Cette recension croisée est issue de Politique étrangère (4/2014).  Julien Nocetti propose une analyse des ouvrages suivants : Laura DeNardis, The Global War for Internet Governance (Yale University Press, 2014, 296 pages) ; Abu Bhuiyan, Internet Governance and the Global South: Demand for a New Framework (Palgrave Macmillan, 2014, 240 pages) ; et Roxana Radu, Jean-Marie Chenou et Rolf H. Weber (dir.), The Evolution of Global Internet Governance: Principles and Policies in the Making (Springer-Schulthess, 2014, 198 pages).

Politique étrangère s’est déjà fait l’écho de plusieurs ouvrages offrant un cadre d’analyse à l’insertion de l’internet dans les débats sur sa gouvernance mondiale et son implication pour la théorie des relations internationales[1]. Conceptualiser cette gouvernance est aujourd’hui devenu un véritable défi, tant il apparaît évident que l’internet s’est mué en un enjeu de politique étrangère. Pour les spécialistes des relations internationales, ces défis sont de plusieurs natures. D’abord, un coût d’entrée particulièrement élevé, lié autant à la technicité du sujet internet qu’à l’interdisciplinarité de la gouvernance du réseau, qui mêle économie institutionnelle, science politique et relations internationales, sciences de l’information et de la communication, sociologie et droit[2]. Si l’on ajoute le nécessaire effort de compréhension des processus globaux de prise de décision, tout cela contraint l’expertise en relations internationales à élargir la « trousse à outils » conceptuelle bien au-delà de l’analyse traditionnelle des rapports interétatiques[3].

La littérature scientifique, riche mais majoritairement nord-américaine, a jusqu’à récemment privilégié une approche largement focalisée sur la technique – aujourd’hui très insuffisante –, au détriment des facteurs culturels, économiques, diplomatiques, etc. qui travaillent pourtant la gouvernance de l’internet[4].