Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage d’Asiem El Difraoui, Le Djihadisme (PUF, 2016, 128 pages).

Le Djihadisme

Asiem El Difraoui, spécialiste germano-égyptien de la mouvance djihadiste, a été journaliste et producteur de documentaires avant d’entamer une carrière de chercheur. Sa thèse de doctorat, parue aux Presses universitaires de France en 2013, portait sur la propagande audiovisuelle d’Al-Qaïda. Son dernier livre relève moins du travail de recherche que de la synthèse.

Il se décompose en quatre chapitres. L’introduction et le premier chapitre portent sur l’histoire du djihadisme. Les grands idéologues de cette mouvance sont présentés succinctement, l’influence de Sayyid Qutb et Abdallah Azzam étant particulièrement mise en avant. La guerre en Afghanistan des années 1980 est décrite comme le véritable « berceau du djihadisme ». L’accent est ensuite mis sur l’évolution d’Al-Qaïda jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001, l’affaiblissement de cette organisation à la suite des représailles américaines, puis sa renaissance à partir du déclenchement de la guerre en Irak en 2003. Al-Qaïda reste active aujourd’hui. La tuerie de Charlie Hebdo, en 2015, a été revendiquée par sa branche yéménite.

Les deuxième et troisième chapitres sont consacrés respectivement à Daech et à la propagande djihadiste. Daech a connu un double développement phénoménal au cours des dernières années. Sur le terrain moyen-oriental tout d’abord, l’organisation a multiplié les conquêtes territoriales jusqu’en 2014, année de « rétablissement du califat » par Abou Bakr Al-Bagdadi. Sur le terrain numérique ensuite, Daech s’est démarqué par son usage sophistiqué des réseaux sociaux. La propagande de cette organisation fait alterner des vidéos présentant le djihadisme comme un phénomène jeune et « cool » – ce qu’Asiem El Difraoui appelle le « djihad pop » –, et des contenus ultra-violents de combats ou d’exécutions.

Le quatrième chapitre – rédigé avec Milena Uhlmann – a trait à la radicalisation et à la déradicalisation. L’accent est mis spécifiquement sur la France – pays occidental qui compte le plus de ressortissants engagés dans des groupes djihadistes en Syrie et en Irak. Différentes expériences menées pour tenter de « désembrigader » les individus séduits par Daech ou Al-Qaïda sont présentées, à l’instar du Centre de déradicalisation de Dounia Bouzar, ou du Centre de prévention de la radicalisation lancé à l’initiative de la Fédération des musulmans de Gironde. Outre ces structures privées, des initiatives publiques sont également mentionnées. Les auteurs se montrent particulièrement critiques envers les « centres de réintégration et citoyenneté », dont l’approche collective et « autoritaire » serait vouée à l’échec.

Dans la conclusion de ce petit livre, Asiem El Difraoui expose les courants universitaires qui s’affrontent autour du phénomène djihadiste. Les travaux d’Olivier Roy, Scott Atran, François Burgat et Gilles Kepel sont ainsi brièvement décrits. L’auteur ne cherche pas à faire une « synthèse molle » entre ces différents chercheurs. Il ne cache pas sa préférence pour Gilles Kepel, sous la direction duquel il a d’ailleurs effectué ses recherches doctorales. Pour finir, El Difraoui esquisse quelques pistes pour combattre Daech, qu’il considère comme une « secte eschatologique ». Il prône une « approche holistique », qui inclurait notamment une « réfutation idéologique » et une lutte contre les inégalités socio-économiques. En d’autres termes, la bataille est encore loin d’être gagnée.

Marc Hecker

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