Article issu de Politique Etrangère volume 76, n°1, paru le 21 mars 2011. Son auteur, Claude Meyer, est chercheur au Groupe d’économie mondiale de Sciences Po et ancien directeur général-adjoint d’une banque japonaise à Paris. Il enseigne l’économie internationale à Sciences Po. Parmi ses ouvrages, on pourra lire Chine ou Japon : quel leader pour l’Asie ? (Paris, Presses de Sciences Po, 2010).
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Malgré un apparent déclin, le Japon produit aujourd’hui presqu’autant que la Chine. Si son économie fait face à de lourds défis (absence de leadership politique, endettement public, vieillissement de la population), ses atouts sont aussi réels : excellence technologique, dynamisme commercial, puissance financière, leadership économique et commercial en Asie. Une forte volonté politique et un regain de confiance pourraient permettre le retour d’une croissance modérée mais durable.
Un Japon anémié et vieillissant face à une Chine dynamique et conquérante. Pour beaucoup, la cause est entendue : deux décennies de quasistagnation ont largement amorcé le déclin du Japon. Son produit intérieur brut (PIB) ne représente plus que 8,5% du total mondial contre 14,3 % en 1990 ; son PIB par habitant a chuté de la 3e à la 23e place dans la même période ; en termes de compétitivité internationale, le Japon est passé de la 1re place en 1990 à la 27e aujourd’hui. Et les Cassandre de poursuivre : voilà le destin que connaîtrait la vieille Europe sans un vigoureux sursaut. Mais le sort du Japon est-il si funeste qu’il faille l’agiter comme un repoussoir ? Malgré l’absence quasi totale de matières premières, et avec seulement2 % de la population active du monde contre 27% pour la Chine, le Japon produit presqu’autant que son immense voisin, soit l’équivalent de 8,5 % du PIB mondial. Ce simple rappel donne la mesure d’un géant qui dispose toujours d’atouts considérables, même s’il doit faire face à de lourds défis structurels. Le Japon a prouvé dans le passé ses capacités de rebond lors de multiples crises : saura-t-il sortir enfin de la léthargie qui semble le condamner à l’effacement ?
De lourds défis structurels
En 2009, la crise mondiale a plongé le Japon dans la pire récession de son histoire qui s’est ajoutée, dans une sorte de « double peine », à sa propre crise des années 1990. La contagion de la crise par le canal du commerce extérieur a été rapide et brutale : avec une contraction du PIB de 1,2 % en 2008 et de 5,2 % en 2009, la récession japonaise a été plus sévère que pour les autres pays industrialisés. La croissance soutenue des années 2002-2007 reposait à 60 % sur les exportations nettes, alors que la consommation intérieure restait atone dans un contexte déflationniste. Les effets conjugués de la récession mondiale et de la forte appréciation du yen ont entraîné un effondrement des exportations vers les États-Unis et l’Europe, premier et troisième marchés d’exportation. L’investissement des entreprises s’est donc fortement contracté, tandis que la montée du chômage et le recul des salaires étouffaient la consommation des ménages. La crise a ainsi révélé les limites du cycle d’expansion 2002-2007 fondé sur la demande extérieure. Pour maintenir une croissance durable moins tributaire de la conjoncture internationale, le Japon devait rééquilibrer son modèle en faveur de la consommation intérieure. Cela a été le cas en 2010 avec une hausse soutenue de la dépense des ménages et une croissance supérieure à 3,9 % ; mais ce rebond s’explique essentiellement par des facteurs temporaires, liés aux plans de relance. Les prochaines années devraient connaître une progression de la production d’environ 1,5 % par an, nettement inférieure au niveau de croissance potentiel, qui devrait lui-même diminuer durant les décennies à venir.
En effet, au-delà de la violence du choc conjoncturel de la crise, l’économie japonaise présente des faiblesses structurelles qui pèsent sur ses performances. Les gains de productivité s’amenuisent dans une économie arrivée à ce niveau de maturité et la taille du marché intérieur reste modeste, comparée à celles de grands ensembles régionaux ou d’économies-continents comme l’Inde ou la Chine. Outre ces contraintes, trois facteurs se conjuguent pour assombrir l’horizon économique de l’archipel : l’absence chronique de leadership politique, l’endettement du secteur public et le défi démographique.
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