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Présentation vidéo du numéro d’hiver 2014-2015 de Politique étrangère

Dominique David, rédacteur en chef de Politique étrangère, présente le numéro à paraître de la revue.

Politique étrangère 4-2014 Internet : une gouvernance inachevée / Ebola, par ifri-podcast

 

AU SOMMAIRE :

Presse : La Croix

La Croix (édition du 07/09/12 à lire ici) : Jean-Christophe Ploquin y consacre une colonne au dernier numéro de Politique étrangère (2/2012) et à son dossier « Internet, outil de puissance ». À lire également ci-dessous.

REVUE — États contre internautes sur le Web
La gouvernance d’Internet

Internet s’apparente-t-il à un Far West ou à la terre promise ? Sur les terres à peine défrichées qu’arpentent chaque jour davantage d’internautes, chacun cultive tranquillement son lopin de relations personnelles, sème et récolte les informations. On se retrouve dans sa communauté. De gros investisseurs tirent des lignes de communication et développent le commerce. La prime est à l’audace, voire au bluff. Les fortunes se font et se défont très rapidement. La vie sur le réseau est plutôt tranquille, même si des malfaiteurs guettent toujours. La régulation se déroule entre gentlemen, qui se retrouvent dans des forums. Il n’y a pas de chef mais des experts, des sociétés privés, des représentants de la société civile, et parfois le shérif – les gouvernements.
Ce monde toucherait-il à sa fin ? Internet est une réussite phénoménale puisque aujourd’hui 2 milliards d’humains sont connectés et que les entreprises y réalisent des chiffres d’affaires en milliards de dollars. Mais en changeant de dimension, il concerne de plus en plus les États, qui constatent qu’ils n’ont pas leur mot à dire. Il n’existe pas, à ce jour, un seul traité ou convention internationale relative à Internet. C’est cet instant crucial que signale la revue Politique étrangère. Car des joutes se préparent. Les acteurs historiques de l’Internet, qui en ont assuré le développement grâce à des systèmes d’interaction souples entre des organismes s’intéressant à la technique, pas aux contenus, défendent une forme de gouvernance qui a privilégié trois acquis : la généralisation de l’accès, l’interopérabilité globale et un équilibre entre la facilité d’utilisation et les exigences de sécurité. Mais Internet a pris une telle place qu’il touche désormais à de nombreux domaines : droits de l’homme, liberté d’expression, respect de la vie privée, protection de la propriété intellectuelle, droit de la concurrence, sécurité nationale…
Cela conduit les États à vouloir légiférer. Le débat est tendu par ceux des pays qui entendent exercer une censure sur leurs citoyens, au premier rang desquels la Chine et ses 500 millions d’internautes. Sociétés civiles contre États : c’est l’affrontement auquel les auteurs du dossier de Politique étrangère ne voudraient pas assister. Ce qui nécessitera, selon eux, de créer une troisième voie en matière de gouvernance.

JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN

Politique étrangère, été 2012, 20 €.
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DarkMarket et cybercriminalité

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012), dont le premier dossier est consacré à « Internet, outil de puissance ». Julien Nocetti, chercheur associé au centre Russie/NEI de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Misha Glenny, DarkMarket: Cyberthieves, Cybercops, and You (New York, Knopf, 2011, 304 pages).

Avant DarkMarket, les ouvrages sur la cybercriminalité se rangeaient en deux catégories. La première regroupe les auteurs – la plupart issus du milieu de la sécurité – se faisant un devoir d’alerter sur l’imminence d’un « Pearl Harbor numérique » ou d’un « cyber-Katrina ». La seconde, des experts informatiques et des chercheurs, qui optent pour une approche technique et des ouvrages au jargon impénétrable.
Une troisième catégorie émerge, composée d’ouvrages écrits par des journalistes et fourmillant d’enquêtes de terrain et de personnages décalés. Le résultat est concluant. Ces ouvrages narrent les histoires captivantes de hackers malfaisants (Kingpin, de Kevin Poulsen), d’enquêteurs au noble dessein (Fatal System Error, de Joseph Menn) et, dans le cas de DarkMarket, de batailles virtuelles où les affrontements se matérialisent. L’opus de Misha Glenny tente la biographie d’un obscur forum Web qui, entre 2005 et 2008, connectait acheteurs et vendeurs d’informations volées – généralement des données bancaires – et conseillait les programmes informatiques requis pour les subtiliser.
Sorte d’E-Bay de la cybercriminalité, DarkMarket était plus exclusif que son modèle : l’internaute devait préalablement obtenir un parrainage. Une communauté relativement vaste – 2 500 membres à l’apogée du site – a permis de voler plusieurs millions de dollars.
Puis vient cette révélation surprenante : pendant plus de deux ans, à l’insu de ses membres, DarkMarket a été administré par un agent du Federal Bureau of Investigation (FBI) sous couverture de l’identité d’un célèbre spammer polonais. Bien que nombre d’aspects de l’enquête du FBI restent drapés de mystère, les experts de l’agence s’avèrent plus créatifs qu’on ne pense. Coopérant avec ses homologues européens, le FBI parvient à arrêter la plupart des responsables de DarkMarket.
Journaliste d’investigation talentueux, M. Glenny a rencontré aussi bien les enquêteurs que les cybercriminels. Il dissèque l’histoire éphémère mais tortueuse de DarkMarket dans un style méticuleux, presque chirurgical. L’auteur, qui a publié des ouvrages sur l’Europe de l’Est avant de se consacrer au crime organisé puis à la cybercriminalité, est fort bien informé. Il dispose pour cela d’un casting impressionnant : agents du renseignement militaire turc, Tigres tamouls, membres de la famille royale saoudienne, frère d’un juge de la Cour suprême américaine, etc.
Plus que le simple récit, DarkMarket privilégie l’approche anthropologique de la communauté DarkMarket, élucidant ses motivations, ses procédés et sa philosophie anarchiste. Bien des cybercriminels optent pour ce milieu pour les mêmes raisons qui poussent la jeunesse désœuvrée du monde entier vers une criminalité plus classique. Désespoir et rejet de la pauvreté planent sur ce livre. C’est là un apport majeur de l’auteur : indépendamment des sommes d’argent dépensées par les États et par les entreprises pour leur sécurité informatique, la guerre contre la cybercriminalité ne sera pas vaincue sans qu’on appréhende pleinement la psychologie de ses adeptes.
DarkMarket ne cherche pourtant pas à replacer la disparition du site éponyme dans un contexte plus large. Le lecteur aimerait connaître la probabilité de l’émergence de successeurs ou savoir dans quelles autres formes d’activités peuvent s’engager les cybercriminels… En dépit de cette limite, l’ouvrage illustre remarquablement la façon dont la microhistoire d’Internet s’écrit sous nos yeux.

Julien Nocetti

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Internet, gouvernance et démocratie

Cette revue de lecture est issue de Politique étrangère vol. 76 n°4Julien Nocetti, chercheur associé au Centre Russie/NEI à l’Ifri, propose une analyse de trois ouvrages majeurs sur le rôle d’Internet en démocratie et sa gouvernance par les États : The Digital Origins Of Dictatorship And Democracy: Information Technology And Political Islam (Philip N. Howard, Oxford University Press, 2010), The Net Delusion: The Dark Side Of Internet Freedom (Evgeny Morozov, New York, Public Affairs, 2011), Networks And States: The Global Politics Of Internet Governance (Milton L. Mueller, Cambridge, MIT Press, 2010).

* * *

Sans conteste, Internet et le Web sont devenus des sujets d’étude à part entière des relations internationales. Le cyberespace est aujourd’hui le théâtre d’enjeux protéiformes : économiques, politiques, sécuritaires et culturels. Dans cette myriade d’enjeux, celui du « pouvoir libérateur » d’Internet n’est pas le moindre et fait l’objet de discussions nourries et contradictoires entre experts et acteurs de la société civile.

« Il est clair que, de plus en plus, la route vers la démocratie sera numérique. » C’est par cette remarque que se clôt l’ouvrage de Philip Howard, The Digital Origins of Dictatorship and Democracy: Information Technology and Political Islam. À la lecture des événements du « printemps arabe » en Tunisie et en Égypte, le lecteur est tenté d’acquiescer. En effet, la révolution égyptienne, comme celle qui l’a précédée en Tunisie, montre à la fois la puissance des nouveaux médias, la difficulté de leur opposer des forces classiques de contrôle et de répression et leur articulation, trop souvent minorée, avec les médias traditionnels comme la télévision ou la presse.

Pour autant, au lieu d’affirmer – naïvement – que « Twitter nous sauvera tous », P. Howard avance que les « grands » du Web que sont Facebook, Google, Twitter ou YouTube sont amenés à devenir partie intégrante des processus révolutionnaires et de transition démocratique. La relation entre utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) et transition démocratique peut être causale mais dépend de bien d’autres facteurs, que l’auteur analyse de manière fouillée bien que plutôt rébarbative. Il va sans dire que ce n’est pas Internet ou les réseaux sociaux qui font la révolution : les immolations publiques, les manifestations interdites ou l’occupation de la place Al-Tahrir sont avant tout les expressions physiques d’un désarroi et d’une contestation populaires. D’ailleurs, comme on l’a vu, l’usage des nouvelles technologies n’est pas l’apanage des forces contestataires et il a même tendance à canaliser le mécontentement intellectuel au détriment des engagements militants. À tel point qu’on peut se demander quel est l’avenir d’une mobilisation si celle-ci n’est pas accompagnée d’un travail de structuration politique qui permet à un rassemblement de masse de se muer en force révolutionnaire agissante. En filigrane de cet ouvrage apparaît néanmoins une interrogation : Internet homogénéise-t-il, américanise-t-il ou démocratise-t-il la culture politique ?

Ces sujets, Evgeny Morozov les aborde sur un ton nettement plus critique et cynique dans son opus The Net Delusion: The Dark Side of Internet Freedom. Jeune chercheur biélorusse, E. Morozov publiait avec un fort écho médiatique ce premier ouvrage au moment même où surgissaient les troubles politiques au Maghreb et au Moyen-Orient. L’auteur y remet radicalement en question le pouvoir libérateur d’Internet. Il y dénonce la « cyberutopie » qui draperait la technologie de vertus émancipatrices, comme celle d’être nécessairement vecteur de démocratie pourvu que l’information circule sans entrave. Cette cyberutopie trouverait son origine dans l’ignorance ou dans la paresse intellectuelle de nos contemporains, qui se laissent aller au « déterminisme technologique » en imaginant que toutes les questions qui se posent dans nos sociétés peuvent être résolues par le prisme d’Internet.

E. Morozov a raison lorsqu’il souligne que la technologie n’est pas intrinsèquement bonne pour la liberté, qu’on peut l’utiliser pour entraver, surveiller et punir aussi facilement que pour contourner, libérer et partager. Néanmoins, le cynisme de ses propos paralyse parfois son analyse. Son message est également noyé au milieu d’une série d’attaques confuses contre un mouvement cyberutopique nébuleux, dont les points de vue sont évoqués en termes très généraux, souvent sous la forme de citations d’agences de presse censées résumer un hypothétique consensus cyberutopique.

Sans être un lointain héritier du luddisme, E. Morozov est sceptique quant à la capacité de la technologie à déclencher des révolutions et à répandre la démocratie. Pour renverser un régime corrompu, écrit-il, avoir librement accès à l’information n’est ni nécessaire, ni même important ; c’est une antienne des « reaganiens » nostalgiques de l’époque des samizdat et de Radio Free Europe. La cible de l’auteur n’est guère masquée : E. Morozov ne mâche pas ses mots contre la e-diplomacy américaine portée par les discours d’Hillary Clinton sur la liberté d’Internet. Il accuse les responsables américains de politiser outrancièrement Internet, tout particulièrement dans les relations des États-Unis avec les pays autoritaires. Car ces derniers, avance-t-il, savent se montrer tout aussi « techno-compatibles » que les régimes démocratiques. Il consacre plusieurs chapitres – aux titres provocateurs (« Pourquoi le KGB veut que vous rejoigniez Facebook » ; « Réseaux ouverts, esprits étroits », etc.) – à cartographier avec force détails les stratégies mises en place par les régimes autoritaires dans leur usage de Facebook et autres équivalents locaux pour accroître la surveillance (Iran), financer des blogueurs prorégime, manipuler les discussions en ligne potentiellement dangereuses et surveiller les blogueurs susceptibles de rejoindre l’opposition (Russie, Chine), utiliser les réseaux sociaux pour divertir et dominer le discours en ligne (Hugo Chavez), décentraliser la censure (Chine) et utiliser des méthodes de crowdsourcing basées sur les croyances religieuses et nationalistes des internautes pour traquer la contestation (Arabie Saoudite).

Décrivant longuement la façon dont les technologies numériques ont rendu nos vies plus transparentes envers les États, E. Morozov sous-estime les multiples manières dont elles ont rendu les activités des États plus visibles que jamais. Pour lui, les nouvelles technologies rendent le travail des « surveillants » moins coûteux et plus efficace, faisant de la propagande une activité créative. Pourtant, les régimes autoritaires affrontent réellement une tension lorsqu’ils adoptent les nouvelles technologies. Celles-ci les contraignent à certains compromis : utiliser les TIC pour moderniser leur économie mais réduire leur impact politique ; autoriser l’usage personnel d’Internet et les communications mobiles sans garantir le respect de la vie privée et en évitant autant que possible toute perméabilité à l’Occident.

Sa préférence pour une cyberpolitique réaliste prenant en compte les contextes locaux n’est pas exprimée dans les mêmes termes que ses arguments contre le « Web-centrisme » et le déterminisme technologique. Il affirme croire au potentiel d’Internet comme outil de promotion de la démocratie, sans toutefois développer un argumentaire autour de propositions structurées.

D’une certaine manière, l’ouvrage d’E. Morozov questionne la place des États dans l’Internet. Que ces derniers soient d’essence démocratique ou autoritaire, l’auteur privilégie une approche très globalisante et critique. Dans Networks and States: The Global Politics of Internet Governance, Milton Mueller prolonge, dans un style universitaire et de manière plus convaincante, la réflexion sur l’interaction entre États et Internet, en faisant de la gouvernance du réseau le thème central de son ouvrage.

Sujet éminemment complexe, la gouvernance d’Internet a fait l’objet de nombreux travaux, souvent ignorés par les décideurs politiques. Pour les uns, le cyberespace serait travaillé par des logiques classiques : le numérique ne serait qu’un nouvel avatar de la puissance, inscrite dans un cadre interétatique. Pour les autres, dont M. Mueller fait partie, la gouvernance d’Internet ne pourrait que générer des innovations institutionnelles et sociales inscrites dans des processus globaux de régulation. Cette approche insiste sur la nécessité de repenser le rôle des États dans la gouvernance globale.

Dans cet ouvrage très tocquevillien, M. Mueller rend compte de façon méticuleuse des principales ébauches de gouvernance du réseau. Selon lui, les débats sur la gouvernance d’Internet ont trop souvent été réduits à une dichotomie entre les « cyberlibertaires » et les tenants d’un cyberconservatisme. Le premier courant ressemble au déterminisme de l’utopisme technologique ; le second est avant tout un modèle de souveraineté étatique, qui étend les formes traditionnelles du contrôle des États sur Internet. Pour M. Mueller, deux problèmes fondamentaux – par ailleurs bien perceptibles lors de l’e-G8 en mai 2011 – biaisent la plupart des débats sur la gouvernance d’Internet. Premièrement, savoir qui doit être « souverain(s) » : les individus interagissant via Internet ou des États bâtis à une époque encore ignorante des capacités des ordinateurs mis en réseau ? Deuxièmement, le degré de traduction des préceptes de liberté de la pensée libérale classique dans un contexte de médias convergents, de réseaux omniprésents et de processus informationnels automatisés.

M. Mueller reconnaît que l’unilatéralisme américain en matière de gouvernance d’Internet a alimenté un débat clivant et nationaliste, qui est allé jusqu’à se focaliser, dans certaines enceintes multilatérales comme l’Union internationale des télécommunications, sur des rivalités géopolitiques. Les États-Unis, par l’intermédiaire de leur département du Commerce, exercent leur contrôle sur l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), autorité de régulation d’Internet dont le rôle premier est d’allouer l’espace des adresses de protocole d’Internet et de gérer le système des noms de domaine. Dans une tentative de contrebalancer l’influence américaine sur le réseau, acteurs de la société civile, États et acteurs économiques se consultent au sein de l’Internet Governance Forum, sorte d’arène mondiale de dialogue sur la gouvernance d’Internet. Pour M. Mueller, il faut s’interroger sur le rapport entre souveraineté nationale et moyens de communication, tout en affirmant la nécessité d’imposer des limites à la souveraineté des États sur les flux d’information. Les États revendiquent l’adoption de noms de domaine dans leur propre écriture, augmentent leurs capacités de surveillance, se dotent de moyens cybermilitaires et tentent de se positionner en gatekeepers pouvant censurer des contenus.

Sans doute la faiblesse de cet essai particulièrement riche est-elle d’occulter le poids du secteur privé dans la gouvernance du Net. Les décisions du secteur privé assurent en effet des fonctions fondamentales dans la conception des infrastructures numériques, lesquelles permettent liberté, innovation et… répression.

Pour approfondir le sujet, n’hésitez pas à consulter notre pearltree consacré à la gouvernance d’Internet : 

Internet governance dans Dossier d’actualité / Ifri – Institut français des relations internationales (ifri)

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