Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère
(n° 4/2019)
. François Gaulme propose une analyse de l’ouvrage de Marie Redon, Géopolitique des îles. Des îles rêvées aux îles mondialisées
(Le Cavalier bleu, 2019, 176 pages).

Avec ses références et sa bibliographie réduites à leur plus simple expression, ce petit livre s’adresse à un large public. C’est en soi une excellente initiative, car il aborde un sujet qui ne cesse de prendre de l’importance, bien qu’il demeure peu connu et soit rarement traité.

Le titre du livre, dans sa version abrégée, ne traduit qu’imparfaitement son objet. Marie Redon module son analyse entre des considérations « géopolitiques » au sens des organisations internationales, et des enjeux mondiaux et des développements personnels plus flous, dans un large chapitre sur la « spectacularisation de l’île ». Celui-ci, dans des réflexions d’ordres culturel, sociétal et philosophique, aborde, pêle-mêle, l’imaginaire des îles (tropicales ou non) dans le monde occidental, le phénomène économique des croisières, et le souvenir historique des « Frères de la côte » du temps des pirates des Caraïbes…

On se perd dans ce dédale, alors que le premier chapitre, non moins copieux et bien plus précisément documenté, se concentrait très justement sur le contexte international de multiplication des États souverains depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, relevant qu’entre 1965 et 1985, une vingtaine d’États insulaires ont fait leur entrée à l’Organisation des Nations unies.

Ce chapitre aborde ensuite les questions extrêmement complexes liées au droit de la mer et à la question des zones économiques exclusives. Il s’agit là de préoccupations très actuelles et qui demeurent en pleine évolution, alors que le pillage des ressources océaniques n’a fait que se développer depuis des décennies.

Certaines « petites économies insulaires » – pour employer l’expression technique les concernant dans les organisations multilatérales – en sont réduites à devenir des paradis fiscaux, ou des relais privilégiés du trafic de drogue, dans un monde globalisé. Il est dommage que ces deux derniers problèmes ne soient abordés qu’à la fin du livre. L’auteur les a coupés d’une analyse encore rapide mais déterminante, et placée tout naturellement en tête d’ouvrage, du statut particulier des États ou territoires insulaires de toutes sortes et de l’évolution du droit international. Ils en sont séparés maladroitement par les réflexions philosophiques évoquées plus haut, comme celle sur l’île « lieu commun » de la pensée occidentale.

En dépit de son réel mérite pour attirer l’attention du public sur les questions insulaires en général, le défaut de ce livre est en fin de compte l’absence de tentative d’un classement ordonné des problématiques concrètes des situations de toutes ces îles : elles n’ont en fait que peu en commun, entre les plus grandes du monde – Groenland, Nouvelle-Guinée… – et les petits atolls du Pacifique. Leur localisation, leur degré d’exposition au changement climatique rendent aussi très variables les enjeux auxquels elles sont confrontées. L’insularité ne suffit pas comme telle à les rassembler dans une problématique commune.

Le dernier chapitre du livre, qui énumère, sur le thème des flux migratoires, les situations respectives de la Caraïbe, de Chypre, de Mayotte et de Nauru (dans le Pacifique), montre que cette préoccupation classificatoire n’est pas entièrement absente, mais qu’elle n’est pas assez généralisée pour produire une vision moins abstraite et purement transversale de la place de l’insularité dans les relations internationales.

François Gaulme

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