Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n°3/2016). Tristan Aureau propose une analyse de l’ouvrage de Ian Bremmer, Superpower – Three Choices for America’s Role in the World (Londres, Penguin Press, 2015, 240 pages).

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Alors qu’approchent les prochaines élections présidentielles américaines, nombreux sont les ouvrages qui entendent dresser un bilan de la politique étrangère américaine de ces dernières années et dégager quelques orientations d’avenir. L’originalité du livre de Ian Bremmer, essayiste influent et président de l’Eurasia Group, tient non pas tant à une thèse singulière qu’à la volonté de l’auteur de faire prendre parti au lecteur.

Dès l’introduction, le lecteur est ainsi invité à répondre à un questionnaire portant sur les options fondamentales de la politique étrangère américaine. S’ensuit une présentation synthétique du contexte international ; sans surprise, l’accent est mis par Bremmer sur les incertitudes entourant l’émergence de la Chine, le regain d’agressivité de la Russie, la faiblesse stratégique de l’Union européenne et les violentes secousses qui traversent le Moyen-Orient. Puis vient une critique sans concession de la politique étrangère menée depuis la fin de la guerre froide, particulièrement par Barack Obama dont Bremmer ne cesse de déplorer ce qu’il qualifie d’absence de stratégie.

S’ouvre alors le cœur de l’ouvrage, avec trois chapitres correspondant, pour Bremmer, à autant de cours possibles pour la future politique américaine. Le premier – Indispensable America – repose sur la conviction que les États-Unis demeurent une nation exceptionnelle appelée à imposer son leadership sur la scène internationale et à promouvoir ses valeurs, le cas échéant en recourant à la force armée. Le deuxième – Moneyball America – serait une politique étrangère calculatrice, fondée sur la poursuite des intérêts américains et débarrassée de toute prétention à exporter des valeurs telles que la démocratie ou les droits de l’homme. Le troisième – Independent America – renvoie à l’idée que les États-Unis ne pourront restaurer un quelconque leadership sur la scène internationale sans redevenir un exemple, ce qui suppose de reconstruire la puissance américaine de l’intérieur avant s’aventurer à nouveau au-dehors.

Le principal mérite de l’ouvrage tient à ce que Bremmer défend vivement chacun de ces trois points de vue, avant de dire sa préférence pour l’option Independent America, au terme d’une analyse sans concession, notamment à propos de la politique de Barack Obama face aux crises syrienne et ukrainienne. La présentation des options a enfin le mérite de structurer le débat de politique étrangère qui pourrait prendre de l’ampleur à l’approche des élections de novembre prochain.

Le lecteur peut toutefois regretter que le propos soit, en définitive, convenu, et reprenne des thèses défendues par d’autres auteurs ces dernières années. L’option Independent America rappelle la thèse défendue par R. Haas dans Foreign Policy Begins at Home (Basic Books, 2014), tandis que l’analyse de la moindre puissance relative des États-Unis fait directement écho aux analyses de J. Nye, notamment dans son dernier essai (Is the American Century Over?, Cambridge, Polity Press, 2015). Quant à la critique de la politique d’Obama, elle peine à convaincre tant elle écarte d’un revers de main des orientations fondamentales qui, à défaut d’une stratégie formalisée, ne manquent pas de cohérence : « pivot » vers l’Asie, recours accru à des modes d’intervention discrets, retrait des principaux théâtres d’opérations sur lesquels s’était engagé son prédécesseur.

Tristan Aureau

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