« Le processus d’adhésion des Balkans à l’Union européenne, miné par des années d’ignorance, de tromperie et d’irrespect mutuels, a finalement succombé aux politiques à courte vue des leaders populistes européens et des Balkans » : le commentaire disait bien les frustrations dans les Balkans après le véto renouvelé de la Bulgarie à l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, le 22 juin 2022, alors que le Conseil européen allait reconnaître, le lendemain, la candidature de l’Ukraine et de la Moldavie.
Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir en avant-première l’article du numéro d’hiver 2022 de Politique étrangère (n° 4/2022) – disponible en librairie dès demain – que vous avez choisi d'(é)lire : « Vulnérabilités et risques de la zone euro », écrit par Norbert Gaillard, économiste et consultant indépendant, spécialiste de la notation financière.
Les trois années qui viennent de s’écouler ont été marquées par des événements de portée mondiale que peu de gouvernants, chercheurs ou investisseurs avaient anticipés. Certains de ces événements sont des « chocs », comme la pandémie de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. D’autres constituent des accélérations, ou au contraire des inflexions, de tendances structurelles ; citons par exemple l’intensification du changement climatique et le rebond de la pauvreté.
Les mutations en cours demeurent difficiles à appréhender et donnent lieu à des diagnostics et des recommandations divergents de la part des intellectuels et experts, ce n’est pas nouveau. En revanche, elles ont provoqué un dissensus profond et inédit au sein de la communauté des conjoncturistes. […]
La guerre en Ukraine renforce les pratiques du pouvoir russe l’instrumentalisation et de manipulation de l’histoire, notamment de la Grande Guerre patriotique, devenue une source majeure de légitimation. À l’Ouest, l’agression russe ravive des analogies historiques déjà surutilisées. Ceux qui appellent à des discussions avec Moscou et à un règlement rapide évoquent le risque d’une escalade tragique, comme en 1914 à cause de dirigeants « somnambules ». Tandis que ceux qui s’alarment d’un retour à un monde de puissances autoritaires expansionnistes insistent sur la nécessité de contrer l’agresseur aux intentions génocidaires, assimilé à Hitler, ce qui n’avait pas été fait dans les années 1930, de ne pas lui faire de concessions dans des négociations (de type « Munich ») et d’obtenir la chute de son régime. La guerre de Corée (1950-1953) peut aussi nourrir des analogies, à la fois dans son déroulement et dans ses conséquences. Ses enjeux étaient alors eurasiatiques : on craignait que l’URSS n’en profite pour attaquer en Europe. La guerre en Ukraine l’est également : elle a immédiatement fait craindre une offensive chinoise dans son voisinage, en particulier sur Taïwan.
Suite au sondage réalisé sur ce blog cette semaine, nous avons le plaisir de vous offrir en avant-première l’article du numéro d’automne 2022 de Politique étrangère (n° 3/2022) – disponible en librairie le 5 septembre – que vous avez choisi d'(é)lire : « La politique de défense de l’Allemagne : un tournant historique ? », écrit par Hans Stark, professeur de civilisation allemande contemporaine à Sorbonne Université et conseiller pour les relations franco-allemandes à l’Ifri.
Face à l’invasion de l’Ukraine, l’Allemagne a amorcé une mue spectaculaire, abandonnant sa « culture de la retenue » pour décider d’augmenter substantiellement ses dépenses de défense. Berlin a même renoncé à ses principes en matière d’exportation d’armements dans des pays en guerre, annonçant l’envoi de milliers d’armes antichars et antiaériennes à Kiev, puis de chars et de lance-roquettes multiples.
Ce tournant – les Allemands parlent de Zeitenwende – marque la double fin d’une illusion (prolonger l’Ostpolitik sur fond de partenariat énergétique avec Moscou) et d’un jeu de rôle (se réconcilier avec l’histoire et les Européens comme puissance résolument « civile »). Fondé sur le refus de considérer la force comme un des piliers de toute politique étrangère, le concept de « puissance civile » a fini par miner la force militaire allemande et la contribution de Berlin à l’effort de défense occidental, affaiblissant donc fortement la capacité des Européens à se défendre sans le concours des États-Unis. La réduction des dépenses de défense allemandes avait été drastique : d’environ 60 milliards de dollars en 1990 à près de 45 milliards de dollars en 2010, soit 1,2 % du produit intérieur brut (PIB).
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.