Mois : avril 2011 Page 1 of 2

[Revue des livres] L’Islamisme en Arabie saoudite

Recension issue de Politique Etrangère volume 76, n°1, paru le 21 mars 2011, portant sur deux ouvrages : Jihad in Saudi Arabia. Violence and pan-islamism since 1979, de Thomas Hegghammer (Cambridge University Press, 2010) et Les Islamistes saoudiens. Une insurrection manquée, de Stéphane Lacroix (PUF, 2010). Cette recension a été rédigée par Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po et auteur des Neuf Vies d’Al-Qaida (Fayard, 2009).

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Le chercheur norvégien Thomas Hegghammer et son collègue français Stéphane Lacroix sont deux des représentants les plus prometteurs de la nouvelle génération d’arabisants. Parfaitement à l’aise dans la langue du Prophète, ils ont consacré des années de recherche minutieuse à l’étude de l’Arabie Saoudite, pays déjà en soi d’accès ardu, et ils ont choisi d’approfondir la connaissance de l’islamisme local dans ses différentes facettes et avec toutes ses retombées internationales. Ils avaient déjà rédigé ensemble un article de référence sur le soulèvement messianique de La Mecque en novembre 1979 (« Rejectionist Islam in Saudi Arabia: The Story of Juhayman al-‘Utaybi Revisited », International Journal of Middle East Studies, 2007). Après avoir soutenu leurs thèses de doctorat, tous deux sous la direction de Gilles Kepel, ils les ont retravaillées, l’un à Harvard et à Princeton, l’autre à Stanford, pour en tirer la matière de ces deux ouvrages appelés à marquer durablement le champ de la recherche sur l’Arabie Saoudite et l’islamisme contemporain.

Stéphane Lacroix remonte jusqu’aux années 1960 pour décrire comment le régime saoudien, protecteur des Frères musulmans persécutés en Égypte et en Syrie, va leur offrir des positions stratégiques dans ses institutions naissantes, à la fois de formation intérieure et de prosélytisme extérieur. Cette greffe de l’islamisme des Frères dans le Royaume wahhabite s’inscrit alors dans le contexte de la féroce « guerre froide » arabe, qui oppose l’Arabie de Fayçal à l’Égypte de Gamal Abdel Nasser, jusque sur le sol du Yémen (les monarchistes pro-saoudiens y combattent sans merci le corps expéditionnaire égyptien et ses alliés républicains). Mais la montée en puissance des Frères musulmans en Arabie, bientôt désignée sous le nom de Sahwa (« Réveil »), suscite aussi des résistances dans le champ religieux, notamment à l’initiative du cheikh syrien Nasreddine al-Albani, promoteur d’une interprétation littérale de la tradition prophétique. Le terme générique de « salafisme », qui renvoie aux pieux ancêtres (salaf al-sâlih), en vient donc à recouvrir deux réalités très contrastées, celle du salafisme « réformiste » et militant de la Sahwa, d’une part, et celle du salafisme « littéraliste» et quiétiste des disciples de N. al-Albani, d’autre part.

Stéphane Lacroix éclaire bien le bouleversement provoqué par la décision de la famille Saoud, en août 1990, de recourir aux troupes américaines pour contenir la menace de l’Irak, qui vient d’envahir et d’annexer le Koweït voisin. La Sahwa entre en dissidence contre ce déploiement des forces « infidèles », à l’unisson des Frères musulmans dans le reste du monde arabe, tandis que les tenants du salafisme littéraliste confirment leur allégeance au régime. Ils en sont récompensés par leur cooptation aux positions de pouvoir jusqu’alors occupées par les Frères musulmans. La même disgrâce frappe d’ailleurs un ancien militant des Frères musulmans, Oussama Ben Laden, longtemps encouragé par les cercles dirigeants au nom du djihad antisoviétique en Afghanistan, qui bascule lors de cette crise dans l’opposition. Il y entraîne le réseau clandestin de ses partisans, constitué en « la Base » (Al-Qaida) depuis déjà deux ans. Cette rupture entre le régime saoudien et les « anciens » d’Afghanistan suscite l’émergence d’une troisième forme de salafisme, le salafisme djihadiste, qui allie la rhétorique panislamique aux visées révolutionnaires.

[L’actualité revisitée] Il y a 25 ans : Tchernobyl

 

Nous republions, à l’occasion du 25ème anniversaire de l’accident nucléaire de Tchernobyl et quelques semaines après la catastrophe de Fukushima, un article paru dans Politique étrangère en 1986. Cet article, intitulé « Tchernobyl et le problème des obligations internationales relatives aux accidents nucléaires« , a été écrit par Pierre Strohl, alors directeur général adjoint de l’agence de l’OCDE pour l’énergie nucléaire.


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Si un moralisateur avait voulu donner une leçon de coopération internationale aux hommes, il aurait pu imaginer l’accident du réacteur de Tchernobyl : le plus grave que l’électronucléaire ait connu, le seul qui ait provoqué une contamination radioactive dans plusieurs pays autres que celui où il est survenu et dont les effets, pour y mettre le comble, aient traversé la frontière politique entre l’Europe socialiste et l’Europe libérale. Bref, le premier qui ait brutalement mis à l’épreuve ce que l’on peut appeler « le droit nucléaire international », c’est-à-dire l’ensemble des accords, directives, normes, recommandations, guides et codes de pratiques que les Etats ont élaborés, notamment pour prévenir les accidents nucléaires et faire face à leurs conséquences.

Hélas, l’événement a laissé l’impression inquiétante que les mécanismes internationaux n’ont pas, ou ont mal fonctionné. Dans tous les pays contaminés par la radioactivité émise par le réacteur de Tchernobyl — ceux qui produisent de l’électricité nucléaire ou envisagent de le faire, comme ceux qui voient des installations nucléaires fonctionner ou s’ériger à distance plus ou moins grande de leurs frontières —, l’opinion publique s’est posé les mêmes questions simples : quelles sont les obligations de prévenir immédiatement les autorités des pays voisins d’un risque de pollution radioactive à la suite d’un accident ? Quelles sont les dispositions prises pour organiser une assistance internationale en vue d’en limiter les conséquences ? Quelles sont les règles qui déterminent les mesures d’urgence à prendre afin de protéger les populations et l’environnement contre la contamination radioactive ? Existe-t-il des normes internationales de sûreté ayant pour objet de prévenir les risques d’accident dans les installations nucléaires ? Comment sont réparés les dommages qui ont été causés à une échelle internationale ? La conclusion s’est apparemment imposée que les réponses à ces questions ne sont pas très satisfaisantes. Sans remettre en cause l’utilité de l’énergie nucléaire et la possibilité d’en maîtriser les risques, les circonstances qui ont entouré l’accident de Tchernobyl et ses effets démontrent qu’il reste encore beaucoup de lacunes à combler sur le plan international pour que son développement soit mieux accepté. Les nombreuses initiatives qui ont été prises très rapidement en donnent la confirmation et permettent d’affirmer que la leçon a commencé à porter ses fruits. Nous reprendrons les principales questions qui se sont posées dans le cas de Tchernobyl afin d’y voir plus clair sur:

— l’élaboration et l’état des dispositions internationales conçues en vue des accidents nucléaires ;

— la manière dont le droit international peut s’appliquer à l’occasion de cet accident ;

— les directions vers lesquelles va s’orienter un droit international nucléaire rénové. Il est important que nous distinguions, au cours de l’exposé, les dispositions qui concernent les risques d’accident de celles qui réglementent le fonctionnement normal des installations.

Un droit conçu pour le développement de l’énergie nucléaire

Dans sa prime jeunesse, l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire a failli, un court instant, avoir la chance (ou courir le risque) d’être soumise à un régime de propriété et d’exploitation international : c’était le projet américain Lilienthal-Baruch présenté aux Nations Unies en 1946, dont l’objectif était de prévenir les utilisations militaires. Cette idée était sans doute trop utopique pour aboutir et les premières applications civiles ont, au contraire, vu le jour sur un plan purement national, entourées le plus souvent d’une politique du secret empêchant pratiquement le transfert de technologie et de combustibles nucléaires. Une coopération internationale particulièrement active et multiforme a cependant été lancée à la suite de la proposition d’un programme « Atoms for Peace » faite par le général Eisenhover en décembre 1954 et de la conférence de Genève de septembre 1955 où l’essentiel des informations techniques ont été échangées. Trois grandes organisations internationales intergouvernementales ont été créées presque simultanément en 1957-1958 : l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne, à une échelle mondiale ; l’Agence européenne pour l’énergie nucléaire, à Paris, dans le cadre de l’Organisation européenne de coopération économique, c’est-à-dire pour l’Europe occidentale ; et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). Elles existent toujours à l’heure actuelle avec des compositions élargies et des programmes qui ont évolué au fur et à mesure du développement de l’industrie nucléaire. Leur action est complétée par un grand nombre d’accords bilatéraux ou multilatéraux.

Les buts poursuivis par les gouvernements, dans les trois organisations que nous venons de mentionner, sont multiples, mais assez semblables d’après les textes ; comme elles ont mené leurs actions dans des espaces géographiques et des contextes politiques différents, chacune a trouvé sa vocation propre : l’AIEA a consacré ses princ ipaux efforts à la non-prolifération des armes nucléaires — domaine où le plus grand degré d’internationalisation a été atteint grâce surtout à une entente efficace entre les deux grandes puissances — ainsi qu’à l’assistance technique aux pays en voie de développement ; la vocation initiale de l’Agence européenne était la mise en commun des ressources techniques et financières par la création d’entreprises communes et elle a également joué un rôle de pionnier dans l’harmonisation des législations nucléaires ; dans le sens le plus large, l’objectif d’Euratom était de créer les conditions de développement d’une puissante industrie nucléaire dans la Communauté.

Les priorités de cette coopération ont également varié dans le temps. A partir de la première moitié des années 70, en parallèle avec le mouvement en faveur de la protection de l’environnement, l’accent a été mis davantage sur les questions de sûreté nucléaire et de radioprotection pour lesquelles les trois organisations ont reçu, dès le départ, des compétences étendues. Nous nous concentrerons sur ce type d’activité qui intéresse directement notre sujet.

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[Articles récents] Comment sortir de l’ornière les pays « faillis » ? (S. Michailof)

Article issu de Politique Etrangère volume 76, n°1, paru le 21 mars 2011, rédigé par Serge Michailof, ancien directeur opérationnel à la Banque mondiale, ancien directeur exécutif chargé des opérations de l’Agence française de développement (AFD) et ancien vice-président de Proparco. Il est également professeur à Sciences Po.

 

 

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L’effet d’entraînement des graves crises que connaissent certains États a conduit la communauté internationale à multiplier les tentatives d’aide au redressement. On peut pourtant s’interroger sur l’inadaptation de ces tentatives : dans leurs méthodes de travail, leur cadre conceptuel, dans leur philosophie même. Il faut sans doute pour l’avenir privilégier la reconstruction des institutions régaliennes, seules susceptibles de garantir la réorganisation sociale et le développement économique.

 

Si certains pays du Sud émergents nous disputent désormais la prééminence économique, financière, mais aussi intellectuelle et militaire, à l’autre extrémité du spectre, une cinquantaine de pays représentant environ un milliard d’habitants sont à la traîne : ils ont décroché du processus de mondialisation, ou ne s’y sont jamais intégrés. Les pays dont l’économie est simplement restée stagnante risquent de basculer dans des spirales d’échec qui peuvent les conduire au minimum à des crises sociales et politiques très graves, au pire à la guerre civile. Ce risque de basculement est d’autant plus élevé que ceux-ci cumulent des facteurs de risque spécifiques. Or l’expérience montre qu’il existe un effet d’entraînement sur les pays voisins. Ces pays menacent en conséquence la stabilité régionale à laquelle la communauté internationale ne peut rester indifférente. Celle-ci, qui assume à juste titre un rôle de plus en plus actif pour tenter de sortir ces pays de l’ornière, montre une maladresse et une inefficacité dans ses interventions qui culminent aujourd’hui avec le désastre de l’Afghanistan. Il est de ce fait permis de se demander si les méthodes de travail, le cadre conceptuel et la philosophie générale qui la guident pour traiter ces questions ne sont pas profondément inadaptés. Et même si son action ne finit pas par faire partie du problème. Si tel était le cas, ces modes d’action, tout comme leur cadre conceptuel, exigeraient une radicale remise en cause.

Échec économique et démographie galopante : un mélange instable

Les pays qui ont ainsi trébuché sur le chemin du développement présentent une grande diversité géographique et culturelle, mais aussi des caractéristiques communes. Ils ont manqué leur insertion dans la mondialisation. Au-delà de la stagnation économique, leur autre caractéristique habituelle est une forte démographie. Presque partout, la transition démographique est certes amorcée mais l’inertie de ces phénomènes étant considérable, la période de transition peut s’étaler sur une trentaine d’années. Or si l’économie stagne, c’est la période de tous les dangers. Dans les villes, les jeunes ne trouvent pas d’emploi ; les périphéries se couvrent de bidonvilles et d’habitats spontanés où les conditions de vie sont dégradées. Dans les campagnes, les surfaces cultivées ne suivent pas l’accroissement de la population ; si l’agriculture ne se modernise pas, ce qui est fréquent, la détérioration des écosystèmes mène à des crises malthusiennes comme on le constate au nord du Sahel ou dans certaines vallées afghanes. Enfin, ces pays ont les plus grandes difficultés à assumer leurs responsabilités régaliennes. Sécurité, justice, éducation, soins de santé de base ne sont ainsi plus assurés. Finalement, ces États se trouvent dans une situation de grande instabilité : on les qualifie de « fragiles ».

Un cas caractéristique de cet état d’instabilité provoqué par une démographie galopante dans une économie en berne est celui de la Côte d’Ivoire, dont la population est passée de 3 millions d’individus à l’indépendance, à près de 21 millions aujourd’hui, soit une multiplication par 7 en 50 ans. La crise politique qui y sévit1 depuis 1999 est largement liée à la combinaison de ce choc démographique et de l’échec économique qui affecte le pays depuis 1980. Nombre de pays d’Afrique subsaharienne sont dans une situation analogue; mais aussi certains pays andins d’Amérique latine et d’Asie centrale. Que penser finalement du cas très particulier du Pakistan, qui n’a que récemment débridé sa croissance pour replonger dans une double crise politique et économique ?

La mécanique des spirales d’échec

Les mécanismes qui plongent ces pays fragiles dans des spirales d’échec sont désormais bien identifiés. L’élément déclencheur sur lequel se focalisent les médias relève le plus souvent de l’incident qui tourne mal : un cas très classique est la contestation d’une élection truquée. Cette étincelle serait sans effet majeur en l’absence de facteurs de risque : on a souligné le rôle de la démographie, de la stagnation économique et du déséquilibre démographie/ressources naturelles. Mais d’autres facteurs jouent un rôle tout aussi important.

La géographie peut constituer une source de fragilité lorsqu’une topographie particulièrement difficile fait que le « pays » n’a finalement jamais pu être totalement contrôlé par un pouvoir central, comme l’Afghanistan. D’autres éléments, de nature culturelle ou historique, ne doivent pas être oubliés. Certaines tensions peuvent remonter à un passé lointain, à de très anciennes lignes de fracture, telle la zone de contact entre Afrique blanche et Afrique noire où les affrontements sont toujours d’actualité, de la Mauritanie au Sud-Soudan. Si ces facteurs de risque correspondent à des tendances de long terme à forte inertie, des éléments aggravants sont aussi souvent à l’oeuvre, sur lesquels il peut être possible d’agir, comme l’accès aux armes modernes ou l’accaparement des rentes par une minorité.

La facilité d’accès aux armes modernes est un défi pour le premier des pouvoirs régaliens : le monopole de l’usage de la force. Les querelles tribales se réglaient hier avec arcs, flèches et machettes et si de monstrueux massacres étaient possibles (par exemple au Rwanda), l’autorité de l’État pouvait être vite restaurée, la force publique détenant seule les fusils. Ce n’est plus le cas quand la Kalachnikov peut être acquise pour quelques centaines de dollars, et que cet « outil » est pour son possesseur un investissement rentable.

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[Les grands textes] L’évolution de la doctrine stratégique aux Etats-Unis (H. Kissinger, 1962)

A l’époque où ce texte est publié dans Politique étrangère (n°2, 1962), Henry Kissinger dirige le programme sur les études de Défense à Harvard. Il est marqué par la crise de Berlin qui s’est déroulée en 1961 et cherche à convaincre les Français que leur pays n’est pas en mesure de se défendre seul contre l’Union soviétique, malgré l’acquisition par la France de l’arme nucléaire en 1960. Il plaide pour un rôle renforcé de l’OTAN et pour une mutualisation des moyens nucléaires au sein de cette organisation. Kissinger ne mentionne pas une seule fois la guerre d’Algérie qui, en 1962, touche pourtant à sa fin. Il est obnubilé par le facteur nucléaire, comme s’il pressentait que quelques mois après la publication de ce texte, les Etats-Unis et l’URSS se retrouveraient au bord de l’affrontement nucléaire, à l’occasion de la crise des missiles de Cuba.

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Depuis que je suis à Paris, après cinq semaines passées en Orient, j’ai eu de nombreuses conversations avec des amis français et je dois avouer que je suis frappé par l’étendue du désaccord et de l’incompréhension qui se sont développés entre nos deux pays. Je ne prétends pas fixer les responsabilités de cet état de choses. Je crois cependant qu’étant donné le temps que nous vivons, on ne peut concevoir d’avenir pour l’Occident sans la plus étroite collaboration entre les Etats-Unis et la France. Je ne puis concevoir que l’un ou l’autre de nos deux pays puisse se développer sans l’autre. Je crois que ni l’un ni l’autre de nos deux pays ne pourra éviter la destruction, si l’autre est détruit Je pense que les dangers auxquels nous aurons à faire face ne seront pas seulement le fait de l’Union soviétique ou de la Chine communiste. Je crois qu’au cours des dix ou quinze années qui sont devant nous, toutes les nations occidentales devront tenir compte d’une menace très sérieuse de la part de nouvelles nations, menace qui doit être étudiée avec le plus grand sérieux. Dans ces conditions, nous ne disposons pas de tant de ressource que nous puissions nous permettre de mener entre nous de guerre civile intellectuelle.

Telle est ma conviction personnelle et en conséquence tout ce que je dis doit être interprété comme venant de quelqu’un qui aimerait voir une France forte et la plus étroite relation entre nos deux pays.

Considérons maintenant les problèmes stratégiques qui ont suscité entre nous un certain malentendu. J’exposerai d’abord comment j’interprète la pensée américaine sur l’OTAN et comment la doctrine américaine envisage les divers efforts pour créer des forces nucléaires nationales. La doctrine stratégique américaine et en vérité la situation stratégique à laquelle elle s’appliquait, ont passé par trois ou quatre phases distinctes. La première est la période pendant laquelle les Etats-Unis possédaient le monopole de l’arme atomique et le monopole des moyens de transport de l’arme. Dans la seconde période, les Etats-Unis ne possédaient plus le monopole de l’arme nucléaire mais continuaient pratiquement à posséder le monopole des moyens de transport de l’arme. Dans cette seconde période, les Etats-Unis auraient probablement pu remporter la victoire dans une guerre générale, soit en frappant les premiers avec les armes nucléaires (first strike), soit en frappant les seconds (second strike). Les forces de représailles des Etats-Unis étaient techniquement parlant invulnérables alors que les forces de représailles soviétiques étaient techniquement parlant vulnérables.

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