars of Modern Babylon: A History of the Iraqi Army from 1921 to 2003 (University Press of Kentucky, 2017, 984 pages).

Une bible ! Pesach Malovany, historien et colonel en retraite du service de renseignement militaire israélien, nous offre la somme définitive sur l’armée irakienne et les conflits auxquels celle-ci a pris part depuis sa création à la chute de Saddam Hussein. Il s’agit de la version réduite et traduite en anglais d’un livre initialement publié en Israël.

L’auteur a passé sa vie à décrypter l’évolution de l’armée irakienne des années 1970 aux années 2000. Arabophone, il a eu accès aux meilleurs documents collectés par les services de renseignement israéliens et américains. Plusieurs des cartes présentées proviennent d’ailleurs des états-majors irakiens, et ont été glanées au fil du temps par le renseignement israélien.

Daech, une guerre aussi économique que financière

Laurent Marchand, éditorialiste pour Ouest France, consacre sa chronique « Tout un monde »  à l’article écrit par Myriam Benraad dans le nouveau numéro de Politique étrangère, « Défaire Daech : une guerre tant financière que militaire ».

Ouest FranceComme une masse liquide injectée dans le grand Proche Orient, les territoires conquis par le groupe État islamique fluctuent sur les cartes du renseignement international. Ce que ces cartes ne montrent pas c’est l’assise économique et financière qui explique la fulgurante montée en puissance de Daech et sa force de frappe. L’organisation pèserait environ 2 milliards de dollars. Dans le numéro d’été de Politique étrangère, la revue de l’Institut international des relations internationales, Myriam Benraad, chercheuse au CERI-Sciences-Po, se penche sur « les rouages économiques et financiers » et la précarité socio-économique qui régnait en Irak qui ont permis à Daech, « dès son émergence sur la scène irakienne à l’automne 2006, de conquérir un vaste territoire ». Elle décrit la mise en place de réseaux de contrebande qui « préexistaient au renversement même de Saddam Hussein ». Elle énumère les différentes sources d’enrichissement de l’organisation : trafics d’armes, de biens, d’œuvre d’art, exploitation du gaz et du pétrole, « méthodes de levée et de transfert de fonds extrêmement sophistiquées », attaques contre des dizaines de banques, racket, rançons, commerce avec les agents d’Assad… 

Saddam Hussein’s Ba’th Party; Inside an Authoritarian Regime

Saddam HusseinThomas Pierret propose une analyse de l’ouvrage de Joseph Sassoon, Saddam Hussein’s Ba’th Party. Inside an Authoritarian Regime (Cambridge University Press, 2012, 336 pages).

La plupart des chercheurs ayant travaillé sur les régimes autoritaires du Moyen-Orient contemporain ont été confrontés à l’impossibilité de consulter les archives officielles, et cela en dépit de l’expiration des délais légaux de communicabilité. L’ouvrage de Joseph Sassoon sur le régime de Saddam Hussein constitue une exception remarquable à cette règle dans la mesure où l’auteur a pu accéder aux millions de documents capturés par les troupes américaines lors de l’occupation de Bagdad en 2003. Ce fonds se compose non seulement de documents écrits mais aussi d’enregistrements sonores de réunions présidées par Saddam Hussein lui-même. Sassoon offre ainsi une plongée au cœur de l’ancien pouvoir irakien, détaillant les structures et activités du parti Baas, des services de sécurité, de l’armée, et de la bureaucratie.

Structuré par son matériau documentaire plus que par une problématique spécifique, l’ouvrage est relativement descriptif. En outre, Sassoon se montre peut-être insuffisamment ambitieux en termes d’analyse comparative puisqu’il tend généralement à souligner la conformité de son étude de cas avec les analyses existantes des systèmes autoritaires et totalitaires, plutôt que de mettre l’accent sur les points où son matériau s’écarterait de ces analyses. L’auteur propose néanmoins une révision critique de certaines idées reçues sur le régime baasiste irakien. Là où ses prédécesseurs se concentraient sur la dimension répressive du régime, Sassoon met en exergue le déploiement, en parallèle, d’un vaste système de récompenses des éléments obéissants. Par ailleurs, les actes quotidiens de résistance à l’autoritarisme, méthodiquement recensés par les agences répressives, acquièrent ici une visibilité largement occultée par l’image de toute-puissance véhiculée par l’ancien régime et partiellement relayée par les travaux antérieurs. Sassoon récuse également l’idée d’un affaiblissement du parti Baas après la dévastatrice guerre du Koweït en 1991, soulignant notamment l’accroissement du nombre de ses membres jusqu’en 2003.

Plus contre-intuitive encore est la relativisation par l’auteur de la nature confessionnelle (sunnite) du régime, à laquelle Sassoon oppose la cooptation d’un nombre important de chiites et la profonde méfiance des autorités à l’endroit de toute manifestation de religiosité, qu’elle soit chiite ou sunnite. Sans que cela constitue réellement une surprise, Sassoon illustre ainsi avec une clarté inédite le caractère profondément opportuniste de la « Campagne de Foi » lancée en 1993 par un Saddam Hussein dont les convictions personnelles demeurèrent fondamentalement laïques jusqu’à la fin. Toujours dans le registre religieux et confessionnel, Sassoon note aussi l’absence, dans les documents étudiés, de référence à l’identité confessionnelle des individus, l’accent étant plutôt mis sur l’origine étrangère (en particulier iranienne) des éléments jugés peu fiables. L’auteur en conclut que pour l’ancien régime irakien, l’affiliation confessionnelle n’importait pas tant que la loyauté.

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén