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Dix ans de politique américaine au Moyen-Orient

Dix ans après le 11 septembre et le début de l’intervention en Afghanistan, huit ans après la deuxième entrée américaine en Irak, alors que les aspirations démocratiques s’affirment au sud de la Méditerranée, et que les Palestiniens tentent de contourner le blocage des négociations avec Israël, la région moyen-orientale est plus que jamais un champ ouvert aux rivalités locales et aux compétitions internationales.

A l’occasion de la sortie du numéro exceptionnel de Politique étrangère (3/2011) sur les Etats-Unis et le Grand Moyen-Orient, l’Ifri a organisé une conférence réunissant plusieurs auteurs de ce dossier, autour des enjeux les plus pressants du Moyen-Orient, en particulier le « Printemps arabe » et le conflit israélo-palestinien. Antoine Coppolani, (professeur à l’Université de Montpellier), Frédéric Encel (enseignant à Sciences-Po Paris), Yves Aubin de la Messuziere (ancien directeur Afrique du Nord Moyen Orient au ministère des Affaires étrangères) et Mansouria Mokhefi (responsable du programme Maghreb/Moyen-Orient à l’Ifri) sont intervenus lors de cette conférence présidée par Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis de l’Ifri.

Voici les vidéos des interventions de ces auteurs, suivies de plusieurs extraits de leurs réponses aux questions de la salle :

– De Bush à Obama : Les Etats-Unis et le conflit israélo-palestinien (Antoine Coppolani)

 

– Les relations entre Israël et les Etats-Unis (Frédéric Encel)

 

– Les relations entre les Etats-Unis et la Palestine (Yves Aubin de la Messuziere)

 

– Printemps arabe et mouvements islamistes

 

– Wikileaks, la Tunisie et la France


 

 

[édito] Après le 11 septembre : les États-Unis et le Grand Moyen-Orient

Le dernier numéro de Politique étrangère, consacré au thème « Après le 11 septembre : les États-Unis et le Grand Moyen-Orient« , vient de paraître.

(pour consulter le sommaire, cliquer sur l’image)

EDITO

Dix ans après, pourquoi revenir sur un 11 septembre qui n’a cessé de faire parler ? Parce que, volens nolens, la date représente bien un seuil. Un seuil dans la découverte d’un monde nouveau né de l’après-guerre froide, mais demeuré, dans la dernière décennie du XXe siècle, une sorte de brouillon quelque peu mystérieux. Un seuil dans l’utilisation symbolique de la violence contre la puissance – le « génie » terroriste est là : non dans la frappe elle-même, somme toute assez élémentaire quant à sa manœuvre, mais dans le choix de la cible : les Twin Towers, image de la modernité, de la richesse et de l’arrogance du fort. Un seuil aussi dans l’évolution de la société internationale : la violente mise en cause de la force américaine s’est accompagnée ces dix dernières années de l’affirmation progressive de pays qui seront demain les puissances « émergées », lesquelles, au sens le plus précis de l’expression, bouleverseront l’ordre du monde.

La frappe traumatisante du 11 septembre a eu des effets directs sur les rapports de force dans le monde. Un instant tétanisée, la puissance dominante de la planète, fugitivement rêvée en « gendarme du monde » dans les années 1990, a violemment réagi, en développant une irrépressible force de transformation. Transformation des visions classiques de la sécurité – la « guerre contre la terreur » a d’abord été une lutte contre les terroristes, renforcée dans toutes les sociétés concernées et en définitive relativement victorieuse. Les victoires ne peuvent être ici que relatives, mais se prouvent par l’absence ou la limitation des faits : le monde n’a pas connu, ces dernières années, les dévastations qui semblaient promises par le coup inaugural du 11 septembre. Transformation de certains rapports internationaux au nom de cette lutte globale contre la terreur : rapports d’alliances redéfinis, coopérations entre services de police ou de renseignement, etc. Transformation, enfin, dans un espace cardinal supposé être à l’origine de nombre de maux « terroristes » : le monde musulman, plus ou moins assimilé, dans une certaine pensée américaine, au « Grand Moyen-Orient » des discours bushiens.

Cette puissance transformatrice, les États-Unis l’ont maniée sans complexe, appuyés sur leurs deux cartes maîtresses : la puissance économique et la puissance militaire. Avec des résultats complexes à analyser. L’efficacité a été moins globale que prévu : l’emblème est ici le destin pour le moins incertain de la zone AfPak. Et, paradoxe, là où elle fut incontestable, la transformation s’est révélée au final plus perturbatrice qu’organisatrice : voir l’exemple irakien et plus largement la région moyen-orientale au sens traditionnel de ce terme.

C’est donc à travers le prisme du Moyen-Orient – de stricte ou de large définition – que ce numéro de Politique étrangère a choisi d’analyser, dix ans plus tard, les conséquences du 11 septembre. Un Moyen-Orient décisif – politiquement, économiquement, moralement même – pour des Occidentaux qui donnent encore pour un temps le la des débats politiques de la planète ; mais décisif aussi, par exemple en termes énergétiques, pour la puissance chinoise. Un espace où se joue, depuis les révolutions arabes du printemps 2011, une grande part du débat sur la démocratisation des sociétés politiques, débat largement hérité de la fin de la guerre froide mais qui avait peu progressé après les premiers enthousiasmes des années 1990. Une aire où se joue une bonne part de l’assise diplomatique et militaire de la (toujours) première puissance de la planète.

Que représentent aujourd’hui les États-Unis dans le Grand Moyen- Orient qu’ils essayèrent de définir, de redéfinir sous les deux mandats de George W. Bush ? Une force économique et militaire considérable ? Une référence : positive, négative, ou mêlée ? Une force en voie de marginalisation, ou en plein retour à partir d’autres règles ? Le positionnement de Washington face au printemps arabe a été à la fois hésitant et subtil, et tels Européens qui annoncèrent voici plusieurs mois l’extinction de l’influence américaine dans la région paraissent aujourd’hui bien pressés.

Washington devrait continuer de jouer dans la région trois cartes majeures : sa puissance économique et militaire (même si cette dernière montre ses limites, chacun sait qu’elle reste décisive, comparée à celle des autres) ; son image, contradictoire et mixte dans la plupart des opinions publiques de la zone, sauf sans doute à l’est où elle est plus largement rejetée, en Afghanistan ou au Pakistan ; et l’absence des autres. Chacun souhaite que l’affaire libyenne se termine positivement, au premier chef pour le peuple libyen, puis pour nos armées qui y sont engagées. Mais on ne peut guère prétendre que les derniers mois ont mis en scène des acteurs internationaux susceptibles de remplacer les États-Unis face aux traumatismes régionaux qui s’annoncent.

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Au-delà, se pencher sur le Moyen-Orient dix ans après le 11 septembre dans ses rapports avec l’Amérique, c’est aussi parler de l’ailleurs, du monde qui va, hors des obsessions de la « guerre contre la terreur ». L’équilibre des puissances change, même si le résultat futur du changement n’est pas connu, et le Moyen-Orient est aussi le champ d’exercice de ces nou- veaux rapports de force : avec des puissances désormais de premier rang comme la Chine, ou d’autres comme l’Iran ou la Turquie. Ce nouveau damier de la puissance n’a pas trouvé les formes de cogouvernement qui lui correspondent : la nouvelle gouvernance mondiale hésite et balbutie, et cela se traduit d’abord dans cette région. Enfin, l’ouverture économique et technologique des sociétés modèle de nouvelles formes de vie sociale et politique, sans doute déterminantes pour les systèmes de gouvernement et les gouvernances futures : et cela est aussi à l’œuvre dans l’aire arabe et moyen-orientale.

Le dossier exceptionnel que propose ce numéro de Politique étrangère dépasse donc de beaucoup sa thématique : les rapports entre les États-Unis et le Grand Moyen-Orient dans le sillage du 11 septembre. À travers le devenir d’une région qui reste décisive et celui d’une puissance qui demeure, au-delà de ses traumatismes et de ses erreurs, la « puissance référente », c’est l’avenir des équilibres internationaux qui s’y joue dans ses multiples dimensions : énergétique, démographique, militaire et tout simplement démocratique.

 

Quel avenir pour la diplomatie américaine ?

Article issu de Politique étrangère volume 76, n°2, paru en juin 2011, portant sur les ouvrages The irony of manifest destiny. The tragedy of America’foreign policy (William Pfaff, Walker & Company, 2010, 240 pages) et The frugal superpower. Americas global leadership in a cash-strapped era (Michael Mandelbaum, PublicAffairs, 2010, 224 pages). L’article qui suit a été rédigé par Jolyon Howorth, professeur à l’université de Yale (États-Unis) et professeur de sciences politiques européennes, chaire Jean Monnet, à l’université de Bath (Royaume-Uni).

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Dans son discours du 28 mars 2011 annonçant sa décision d’intervenir en Libye, le président Barack Obama soulignait que le rôle des États-Unis dans cette mission onusienne serait limité et que le leadership serait rapidement transféré aux alliés: « Les États-Unis auront un rôle de soutien » (« a supporting role »). La communauté américaine des stratèges, qui attend depuis deux ans qu’émerge une « doctrine Obama » lisible, pense l’avoir enfin découverte à l’occasion de l’affaire libyenne. Elle pourrait s’intituler le « leadership par l’arrière » (« leading from behind »). Ces deux livres contribuent largement à déchiffrer cet infléchissement décisif de la diplomatie américaine dans la deuxième décennie du XXIe siècle.

William Pfaff retrace, dans un livre d’une érudition exceptionnelle, les sources religieuses, philosophiques, culturelles et politiques de la notion fondatrice de « Manifest Destiny ». Il fait état de ses 200 ans d’histoire mais aussi de son actualité inopérante. Michael Mandelbaum, pour sa part, nous explique pourquoi le 15 septembre 2008 (jour de la faillite de la banque Lehman Brothers) marque le moment où les États-Unis comprennent que leurs dépenses militaires ne peuvent être illimitées et que leur rôle global sera dorénavant plus restreint et modeste: « À l’avenir, les États-Unis se comporteront comme un pays normal » (p.8).

L’expression « Manifest Destiny », utilisée pour la première fois en 1845 lors de l’annexion du Texas, fait de l’expansion transcontinentale puis globale de la puissance américaine une volonté divine. En 1919, Woodrow Wilson affirme que le leadership international des États-Unis n’émane pas d’un plan conçu à Washington mais de « la main de Dieu, qui nous a entraînés sur ce chemin […]; ce fut le rêve de notre naissance. L’Amérique a montré, en toute vérité, la voie. » (p.71.) Selon W. Pfaff, cette foi utopique remonte au siècle des Lumières. Avec la « mort de Dieu », l’homme ne cherche plus une place dans un paradis d’outre-tombe mais tente de créer un paradis sur Terre. Cette aspiration séculière, qui vient remplacer au XVIIIe siècle les croyances religieuses, exige la création d’un monde parfait hic et nunc. En outre, il faut faire vite : la vie humaine se mesure en décennies plus qu’en millénaires… Cette quête d’absolu explique logiquementl’extrême violence du XXe siècle (de Staline à Pol Pot en passant par Hitler et Mao) et sous-tend directement la croisade américaine de l’après-guerre froide. En effet, les États-Unis veulent, pour reprendre les termes du second discours inaugural de George W. Bush en 2005, « abolir le mal » et « mettre fin à la tyrannie » sur le globe. Ce projet se traduit par une tentative d’exportation de la démocratie aux quatre coins du monde, projet ininterrompu depuis Wilson et toujours soutenu, selon W. Pfaff, par la quasi-totalité de l’élite américaine – y compris dans l’entourage d’Obama. Cette ambition presque religieuse, conçue dans une Amérique chrétienne, aboutit à l’« américanisation de la chrétienté » (p.62) : W. Pfaff dénonce sèchement la Manifest Destiny comme « irréalisable, indésirable et dangereuse » (p.194).

Dans un superbe chapitre de synthèse historique, l’auteur nous mène de l’isolationnisme des pères fondateurs à l’interventionnisme wilsonien, montrant à quel point les multiples guerres menées par les États-Unis au XIXe siècle, y compris la guerre contre l’Espagne de 1898 (une « affaire désinvolte qui n’engagea nullement la nation », p.70) avaient surtout pour but de faciliter et de compléter le développement du projet interne. Le tournant wilsonien de 1917-1919 fut définitif et déclencha (malgré les rechutes isolationnistes de l’entre-deux-guerres et de l’immédiat après-1945) toute une série d’interventions, toujours plus idéologiques et manichéennes. Ces opérations, de la présidence d’Eisenhower à celle de Bush, traduisaient en réalité une « forme virtuelle d’isolationnisme, une solution fictive à un problème dont la solution antérieure avait disparu » (p.100).

[Articles récents] La diplomatie d’Obama à l’épreuve du Web 2.0 (J. Nocetti)

Article issu de Politique Etrangère volume 76, n°1, paru le 21 mars 2011, rédigé par Julien Nocetti, chercheur associé à l’Ifri depuis septembre 2009, où il travaille sur la politique de la Russie au Moyen-Orient et la gouvernance de l’Internet. Il a publié en avril 2011 « e-Kremlin » : pouvoir et Internet en Russie.

 

 

L’Administration Obama entend restaurer l’image internationale des États-Unis. Elle utilise pour ce faire, au service de ses démonstrations diplomatiques, toutes les potentialités des nouveaux médias, tout en développant un discours liant le Web à la promotion de la démocratie. Le bilan de ces choix peut paraître mitigé : Internet joue sans nul doute un rôle politique croissant mais les régimes autoritaires peuvent eux aussi s’adapter à la nouvelle réalité numérique.

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L’Administration Obama est arrivée au pouvoir avec un sens aigu du potentiel des « nouveaux médias » et des outils du Web 2.0. Pour cette dernière, l’ère du numérique transforme la pratique de la diplomatie. Le Web, et les réseaux sociaux tout particulièrement, sont perçus comme des outils diplomatiques à part entière. Ils sont utilisés dans le double objectif de soutenir la politique d’engagement conduite par l’exécutif américain et d’accompagner la démocratisation de pays avec lesquels Washington entretient des relations complexes.

En effet, dans un contexte de montée en puissance de la société civile, de mondialisation de l’opinion et d’essor sans précédent des nouvelles technologies liées à Internet, l’Administration Obama entend redonner à la « marque États-Unis » le pouvoir d’attraction perdu avec l’aventurisme de l’Administration Bush. Dans le même temps, les décideurs américains ont développé une approche qui fait du Web une technologie s’accordant avec les normes et valeurs que cherchent à promouvoir les États-Unis dans le monde. La liberté d’Internet est ainsi l’un des axes majeurs de la politique extérieure de l’Administration Obama.

 

COMMUNIQUER : VERS UNE DIPLOMATIE PUBLIQUE 2.0

Créer les réseaux appropriés pour exercer une influence sur les débats et décisions de politique étrangère est désormais vital. Les nouvelles technologies de l’Internet constituent, à cet effet, une opportunité nouvelle et démultiplicatrice.

Réactualiser la diplomatie publique des États-Unis

Les initiatives de l’Administration Obama se fondent sur plusieurs constats : l’image désastreuse des États-Unis, en particulier dans le monde arabo-musulman, la montée en puissance de la société civile, la mondialisation de l’opinion et l’essor sans précédent des nouvelles technologies liées à Internet. S’ajoute à ces facteurs le fait que le modèle de diplomatie publique classique est dépassé face à l’explosion des moyens de communication.

Impact sur les opinions publiques étrangères

L’arrivée de B. Obama à la Maison-Blanche s’est accompagnée d’une volonté d’accroître la crédibilité et l’autorité morale des États-Unis aux yeux des populations étrangères. Reconquérir les populations ne signifie pas seulement être populaire, même si cela peut aider à atteindre des objectifs de politique étrangère ou à enrayer une opposition active. Le but consiste bien à être plus influent, et donc plus efficace, à moindre coût. L’expansion des technologies de l’information et de la communication a renforcé la visibilité des opinions publiques. Les nouveaux médias et technologies informatiques, comme les réseaux sociaux et les téléphones portables avec accès à Internet, ont transformé les dynamiques de communication et d’interaction à travers le globe et ont ouvert de nouvelles opportunités d’influence et d’action à l’échelle mondiale (H.C. Dale, Public Diplomacy 2.0: Where the US Government Meets “New Media”, Washington DC, The Heritage Foundation, 2009).

Les technologies numériques ont ainsi des répercussions sur la manière dont les populations peuvent être impliquées dans les débats : Internet est un outil de diffusion de l’information d’une portée nouvelle, en même temps qu’il permet à un nombre croissant d’individus de se faire une opinion sur des événements et des problématiques indépendants de la politique des États. Internet facilite donc le débat politique (i.e. communiquer des idées en vue d’influencer une politique) à un degré lui aussi inédit, d’autant que les acteurs non étatiques se veulent plus influents en matière de politique étrangère.

Priorité au monde arabo-musulman

L’un des premiers défis de l’Administration Obama a été de restructurer les relations avec le monde arabo-musulman, grandement détériorées depuis les échecs stratégiques de Washington en Irak et en Afghanistan, et du fait de son incapacité à résoudre le conflit israélo-palestinien et à satisfaire la « rue arabe » (K. Lord, M. Lynch, America’s Extended Hand: Assessing the Obama Administration’s Global Engagement Strategy, Washington DC, Center for a New American Security, 2010). Le nouvel effort s’appuie sur le constat que les relations des États-Unis avec 1,4 milliard de musulmans de la planète ne peuvent plus être définies sous le seul prisme de la lutte antiterroriste. Le nouveau président souhaitait ainsi signaler une véritable rupture par rapport à l’ère Bush et redéfinir ses relations avec une nouvelle génération de jeunes musulmans. À cet égard, son discours du Caire en juin 2009, qui a suscité l’attention de la communauté internationale, annonçait symboliquement une nouvelle diplomatie publique américaine. L’ensemble des grandes agences gouvernementales ont contribué à son élaboration puis à sa diffusion : Conseil de sécurité national, et surtout département de Planification politique du Département d’État. Des consultants ont livré leur point de vue ; et l’effet sur les attitudes et les opinions dans les pays ciblés a soigneusement été évalué à l’avance. Le discours a été diffusé en 13 langues par les sites de réseaux sociaux (Facebook, Twitter, MySpace, YouTube), ainsi que les podcasts (en raison des restrictions du Smith-Mundt Act de 1948 qui interdit la propagande vers les citoyens américains et à l’instar de tous les produits de la diplomatie publique américaine, cette initiative du Département d’Etat s’est exclusivement adressée aux audiences étrangères). La Maison-Blanche a également lancé une discussion internationale sur Facebook qui a rassemblé plus de 20 millions d’internautes du monde arabe et reçu en réponse des textos postés sur le portail officiel America.gov en arabe, persan, ourdou et anglais.

Smart power et « connectivité »

Les initiatives de l’Administration Obama en matière de diplomatie publique s’appuient sur un corpus élaboré au cours du second mandat de G. W. Bush. À cet égard, les think tanks réputés proches du Parti républicain ont massivement contribué au débat sur l’interaction entre Web et diplomatie publique (en 2010, la New America Foundation a organisé plusieurs manifestations sur le sujet. Citons « Does the Internet Favor Dictators or Dissenters? », Washington, 21 mai 2010 ; « Decoding Digital Activism », Washington, 15 juillet 2010. Les centres de recherche des grandes universités sont eux-aussi très présents dans le débat, citons le Berkman Center for Internet & Society (Harvard), l’Institute for Public Affairs and Global Communication (George Washington University), ou le Miller Center of Public Affairs (University of Virginia).

Très clairement, le « tournant » technologique adopté par la diplomatie américaine trouve une partie de ses racines dans le concept de smart power médiatisé par Hillary Clinton lors de son discours d’investiture devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, en janvier 2009. Il s’agit pour les États-Unis de combiner un hard power lié à leur prédominance économique et militaire au soft power que leur confèrent une image améliorée, la séduction de leur prospérité et de leur mode de vie, le succès de leurs produits culturels, leurs valeurs universelles et une approche plus multilatérale des relations internationales, le tout étant véhiculé par les nouveaux outils technologiques. H. Clinton ne faisait là pourtant que reprendre un concept analysé et promu par les auteurs du rapport de la commission du Center for Strategic and International Studies (CSIS) sur le smart power. Après sa nomination au poste de sous-secrétaire d’État à la Diplomatie et aux Affaires publiques, Judith A. McHale, ancienne présidente-directrice générale de Discovery Communications, mettait clairement l’accent, devant le Sénat en mai 2009, sur l’effet potentiel des avancées en matière de communication sur la diplomatie publique américaine (J. McHale, « Senate Foreign Relations Committee Confirmation Hearing », 13 mai 2009).

Au-delà de cette attention au smart power dans la doctrine de politique étrangère, le concept de connectivité structure également le rapport de l’Administration Obama à sa diplomatie publique. Ce concept est l’œuvre d’Anne-Marie Slaughter, directeur de la Planification politique (et co-responsable de la Quadrennial Diplomacy and Development Review, sensiblement équivalente au Livre blanc sur la politique étrangère française) au Département d’État. Selon elle, la connectivité, autrement dit la faculté d’agir en réseaux, constituera la mesure de la puissance au XXIe siècle (A.-M. Slaughter, « America’s Edge: Power in the Networked Century », Foreign Affairs, vol. 88, n° 1, 2009). L’État disposant du plus grand nombre de connexions sera l’acteur central, à même d’imposer l’agenda international et de susciter une innovation et une croissance durables. En se positionnant comme la nation la plus connectée, comme un hub informationnel et idéologique, les États-Unis tentent donc de concevoir une diplomatie adaptée à l’ère de la mondialisation des réseaux et du Web.

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