Rémy Hémez propose pour le blog de Politique étrangère une analyse de l’ouvrage de Vincent Lazerges, Mercredi noir à Mobayan. 7 septembre 2011, Afghanistan (Éditions de l’École de guerre, 2021, 180 pages).

Vincent Lazerges est officier de chasseurs alpins, déployé à diverses reprises sur les théâtres d’opérations, dont l’Afghanistan. Doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), ses travaux de recherche portent sur l’expérience combattante en Kapisa de 2008 à 2012. Dans cet excellent essai, il livre une première étape de cette entreprise intellectuelle. Il décrit en détail une journée de combats en Afghanistan : l’opération « Black Eight », menée par un sous-groupement tactique interarmes du 1er régiment de chasseurs parachutistes aux environs de Mobayan, le 7 septembre 2011.

Après un préambule présentant l’engagement français en Afghanistan, l’auteur, dans un premier chapitre intitulé « mise en scène », explique la mission et le contexte qui l’a précédée. Surtout, il introduit les acteurs des combats de Mobayan dont les témoignages écrits ou oraux sont les sources principales du livre : le capitaine JBG, officier adjoint de la compagnie parachutiste ; l’adjudant AC, chef de section ; le lieutenant-colonel SC, chef des opérations et le commandant CG, médecin de la compagnie.

Le récit est ensuite chronologique. Il débute sur le départ en opération de nuit « un souvenir collectif, un repère pour tous les vétérans de la Kapisa ». Le déplacement est court mais l’effet de surprise est difficile à conserver. L’objectif, une habitation à fouiller, est atteint au petit matin. Dès 5 heures, c’est le « contact » avec les insurgés et les premiers coups de feu retentissent. L’adjudant AC est gravement blessé au visage, deux autres soldats sont touchés. Il faut les évacuer. Le sous-officier refuse d’être brancardé pour ne pas ponctionner des hommes utiles au combat et décide de marcher. Le parcours fait pourtant deux kilomètres et il est accidenté.

Les combats continuent, c’est l’objet du chapitre suivant. À 8 h 25, les insurgés conduisent une attaque générale contre l’ensemble du dispositif français. Les tirs sont denses. Une section est cernée et des affrontements à très courte distance ont lieu. Un 75e militaire français est tué en Afghanistan : le lieutenant Valéry Tholy, du 17e régiment du génie parachutiste. La journaliste de TF1 Patricia Allémonière est blessée, tout comme plusieurs autres militaires, et il faut évacuer rapidement ceux qui le sont le plus grièvement. Par un heureux concours de circonstances, des hélicoptères américains peuvent apporter leur aide. Le capitaine JBG doit alors repérer une zone de poser sous la pression des insurgés. Cette évacuation aérienne terminée à 10 h 49, il reste encore six blessés à soigner rapidement. Une nouvelle « caravane médicale » doit être montée, il faudra une heure et trente minutes d’efforts pour rejoindre le point de départ de l’opération. Dans les dernières pages du livre l’auteur s’intéresse enfin aux traces laissées par les combats et à l’« incertitude irréductible » du récit de ce type d’événements « dans la mesure où la configuration asymétrique des combats rend difficilement imaginable d’obtenir une version des faits, celle des insurgés. » Vincent Lazerges cherche à expliquer ce qui se passe « derrière la fumée du combat », à rendre compte de ce qui s’y joue. Il réussit remarquablement cette entreprise en se concentrant sur un épisode des treize années de présence militaire française en Afghanistan : une journée de combat intense, en l’analysant et en faisant dialoguer les témoignages qu’il a recueillis auprès de quatre acteurs de la bataille de Mobayan.

Rémy Hémez

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