Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2021 de Politique étrangère (n° 2/2021). Hugo Le Picard, chercheur au Centre Energie & Climat de l’Ifri, propose une analyse croisée des ouvrages de François Lenglet, Quoi qu’il en coûte ! (Albin Michel, 2020, 252 pages) et de Patrick Artus & Olivier Pastré, L’économie post-COVID. Les huit ruptures qui nous feront sortir de la crise (Fayard, 2020, 128 pages).

Alors que les annonces de plans de relances se multiplient dans tous les pays européens, la troisième vague du COVID-19 nous replonge au cœur d’une double crise : sanitaire et économique. François Lenglet et Patrick Artus en analysent respectivement les tenants et les aboutissants dans leurs nouveaux ouvrages.

L’ouvrage de François Lenglet, journaliste économique français qui dirige aujourd’hui les services économiques de TF1 et LCI, reprend dans son titre la célèbre formule de Mario Draghi énoncée lors de la crise de l’euro et réutilisée par Emmanuel Macron en mars 2020 : Quoi qu’il en coûte ! Le second livre, L’économie post-Covid. Les huit ruptures qui nous feront sortir de la crise, a été co-écrit par Patrick Artus, chef économiste chez Natixis, et Olivier Pastré, professeur d’économie à l’université Paris-VIII. Ces deux livres sont complémentaires. François Lenglet nous livre de nombreux éléments pour mieux comprendre la crise et ses défis futurs, Patrick Artus et Olivier Pastré nous donnent des clés pour y répondre.

Lenglet s’adresse d’abord à des lecteurs soucieux de replacer la crise du COVID-19 dans un contexte global. Il nous met en garde avec pédagogie contre une expansion monétaire excessive, contrairement à ce que prône la théorie monétaire moderne (MMT), qui n’a selon lui, rien de moderne ni de théorique. En effet, à long terme la monétisation excessive de la dette aurait des conséquences désastreuses : elle favoriserait le déficit, l’endettement public et privé, et réduirait la croissance potentielle. Elle pourrait aussi, à terme, miner la crédibilité des banques centrales. Par ailleurs, face à une idée de plus en plus répandue selon laquelle les États ne peuvent faire faillite, il rappelle que l’histoire prouve le contraire : elle est remplie de défauts souverains. François Lenglet, de par ses analyses originales et ses synthèses utiles, donne dans son ouvrage de la profondeur à un débat où sont trop souvent mises en avant des solutions faciles.

L’analyse d’Artus et Pastré est, quant à elle, plus technique, et reflète l’expertise des deux auteurs. Leur livre se présente comme un ensemble d’analyses sur des aspects précis de la crise. Ils mettent eux aussi en garde contre une monétisation excessive de la dette publique, qui contribuerait non pas à augmenter directement le prix des biens de consommation mais à une augmentation des prix des actifs immobiliers et financiers. Cette politique monétaire contribuerait donc à accroître les inégalités, notamment générationnelles. Ils rejoignent ici un élément clé du livre de Lenglet : les grands perdants de cette crise sont et seront sous de nombreux aspects les jeunes. Après avoir dénoncé eux aussi de « faux débats », les deux auteurs mettent en avant plusieurs ruptures, selon eux essentielles, comme la transformation des emplois de secteurs dont le déclin aura été accéléré par la crise, vers ceux des secteurs de demain. Ils prônent aussi une série de réformes, comme la mise en place d’une taxe carbone ambitieuse pour accélérer la transition énergétique en Europe tout en protégeant sa compétitivité.

L’ouvrage de Lenglet, de par son caractère synthétique et accessible, s’adresse à des lecteurs soucieux de prendre du recul et de replacer la crise dans le temps long. Celui d’Artus et Pastré s’adresse plutôt à des lecteurs curieux d’éléments pratiques, d’analyses précises et d’ébauches de solutions pour sortir de l’ornière.

Hugo Le Picard

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