
Lisez l’article de Michel Goya ici.
Retrouvez le sommaire du numéro 2/2022 de Politique étrangère ici.
Cette recension est la première note de tête du numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022). Jolyon Howorth propose une analyse de l’ouvrage de Mary E. Sarotte, Not One Inch: America, Russia and the Making of Post-Cold War Stalemate (Yale University Press, 2021, 568 pages).
En mars 1995, le président Bill Clinton explique au Premier ministre néerlandais Willem Kok, en visite à Washington, la clé de sa stratégie vis-à-vis de l’élargissement de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) vers les pays de l’Europe centrale et orientale (PECO). Il note l’extrême faiblesse économique de la Russie de Boris Eltsine, qui offre aux États-Unis un levier de pression inespéré. Il reconnaît que la politique d’élargissement risque de provoquer avec Moscou un bras de fer aux conséquences potentiellement dramatiques : « ce sera difficile » constate Clinton, « mais je pense que la Russie peut être achetée [bought off] ». La remarque, reproduite par Sarotte dans ce livre majestueux (p. 223), illustre l’arrogance d’une politique américaine qui, selon Vladimir Poutine, constitue le casus belli de l’actuel conflit d’Ukraine.
Se fondant sur la consultation exhaustive de dix-huit fonds d’archives des deux côtés de l’Atlantique et sur plus d’une centaine d’interviews des principaux acteurs du drame, Sarotte reconstruit minutieusement, presque au jour le jour, l’histoire des rapports entre les États-Unis et la Russie tout au long des années 1990.
La rédaction a le plaisir de vous offrir à lire ce second article du numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022), « Guerre en Ukraine : Schumpeter au pays des Soviets », écrit par Michel Goya, ancien colonel de l’armée de Terre et historien militaire.
Dans leur forme, les opérations militaires en Ukraine ouvertes le 24 février 2022 relèvent de l’« industriel tardif ». Les armées sont proches, dans leur organisation et leurs méthodes, de l’optimum de la fin de la Seconde Guerre mondiale – avec un volume des forces plus faible et quelques nouveautés qui n’annoncent pas forcément de révolution. En maîtrisant moins que prévu l’art industriel de la guerre, les forces russes n’ont pas réussi à utiliser à fond leur potentiel, contrairement à celles de l’Ukraine qui sont aidées par une puissante coalition de soutien.
Après une phase dynamique, où les Russes ont bénéficié de l’avantage initial de la puissance et de la surprise, les opérations se sont donc stabilisées sur un front rigide, à la manière des combats en Belgique et en France en 1914. Comme à l’époque, les moyens employés ont rapidement connu des rendements opérationnels décroissants, ce qui est la définition d’une crise schumpetérienne. Pour sortir de cette impasse, il n’est pas d’autre solution que de rompre l’équilibre des forces par l’engagement massif de ressources nouvelles, et surtout par l’innovation.
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