Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir l’article du numéro d’été 2018 que vous avez choisi d'(é)lire : « L’Union européenne et la lutte contre le terrorisme », écrit par Séverine Wernert, membre du cabinet de Julian King, commissaire européen chargé de l’Union de la sécurité, et auparavant conseillère diplomatique adjointe au cabinet du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.

La sécurité est aujourd’hui la première priorité des citoyens européens. Selon un sondage de l’Eurobaromètre de juin 2016, 82 % des Européens interrogés citent la lutte contre le terrorisme comme l’une des priorités principales pour l’Union européenne (UE). Selon ce même sondage, 83 % des Français interrogés demandent une plus grande action de l’UE en matière de lutte contre le terrorisme.

Relevant du domaine de la Justice et des affaires intérieures, la lutte contre le terrorisme est, selon le traité de Lisbonne, une compétence partagée entre l’UE et ses États membres. L’UE « œuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures de prévention de la criminalité, du racisme et de la xénophobie ainsi que par la lutte contre ceux-ci par des mesures de coordination et de coopération entre autorités policières et judiciaires et autres autorités compétentes, ainsi que par la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale et, si nécessaire, par le rapprochement des législations pénales ».

La France et d’autres États membres de l’Union ont été touchés par des attaques terroristes ces dernières années. La menace reste élevée et en constante évolution. Sa nature transnationale a engendré une prise de conscience par les États membres du rôle renforcé que doit jouer l’UE dans ce domaine.

Le terrorisme d’extrême gauche a été à l’origine de la première forme de coopération en matière de Justice et d’affaires intérieures en Europe, dans le cadre du groupe TREVI (« Terrorisme, radicalisme, extrémisme, violence internationale ») constitué le 1er juillet 1975. Ce groupe réunissait les ministres de l’Intérieur et de la Justice des neuf États membres de la Communauté économique européenne (CEE). En 1992, le traité de Maastricht a créé la structure en piliers de l’UE, qui intègre la Justice et les affaires intérieures dans le troisième pilier.

C’est seulement en 2001, quelques jours après les attentats du 11 Septembre, que l’UE a adopté un premier plan d’action destiné à lutter contre le terrorisme. Les attentats de Madrid en 2004, puis de Londres en 2005, ont suscité l’adoption d’une « stratégie de l’Union européenne visant à lutter contre le terrorisme », et la création du poste de coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, occupé depuis 2007 par Gilles de Kerchove.

Il faudra malheureusement que l’Europe soit à nouveau frappée par le terrorisme, avec les attentats de Paris en janvier puis novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016, pour qu’une dynamique nouvelle, et beaucoup plus forte, se mette en place au niveau européen. Après les attaques de janvier 2015, une réunion extraordinaire est organisée à Paris à l’initiative de la France. Elle donne lieu à la Déclaration de Paris[5] du 11 janvier, qui se concrétise en avril 2015 par l’adoption par la Commission européenne d’un Programme européen en matière de sécurité. Puis, en octobre 2016 est nommé un commissaire européen chargé de l’Union de la sécurité, le Britannique Julian King, dont le rôle est de veiller à la mise en œuvre de cet agenda, ainsi que de proposer de nouvelles initiatives européennes visant à mieux lutter contre le terrorisme.

Ainsi le rôle de l’UE s’est-il affirmé au fil des années. L’UE a pu apporter un soutien aux États membres dans leur combat contre le terrorisme à travers des instruments juridiques, mais aussi des outils de coopération, un appui technique ou financier. Toutefois, lutter contre le terrorisme reste la prérogative première des États membres. L’UE ne peut pas arrêter des terroristes ou des criminels. Elle ne dispose pas de police ou de justice européenne. De plus, le mode de fonctionnement de l’UE comporte certaines limites, en particulier dans le rythme d’adoption et de mise en œuvre des décisions.

Les apports de l’Union européenne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme

L’apport législatif

À la suite des attentats de Paris en 2015, mais davantage encore en 2016 et 2017, une accélération législative intervient dans le domaine de la sécurité sur le plan européen. De nouveaux textes consacrés à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme ont été proposés par la Commission européenne, et adoptés dans des délais beaucoup plus courts que d’habitude. En effet, les attentats se succèdent dans divers États membres entre 2015 et 2017 (France, Danemark, Belgique, Royaume-Uni, Allemagne, Suède, Finlande, Espagne), ce qui provoque une prise de conscience : le terrorisme peut frapper à tout moment, aucun État membre n’est à l’abri, et la nature transnationale de la menace impose une action au niveau européen.

Selon le rapport de l’Assemblée nationale préparé suite aux attentats de Paris, « une autre leçon des attaques subies en France en 2015 réside dans le fait que les terroristes ne relèvent plus d’aucune logique nationale, ni dans leur profil ou leur recrutement, ni dans leur mode opératoire et la conception de leurs attaques ». En effet, ce rapport explique que les terroristes qui ont préparé les attentats en Syrie sont entrés en Europe par la Grèce, se sont ensuite rendus en Belgique pour acheter armes et explosifs, et y résider jusqu’à la veille de l’attaque à Paris. Ils n’ont donc pas été repérés à temps par les services français, car ils ne se trouvaient pas dans les bases de données françaises. En d’autres termes, le terrorisme a pris une dimension européenne.

À la suite des attentats, le Parlement européen – qui a parfois essayé de freiner une législation jugée, selon lui, trop sécuritaire et portant atteinte aux libertés fondamentales – s’est retrouvé sous pression. Ainsi le Passenger Name Record (PNR) européen, outil visant à collecter les informations des passagers arrivant ou partant du territoire européen afin de détecter des personnes recherchées ou dangereuses, a été proposé par la Commission européenne dès 2011, et finalement adopté en avril 2016. Puis, plusieurs législations importantes dans le domaine de la sécurité ont suivi. Ces législations visent à priver les terroristes de leurs moyens d’action, armes, explosifs ou financement, et à entraver leurs déplacements vers et dans l’UE. […]

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