Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n°3/2017). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage d’Antulio J. Echevarria, Military Strategy: A Very Short Introduction (Oxford University Press, 2017, 144 pages).

Cet ouvrage, publié dans la ­collection « Very Short Introductions », ­équivalent britannique des « Que sais-je ? », est signé d’Antulio J. Echevarria, rédacteur en chef de Parameters, revue de l’U.S. Army War College. Il définit la stratégie militaire, objet de son étude, comme la recherche de la réduction de la capacité physique et de la volonté de combattre d’un adversaire. Sa mise en œuvre se fait en temps de paix ou de guerre, et peut impliquer, directement ou indirectement, l’emploi de la force. L’auteur nous offre un propos synthétique et stimulant, utilisant systématiquement des exemples historiques pour l’étayer.

Echevarria débute son passage en revue des stratégies militaires par les catégories de l’annihilation et de la dislocation, qui répondent le plus souvent à la volonté ou au besoin d’un des belligérants d’emporter rapidement la victoire. Par l’annihilation, on cherche à réduire significativement, ou à détruire, la capacité physique d’un adversaire en une ou deux batailles décisives. La dislocation vise, elle, à vaincre par une manœuvre inattendue qui déstabilise l’adversaire. Ces deux stratégies supposent généralement une prise de risque élevée.

L’auteur passe ensuite à l’étude des stratégies d’attrition et d’épuisement. La première vise à consumer les ressources matérielles de l’adversaire. La deuxième se concentre sur la détérioration de sa volonté de combattre – c’est donc, autrement dit, une « attrition psychologique ». Ces deux méthodes impliquent des conflits longs, et des coûts socio-économiques élevés.

Le troisième duo regroupe dissuasion et coercition. La dissuasion entend persuader l’adversaire que l’on dispose de suffisamment de capacités physiques et psychologiques, soit pour défaire un agresseur, soit pour que les coûts de l’agression dépassent les bénéfices attendus. La coercition consiste, elle, à prendre des mesures punitives, d’intimidation, de récompense, etc., afin d’imposer sa volonté à l’adversaire.

L’auteur étudie ensuite la terreur et le terrorisme. Une stratégie de terreur peut prendre, par exemple, la forme de bombardements massifs indiscriminés, comme pendant la Seconde Guerre mondiale. Echevarria revient dans cette partie de son ouvrage sur le débat qui cherche à déterminer si le terrorisme constitue une tactique ou une stratégie. Il estime que, généralement, il s’agit d’une tactique, mais qu’employé systématiquement pour la poursuite de buts politiques, le terrorisme est bien une stratégie.

L’auteur s’attache enfin à expliquer les stratégies de décapitation et d’assassinats ciblés. Les deux reposent sur le présupposé qu’éliminer physiquement les leaders d’un mouvement peut résoudre un problème plutôt que l’aggraver – ce qui n’est guère évident. Les dilemmes moraux et légaux sont ici également prégnants. Ces stratégies, facilitées par l’accroissement de la portée et de la précision des armements, sont pourtant de plus en plus privilégiées par les gouvernements occidentaux, du fait de leurs faibles coûts matériels et politiques.

Ce court ouvrage, agréable à lire, permet de bien appréhender les grandes catégories des stratégies militaires, et il sera utile à toute personne, étudiant comme praticien, qui cherche à clarifier ses idées sur ce sujet.

Rémy Hémez

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