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Écrire l’histoire des relations internationales

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2024 de Politique étrangère (n° 4/2024). Frédéric Munier, professeur de géopolitique à SKEMA Business School, propose une analyse de l’ouvrage de Laurence Badel, Écrire l’histoire des relations internationales. Genèses, concepts, perspectives. XVIIIe-XXIe siècle (Armand Colin, 2024, 296 pages).

C’est peu dire que, en une trentaine d’années, le champ de l’histoire des relations internationales (RI) a connu d’importants changements, tant dans ses perspectives que dans sa méthodologie. Le livre de Laurence Badel relève le défi de rendre compte de la profusion de la recherche en ce domaine, sous le double sceau de l’exigence scientifique et de la clarté pédagogique. L’ouvrage se présente comme une réflexion historiographique et épistémologique visant à « rassembler et ordonner les réflexions qui se sont succédé » ; une œuvre d’historienne donc et non de politiste.

Passée l’introduction, Laurence Badel ordonne son propos autour de six chapitres denses. Les deux premiers dressent un panorama passionnant de l’essor de l’histoire des RI, de l’histoire diplomatique – qui puise sa source dans l’étude juridique des traités – à l’histoire nationale des RI, marquée notamment par l’influence de l’école historique allemande et son fameux impératif de décrire les choses « telles qu’elles se sont passées ». Mais c’est bien l’expérience de la Première Guerre mondiale qui a donné forme à l’histoire moderne des RI, notamment par le recours à la pluridisciplinarité. Dans cette vaste fresque, Laurence Badel navigue avec un certain bonheur au sein des différentes traditions nationales européennes en soulignant les porosités entre les travaux des think tanks, les recherches en RI, les travaux d’historiens proprement dits, jusqu’à évoquer l’influence actuelle du numérique.

Dans les chapitres suivants, Laurence Badel illustre avec une très grande clarté le renouvellement de la recherche historique dans le domaine des RI. Alors que pour Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle – et leur classique Introduction à l’histoire des relations internationales – il ne faisait aucun doute que l’étude des « forces profondes » qui animaient l’histoire des RI devait se focaliser sur les États et les hommes d’État, on assiste depuis une génération à une série de remises en cause ou d’approfondissements des cadres traditionnels d’analyse. C’est le cas des « catégories de l’international » (chapitre 3) ; les périodisations ont été réinterrogées, les appellations géographiques désoccidentalisées. Les « figures de l’international » (chapitre 4) ne se limitent plus aux chefs d’État mais comptent désormais dans leurs rangs celles du médiateur, de l’expert, du militant, sans oublier les femmes. Les liens entre les individus et la structure, l’« agentivité », mais aussi l’importance des émotions ont été mis en valeur. Il en est de même concernant les « lieux de l’international » (chapitre 5) ; si les États ont gardé une place prééminente, il faut compter aujourd’hui sur les entreprises, les fondations, les lieux sportifs ou médiatiques mais aussi la rue. Le dernier chapitre s’intéresse enfin à un objet original et négligé mais pourtant au cœur de l’histoire des RI : le corps.

On sort de la lecture de cet ouvrage avec l’impression d’avoir entre les mains à la fois un livre de référence en historiographie et une boîte à outils pour s’orienter dans le domaine de la recherche ; en somme, un bilan et une invitation à aller plus loin. Comme l’avait noté en son temps Georges Duby, « l’histoire continue ».

Frédéric Munier

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[CITATION] Stratégies mémorielles et géopolitique de la conquête

Citation issue de l'article « Stratégies mémorielles et géopolitique de la conquête » de Georges Mink, paru dans PE 2/2023 : 
« Pour justifier la reconstitution de l’empire, nécessairement par la voie militaire, Vladimir Poutine doit avoir derrière lui non seulement son armée et ses généraux, mais aussi sa population. Il s’agit donc de construire une légitimité par le recours à une vision historique. La géopolitique de conquête russe de Poutine n’a que peu à faire d’une vérité historique crédibilisée par une démarche scientifique. Ce qui compte, c’est l’efficacité mobilisatrice de la narration. »

Lisez l’article intégral de Georges Mink ici.

Retrouvez le sommaire du numéro 2/2023 de Politique étrangère ici.

Le milieu des mondes

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2021-2022 de Politique étrangère (n° 4/2021). Denis Bauchard, conseiller Moyen-Orient pour l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Jean-Pierre Filiu, Le milieu des mondes. Une histoire laïque du Moyen-Orient de 395 à nos jours (Le Seuil, 2021, 384 pages).

Le nouvel ouvrage de Jean-Pierre Filiu, professeur des universités et historien, propose une brillante synthèse historique sur ce « milieu du monde » qu’a été le Moyen-Orient au cours des siècles. Retenant comme point de départ la fondation de l’Empire romain d’Orient en 395, il aborde les grandes périodes omeyyade, abbasside, byzantine, ottomane, et débouche sur la situation la plus immédiate caractérisée, en particulier depuis 2011, par le retour de la Nahda, le mouvement de renaissance arabe né au XIXe siècle, avec des soulèvements démocratiques qui n’en finissent pas de déstabiliser les régimes autocratiques au pouvoir.

Deutschland : Globalgeschichte einer Nation

Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2021 de Politique étrangère (n° 2/2021). Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Andreas Fahrmeir, Deutschland: Globalgeschichte einer Nation (C. H. Beck, 2020, 936 pages).

La sortie de l’Histoire mondiale de la France co-dirigée par Patrick Boucheron en janvier 2017 avait entraîné de nombreuses polémiques en France. Encensé par la plupart des critiques, l’ouvrage avait aussi été l’objet d’attaques violentes, notamment de l’académicien Pierre Nora – qui considérait que le caractère « décentré » y était exagéré –, mais aussi de polémistes conservateurs, estimant qu’il était partisan, ou allait à l’encontre du récit national communément admis. Mais c’était l’un des objectifs de ce projet – revendiqué comme politique – de Patrick Boucheron, que de faire un « anti-roman national ».

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