Mois : janvier 2012 Page 2 of 3

Conférence-débat : la déconstruction européenne ? jeudi 2 février

Venez assister, jeudi 2 février 2012, à une conférence-débat à l’occasion de la sortie du dernier numéro de Politique étrangère.
Pour vous inscrire, cliquez ici.

Alain Richard, sénateur, ancien ministre de la Défense et auteur de  » Europe politique : un espoir est-il raisonnable ?  » (PE 4/2011) et Maxime Lefebvre, directeur des relations internationales à l’ENA, auteur de  » Réenchanter le rêve européen ?  » (PE 4/2011) débattront sur le sujet de la crise de l’Europe politique.
Cette conférence sera présidée par Dominique David, directeur exécutif de l’Ifri et rédacteur en chef de Politique étrangère.

Lieu : Ifri, 27, rue de la Procession, 75015 Paris (salle de conférences)
Date et horaires : jeudi 2 février 2012 de 17h30 à 19h00
Contact : Aude Jeanson (jeanson@ifri.org / 01 40 61 60 25)

Agences de notation : quatre questions à Norbert Gaillard

Norbert Gaillard, docteur en économie (Sciences Po / Princeton), est l’auteur de l’ouvrage A Century of Sovereign Ratings (Springer, 2011). Il contribuera au n° 1/2012 de Politique étrangère, à paraître en mars. En attendant la parution de son article, il répond à quatre questions sur les agences de notation, en exclusivité pour le blog de Politique étrangère.

Quelle est la genèse des agences de notation ?

La notation financière est apparue il y a un siècle. À l’époque, un nombre croissant de titres obligataires sont émis sur les marchés financiers américains par des entreprises industrielles et des compagnies de chemin de fer. Les banques et les fonds d’investissement ont de plus en plus de difficultés à déterminer la qualité de crédit de ces sociétés. John Moody, journaliste spécialisé dans les questions économiques et financières, est conscient du relatif désarroi des investisseurs. Il décide donc en 1909 d’attribuer des notations (ou ratings) aux compagnies de chemin de fer : l’agence Moody’s est née. Ces notations vont de Aaa pour les entreprises dont la solvabilité est très forte, à C ou D pour celles qui sont en défaut de paiement. Moody’s se met ensuite à noter les entreprises industrielles et celles du secteur public utility au début des années 1910, puis les États étrangers et collectivités locales du monde entier à partir de 1918. Le succès est au rendez-vous et trois concurrents émergent rapidement : Standard Statistics, Poor’s (qui fusionneront en 1941 pour former Standard & Poor’s) et Fitch.
Il faut bien comprendre que le développement de la notation est indissociable de l’essor des marchés financiers ; c’est pourquoi les agences connaissent une explosion de leur chiffre d’affaires et de leurs profits depuis les années 1980. En 2010, la marge opérationnelle de l’agence Standard & Poor’s a atteint le pourcentage impressionnant de 45 %.

Comment et pourquoi les agences de notation ont-elles acquis une telle importance ?

Les agences ont d’abord bénéficié de la confiance des investisseurs qui ont vu dans la notation financière un outil pratique et bon marché les aidant à faire des arbitrages judicieux sur les marchés. Les ratings leur évitaient également d’avoir à mener leur propre analyse du risque de crédit. À partir de 1931, les notations ont été intégrées dans les réglementations financières. Ce processus de delegated monitoring, qui a contribué à faire des grandes agences des quasi-régulateurs, s’est accéléré au cours des années 1980, 1990 et 2000. Il a rendu les notations de Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s véritablement incontournables et a partiellement déresponsabilisé les investisseurs. Ces réglementations faisant référence aux notations peuvent prendre plusieurs formes. Il s’agit soit de règles qui limitent, voire interdisent, l’achat ou la détention de titres notés en dessous d’un certain rating ; soit de normes qui exigent des fonds propres d’autant plus élevés que les notations des titres détenus en portefeuille sont basses.
La crise des subprimes de 2007 a profondément ébranlé la confiance que les investisseurs et les régulateurs avaient dans la notation financière. Depuis lors, les législateurs américains et européens ont décidé de mieux encadrer l’activité des agences, contrôlant en particulier leurs méthodes de travail.

Comment se fait-il que Standard & Poor’s ait dégradé la note de la France alors que Moody’s a maintenu son AAA ?

Les notations de Standard & Poor’s sont traditionnellement plus corrélées aux indicateurs de marché (tels que les taux d’intérêt ou les spreads de taux) que celles de Moody’s et de Fitch. Cette spécificité des ratings de Standard & Poor’s l’a conduite à être un peu plus intransigeante que ses deux concurrentes. Standard & Poor’s fut la première agence à dégrader la Grèce en 2004, la première à la placer dans la catégorie spéculative en avril 2010, puis la première à dégrader les États-Unis en août 2011 et encore et toujours la première à dégrader la France en janvier 2012. Moody’s et Fitch ont été plus « suiveuses ».
L’abaissement de la note de la France par Standard & Poor’s a plusieurs causes. D’abord, l’agence regrette que la Banque centrale européenne (BCE) n’ait pas un rôle plus actif, comme celui de la Federal Reserve aux États-Unis. L’impossibilité pour la BCE d’être prêteur en dernier ressort affaiblit, selon Standard & Poor’s, la solvabilité de l’ensemble des États de la zone euro, à l’exception de l’Allemagne. Ensuite, la France souffre d’un manque de compétitivité et son marché du travail est considéré comme insuffisamment flexible. L’endettement public est en outre jugé élevé. Enfin, les perspectives de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2012 sont sombres.
Moody’s maintient le Aaa de la France, préférant mettre l’accent sur les réformes entreprises depuis plusieurs années et sur la capacité du pays à se refinancer à des taux très bas.

Quelles mesures la France doit-elle prendre pour voir sa note réévaluée ?

La France ne récupèrera pas son AAA facilement. Il a fallu respectivement onze ans et seize ans à la Suède et à l’Australie pour le récupérer. Notre pays doit engager des réformes structurelles de moyen-long terme : lancer une refonte du système de retraites (via l’allongement de la durée de cotisation) ; flexibiliser le marché du travail (en annualisant le temps de travail et en instaurant le chômage partiel) ; réorganiser notre structure administrative ; réduire les dépenses publiques ; soutenir le capital-risque et l’innovation ; aider les petites et moyennes entreprises (PME) à exporter.
Notre système fiscal doit également être amélioré, car il demeure inefficace et inégalitaire. Il faudrait par exemple fusionner l’impôt sur le revenu et la cotisation sociale généralisée (CSG) et rendre ce nouvel impôt plus progressif ; réduire l’impôt sur les sociétés ; favoriser l’entrepreneuriat ; taxer les rentes ; supprimer de nombreuses niches fiscales. Ces mesures permettront de libérer la croissance et contribueront à améliorer notre compétitivité.

Disparition de Thérèse Delpech

Nous avons appris hier soir le décès de Thérèse Delpech.
Amie fidèle de l’Ifri, membre de son Conseil stratégique depuis sa création, Thérèse Delpech prenait très souvent part, avec la disponibilité et la fougue qu’on lui connaissait, à nos débats et suivait avec attention, et en les soutenant, tous nos travaux.
Femme de conviction, d’exigence, elle était, chacun d’entre nous le sait, une référence du débat stratégique et intellectuel français : une voix qui porte, qui contraint les autres à se déterminer.
Éminemment attentive à l’humain, sans concession vis-à-vis de ce qui lui semblait le mettre en cause, intégrant sans cesse le débat de défense dans la vision large du philosophe, elle donnait à ce débat un souffle, une ampleur qui vont lui manquer.

Retrouvez ci-dessous les derniers textes publiés par Thérèse Delpech dans Politique étrangère :

Un an après : nouvelles questions sur le raid du 6 septembre 2007 (PE 3/2008)

L’arme nucléaire au XXIe siècle (PE 1/2007)

L’Iran nucléaire : la course contre la montre (PE 3/2005)

Le biologique, arme du XXIe siècle (PE 1/2005)

En outre, Dominique David, rédacteur en chef de Politique étrangère, avait publié une recension de l’ouvrage  de Thérèse Delpech, L’ensauvagement : le retour de la barbarie au XXIe siècle (Grasset, 2005), dans le n°4/2005. Cet ouvrage a reçu le prix Femina de l’essai en 2005.

Économie : Une brève histoire des crises financières

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2011). Jacques Mistral, ancien directeur des études économiques à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Christian Chavagneux : Une brève histoire des crises financières. Des tulipes aux subprimes (Paris, La Découverte, 2011).

Cet ouvrage, c’est d’abord une histoire des bulles financières et des crises qu’elles provoquent, toujours et toujours : c’est une histoire pleine d’innovations, de rebondissements et de catastrophes. À côté des grands classiques – comme la faillite de Law ou la crise de 1929 –, le lecteur aimera (re)découvrir ce qui fait la modernité de la bulle sur les oignons de tulipe aux Pays-Bas au XVIIe siècle ou sur la panique bancaire de 1907 aux États-Unis.

En matière financière, décidément, l’humanité n’a rien appris. Le livre se lit avec facilité et cela bien que l’auteur utilise sa vaste érudition pour offrir un appareil documentaire abondant (il y a près de 200 notes et autant de références bibliographiques précieuses pour qui veut prolonger l’enquête). Au-delà de l’histoire, il y a une thèse qui s’inscrit dans une perspective connue, celle tracée par Charles P. Kindleberger et Hyman P. Minsky : l’innovation financière débridée et l’effet de levier incontrôlé sont les ingrédients de base de la course au profit et à l’abîme. C. Chavagneux enrichit ce modèle sous trois aspects.

D’abord les origines : la crise n’est pas un accident. Elle a été préparée par la mise en œuvre de stratégies très précises – la déréglementation financière, pour être bref. Dans ce contexte, même si l’on est amené à mettre en exergue des fraudes monstrueuses comme celle de Bernard Madoff, la crise n’est pas le produit de quelques comportements déviants : elle a aussi une dimension qui relève, selon l’auteur (suivant ici une analyse illustrée en particulier par William Black), de la criminalité organisée (on pense aux conditions d’octroi et de gestion de certains crédits immobiliers, aujourd’hui devant la justice).

Un second apport concerne le rôle de l’accroissement des inégalités comme « carburant de la crise » (difficile d’échapper en permanence à la tentation des titres accrocheurs). La recherche a récemment mis l’accent sur ce lien et le sujet aurait mérité d’aller plus loin que la mise en cause convenue de « l’influence politique des riches ». Les inégalités sont un résultat, pas une variable de décision, et la question que soulève cette littérature est la suivante : comment pourrait se reconstituer, à l’avenir, sous une forme évidemment nouvelle, le lien fordiste rompu depuis deux décennies entre salaire réel et productivité ?

Troisième apport, la prévention des crises futures. Très averti des travaux du G20, l’auteur décrypte les résultats de ses efforts en faveur d’une meilleure gouvernance financière mondiale. Son jugement est précis et équilibré : ceux qui dénoncent les « G vains » ont tort. De Washington à Séoul en passant par Cannes, un mouvement est enclenché, qui a des faiblesses mais produit néanmoins des résultats ; il faut faire vivre cette volonté politique sans laquelle on peut évidemment craindre de nouvelles crises.

Pour s’abonner à la revue Politique étrangère, rendez-vous sur le site de La Documentation française.

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