Étiquette : Etats-Unis Page 63 of 73

Magnificent Delusions. Pakistan, the United States, and an Epic History of Misunderstanding

PakistanCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Olivier Louis propose une analyse de l’ouvrage de Husain Haqqani, Magnificent Delusions. Pakistan, the United States, and an Epic History of Misunderstanding, (New York, NY, Public Affairs, 2013, 416 pages).

Husain Haqqani publie un ouvrage consacré aux relations entre le Pakistan et les États-Unis. Successivement conseiller spécial de Nawaz Sharif lors de ses deux premiers mandats de Premier ministre, porte-parole de Benazir Bhutto, ambassadeur du Pakistan aux États-Unis, conseiller proche du président Asif Ali Zardari, Haqqani vit aujourd’hui aux États-Unis, sous le coup d’une accusation de trahison lancée par l’armée pakistanaise et validée par la Cour suprême – mais non jugée –, à la suite d’une mystérieuse affaire (Memogate), dont l’objectif était sans doute de contraindre Zardari à la démission.

Ce dernier ouvrage ne le réconciliera pas avec ses deux bêtes noires, l’armée et la mouvance religieuse. Dans l’examen critique des politiques des deux États, c’est le Pakistan qui apparaît sous le plus mauvais jour. Naïveté, ignorance et complaisance sont les principaux reproches adressés aux États-Unis. Duplicité, paranoïa anti-indienne et mégalomanie islamiste, ceux dirigés contre le Pakistan. L’auteur analyse précisément la première période de l’histoire du pays, de Muhammad Ali Jinnah à la guerre indo-pakistanaise de 1965. Dès l’origine, la surévaluation de l’importance du Pakistan et le malentendu sur les objectifs de l’alliance américano-pakistanaise sont en germe. Sur le premier point, Haqqani rappelle qu’Ali Jinnah lui-même croyait que le Pakistan serait le « pivot du monde » et que les États-Unis auraient plus besoin du Pakistan que le contraire. Sur le second point, l’auteur raconte comment le maréchal Muhammad Ayoub Khan, au pouvoir de 1958 à 1969, réussit à convaincre les Américains de la gravité de la menace que l’Union soviétique était censée faire peser sur le Pakistan et du rôle essentiel d’Islamabad pour contrecarrer la « course vers les mers chaudes » de la diplomatie soviétique. En réalité, son seul objectif était d’obtenir, si possible gratuitement, les armes qui lui permettraient au moins de maintenir une parité stratégique avec l’Inde. Pendant l’âge d’or des relations avec Washington, entre 1958 et 1965, il obtint cet arsenal. Tout comme lui, ses successeurs jusqu’au départ du général Pervez Musharraf en 2008 n’ont conçu la relation avec les États-Unis que comme un moyen de renforcer leur pays contre la supposée menace indienne. L’auteur souligne une troisième composante de cette relation : la montée de l’antiaméricanisme dans la population, suscitée par l’armée elle-même afin qu’elle apparaisse comme le seul rempart contre le risque de dérive islamiste du pays. Ces trois traits se retrouvent dans les trois autres périodes fondamentales de la relation États-Unis/Pakistan : l’action conjointe des États-Unis et du Pakistan en Afghanistan (1978-1988), la crise résultant du programme nucléaire militaire du Pakistan (1989-1998) et la « guerre contre la terreur » (de 2001 à aujourd’hui).

Histoire secrète de la crise irakienne. La France, les États-Unis et l’Irak, 1991-2003

IrakCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Denis Bauchard propose une analyse de l’ouvrage de Fréderic Bozo, Histoire secrète de la crise irakienne. La France, Les États-Unis Et l’Irak, 1991-2003, (Paris, Perrin, 2013, 416 pages.)

Cet ouvrage présente une analyse fouillée de l’affrontement entre la France et les États-Unis sur la crise irakienne, jusqu’au paroxysme du discours de Dominique de Villepin au Conseil de sécurité des Nations unies, qui donna lieu à un French bashing largement manipulé par l’administration Bush.

D’emblée, l’auteur indique essayer de répondre aux multiples interrogations sur les causes d’une intervention des États-Unis en Irak qui conduira à un des plus grands fiascos de la politique étrangère américaine de l’après-guerre, « une erreur – ou une faute – stratégique aux proportions monumentales » pour reprendre ses termes.

Très vite après le 11 septembre apparaît l’idée d’une attaque contre l’Irak, alors qu’aucun élément sérieux n’existe sur l’implication de Saddam Hussein dans cette tragédie. L’influence des néoconservateurs, notamment de Paul Wolfowitz, qui pousse le président dans cette voie dès 2001, a joué un rôle décisif. La stratégie définie par l’administration Bush de « guerre contre le terrorisme » établit un lien entre l’acquisition d’armes de destruction massive et le terrorisme, conduisant à une véritable manipulation des faits. Le climat émotionnel qui suit le 11 septembre explique qu’une intervention en Irak apparaisse très vite comme inéluctable : « la culpabilité, la colère, la peur » animent les décideurs américains et l’opinion américaine craint un nouvel attentat d’envergure.

Un monde nouveau en manque d’Amérique

SerfatyCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Yves Gounin propose une analyse de l’ouvrage de Simon Serfaty, Un monde nouveau en manque d’Amérique (Paris, Odile Jacob, 2014, 176 pages).

Deux évidences circulent couramment sur l’état du monde. La première : si le xxe siècle a été marqué par l’envol de la puissance américaine et sa victoire par K.-O. face à l’Union soviétique, le xxie siècle sera celui de son inexorable déclin, d’ores et déjà annoncé par les événements du 11 septembre 2001, le fiasco irakien et le krach financier de 2008. La seconde : sur les décombres du monde bipolaire de la guerre froide et une fois refermée la parenthèse du « moment unipolaire[1] », émerge un système multipolaire dont les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) constitueront les principales puissances.

Simon Serfaty bat en brèche ces deux ponts aux ânes. Cet observateur aiguisé de la relation transatlantique, qui scrute depuis 40 ans la puissance américaine et ses manifestations, nous invite à reconsidérer le monde nouveau issu de la guerre froide et du 11 septembre.

Premier contresens : l’inexorable déclin américain. Son évocation répétée négligerait la capacité des États-Unis « de se renouveler chaque fois qu’ils semblent au bord de l’épuisement ». Ils jouissent d’une démographie dynamique (à la différence de l’Europe, de la Russie, du Japon et même de la Chine, qui vieillissent). Premier producteur mondial de gaz devant la Russie, ils s’apprêtent à prendre à l’Arabie Saoudite la place de premier producteur mondial de pétrole en 2017. Leur industrie a rebondi. Leur rayonnement culturel est toujours aussi intense. Il y a belle lurette que l’anglais est devenu l’espéranto du commerce mondial.

The Empire Trap – Strategic Capitalism

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Jérome Marchand propose une analyse des ouvrages de Noel Maurer, The Empire Trap. The Rise and Fall of US Intervention to Protect American Property Overseas, 1893-2013, (Princeton, NJ, Princeton University Press, 2013, 568 pages), et de Richard D’Aveni, Strategic Capitalism. The New Economic Strategy for Winning the Capitalist Cold War (New York, NY, McGraw-Hill, 2012, 304 pages).

Ces deux titres sont à recommander aux chercheurs spécialisés dans les questions économiques et diplomatiques, ainsi qu’aux responsables d’associations patronales. Chaque ouvrage traite des interactions entre le monde des affaires américain et les milieux dirigeants de Washington, en cherchant à déterminer d’abord dans quelle mesure la perception spontanée ou construite des menaces externes (États spoliateurs et États compétiteurs) influence la conduite de la politique étrangère et ensuite de quelles manières les États-Unis peuvent atténuer les fuites d’hégémonie et leurs retombées en cascade.

EmpireLe lecteur averti ne s’arrêtera pas à ce résumé. Par-delà les considérations de souveraineté et de prééminence, il faut avant tout s’intéresser aux grilles d’analyse mises en place par les deux auteurs, ainsi qu’aux mesures adaptatives et curatives dont ils dressent le tableau. The Empire Trap, ouvrage historique, cherche à déterminer comment la protection extérieure des investissements privés a pris le pas sur les considérations de haute politique dès le début du xxe siècle, puis montre en quoi le développement des systèmes institutionnels d’arbitrage international a permis au pouvoir d’État de conserver une certaine indépendance face aux lobbies. Tout n’est pas d’égale valeur dans cette fresque. Les passages traitant des années 1898-1945 sont bien menés. Ceux consacrés à l’après-Seconde Guerre mondiale sont inégaux, voire décevants pour la période qui va des années 1980 à nos jours. Il faut cependant souligner que l’auteur a mobilisé une masse considérable de données quantitatives en les insérant dans un récit cohérent, rédigé dans une langue vivante. Ce qui n’est pas un mince tour de force.

Page 63 of 73

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén