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Edito PE 2/2012 : Gouvernance d’Internet et Géopolitique asiatique

Éditorial (2-2012) de Dominique David, rédacteur en chef de Politique étrangère

Deux espaces de notre temps se partagent cette livraison de Politique étrangère. L’un, bien réel, définira demain en large part l’avenir économique et politique de la planète : l’Asie. L’autre, que les générations descendantes qualifient encore de « virtuel », est aussi réel et pèse tout autant sur l’avenir : le cyberespace et sa composante première, Internet. Sans doute ces deux espaces englobent-ils, avec le champ des échanges financiers, les dynamiques majeures de recomposition de notre monde.
Au cœur de l’Asie : l’inconnue chinoise. Outre les interrogations sur la pérennité de sa croissance et ses éventuels cahots politiques internes, c’est la capacité de la Chine à maîtriser ses propres errances internationales qui est en cause : son poids même ne rend-il pas l’action chinoise contradictoire, et le mastodonte peut-il se faire aussi léger, aussi conciliant qu’il le prétend ? Quel effet ces errances, ces contradictions peuvent-elles avoir sur la région et sur les grands partenaires de Pékin ? Et au-delà sur le monde ? On sait que la Chine pèse bien au-delà de l’Asie : sur les approvisionnements énergétiques, sur le système financier mondial, sur l’organisation des échanges commerciaux… et sur la stratégie de la première puissance du monde, les États-Unis. Une stratégie qui pose problème à des Européens parfois dépités de la rétraction de la puissance américaine qui suit les échecs de l’ère Bush et inquiets de son indéniable réorientation en direction de l’Asie.
Certes, la Chine n’est pas seule en Asie. Mais l’Inde, sa puissance réelle et ses stratégies restent remarquablement mal connues en Occident, spécialement de ce côté-ci de l’Atlantique. Le pays n’est souvent analysé qu’en « contre » de Pékin, qu’en instrument d’une nouvelle diplomatie américaine dans la région. New Delhi a pourtant mis en œuvre depuis la fin de la guerre froide des stratégies régionales discrètes et fines qui l’installent comme joueur de plein exercice bien au-delà de l’Asie du Sud, comme élément décisif des recompositions présentes.
L’espace asiatique abrite peut-être l’« usine du monde » ; mais aussi un des laboratoires du monde de demain. On tente de s’orienter, dans le présent numéro, dans le lacis des acteurs et l’enchevêtrement des organisations intergouvernementales que recèle l’Asie : un défi non négligeable pour des esprits occidentaux que rassurent d’abord les concepts de gouvernance pyramidale… Mais ce modèle articulé d’organisations spécialisées correspond sans doute à la complexité, à la subtilité d’un vaste espace où les sous-régions se rapprochent sans se confondre, où les future n’évoquera que de loin un ordonné concert des nations. L’Asie s’occupe à inventer un monde qui ne ressemblera pas au nôtre, même s’il en reprend quelques logiques – par exemple celle des accumulations d’armements.

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Qu’Internet soit un objet politique, nul n’en doute. Il organise, désorganise, structure – mais autour de quelles logiques ? – nos sociétés. Il joue ici ou là un rôle non négligeable de mobilisation sociale, comme l’ont montré les soulèvements arabes. Il s’est développé selon des logiques propres, des modes de gestion transnationaux particuliers, qui retiennent l’attention de tous ceux qui s’intéressent à l’émergence d’une nouvelle gouvernance internationale. Il est utilisé par les États dans la gestion de leur propre espace politique – comme le rappellent les exemples russe et chinois présentés dans ce numéro. Il est aussi utile pour affirmer la présence internationale et l’action diplomatique des États (les États-Unis ont eu le mérite de le comprendre avant d’autres).

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[revue des livres] L’arrogance chinoise

Cet article, rédigé par Gilbert Étienne, est issu de la revue de lecture de Politique étrangère volume 76, n°3, paru à l’automne 2011, portant sur l’ouvrage d’Erik Izraelewicz  « L’arrogance chinoise » (Grasset, 2011).

Le palmarès des Chinois se profile tous azimuts : performances des exportations, recherche dans le high- tech, montée des classes moyennes, poids des réserves de change, etc. Et les Chinois commencent à concurrencer nos TGV… collectionnant au plan mondial les places de numéro un, ou deux.

L’ouvrage d’Erik Izraelewicz montre comment, après les zones côtières, la nouvelle ville de Shenzhen au Guangdong et Shanghai, ce sont la Chine du Nord-Est (l’ancienne Mandchourie) et plus récemment l’Ouest, en particulier Chongqing au Sichuan, qui se développent, attirant capitaux nationaux et étrangers en quête de travaux d’infrastructures et de nouveaux marchés. Non moins satisfaisantes sont les pages de ce livre sur les banques, ou le monde si important de l’immobilier.

Les investissements de la Chine en Afrique, en Amérique latine et en Asie la mettent également en vedette, avec parfois d’importants projets d’assistance. Le rôle des investissements privés étrangers est ici tout aussi bien mis en lumière : moteur des exportations, source d’emplois et de revenus pour l’État. L’investissement étranger suscite aujourd’hui des controverses au sein de certaines multinationales occidentales. Jeffrey Immelt, président-directeur général de General Electric, se plaint ouvertement, comme d’autres, de discriminations, de piratage – même si ces critiques n’empêchent pas de nouveaux investissements, y compris de la part de General Electric. Autre source de différends : « Pékin néglige sans complexe les engagements pris lors de son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce [OMC] en 2001. »

L’ouvrage s’attache particulièrement à décrire le changement de cap des Chinois. C’en est fini des bons élèves du monde capitaliste à profil bas sur la scène mondiale, selon les recommandations de Deng Xiaoping. Les Chinois se veulent, à juste titre, forts de leurs succès, de leurs nouvelles élites, du recul de la pauvreté : un sentiment accentué par le spectacle peu édifiant du monde occidental depuis la crise financière… Comment, dans ces conditions, ne pas se sentir sûr de soi, voire arrogant ?

Dans le même temps, les dirigeants chinois ne cachent plus leur inquiétude. De graves faiblesses subsistent et sont dénoncées par de hautes autorités : la corruption, les inégalités, toutes sortes d’abus comme les saisies de terres suscitent des incidents parfois violents. En 2010 ont été menées des grèves qui ont conduit à de tardives hausses de salaires. Depuis des années, les autorités ne parviennent pas à encourager la consommation, freinée par les surinvestissements et les exportations.

Pour conclure, E. Izraelewicz s’interroge sur l’avenir de la classe politique chinoise, la montée des nouvelles générations, les discussions au sein du Politburo entre ceux qui préconisent de nouvelles réformes, de nouveaux assouplissements du régime, et les partisans d’une ligne dure. Autre question : quel avenir pour les relations entre la Chine et le monde occidental ? « Comment vivre avec cet éléphant de plus en plus encombrant, de plus en plus sûr de lui ? » Les risques de « casse » peuvent être évités, moyennant lucidité réciproque, bonne connaissance de l’autre, compétences… et aussi plus de cohésion du côté occidental. Un remarquable tour d’horizon.

 

[Articles récents] Le Japon, d’un modèle à l’autre (C. Pajon, 2011)

Politique étrangère publie dans son numéro du printemps 2011 (voir le sommaire) un dossier sur le Japon, son modèle politique, économique, social, et ses choix internationaux. Conçu avant l’actuel enchaînement de catastrophes, ce dossier fournit d’utiles clés pour penser les difficultés du futur rebond de la puissance japonaise.

 

Alors que les grands émergents monopolisent le devant des scènes internationale et médiatique et que la Chine s’installe en position de deuxième puissance économique mondiale, le Japon semble condamné à un inexorable déclin. Depuis 1990, l’éclatement de la bulle et la crise systémique ont mis à mal le modèle japonais d’après-guerre, et le pays navigue en eaux troubles. Son supposé triste état ne manque donc pas de susciter la compassion des analystes européens.

Plutôt qu’un déclin, le Japon semble connaître une longue période de transition et de réinvention de son modèle national. Mais les paradoxes bien réels du contexte japonais, et un pragmatisme dominant dans les choix politiques nippons, rendent les analyses ou prévisions délicates.

Si l’archipel est confronté à d’importantes difficultés (dette publique de plus de 200 % du produit intérieur brut, déflation persistante, aggravation des inégalités sociales, crise démographique, etc.), il n’en conserve pas moins d’importants atouts (forte capacité d’innovation industrielle, maîtrise des technologies vertes, soft power important, etc.) On doit pourtant se rendre à l’évidence, et constater non sans frustration que le manque chronique de leadership politique, et les interminables tergiversations qui précèdent la moindre prise de décision, continuent d’entraver la mise en place d’indispensables réformes socio-économiques.

Mettant fin à un demi-siècle de domination du Parti libéral-démocrate sur l’archipel, la victoire du Parti démocrate du Japon (PDJ) aux élections de septembre 2009 a été perçue comme un tournant historique. La mise en place d’une « troisième voie » plus sociale, ainsi que les nouvelles orientations de politique étrangère du PDJ semblaient en effet constituer des facteurs favorables à un renouveau national.

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