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PE dans La Croix

Dans l’édition papier de La Croix (27/01/2012), Jean-Christophe Ploquin consacre un article au dossier de PE 4/2011 sur  » la déconstruction européenne ? « .
Il y évoque notamment les articles d’Alain Richard et de Maxime Lefèbvre (qui sont intervenus lors d’une conférence-débat à l’Ifri le 2 février dernier), mais aussi ceux de Jacques Mistral et Cécile Leconte.

Agences de notation : quatre questions à Norbert Gaillard

Norbert Gaillard, docteur en économie (Sciences Po / Princeton), est l’auteur de l’ouvrage A Century of Sovereign Ratings (Springer, 2011). Il contribuera au n° 1/2012 de Politique étrangère, à paraître en mars. En attendant la parution de son article, il répond à quatre questions sur les agences de notation, en exclusivité pour le blog de Politique étrangère.

Quelle est la genèse des agences de notation ?

La notation financière est apparue il y a un siècle. À l’époque, un nombre croissant de titres obligataires sont émis sur les marchés financiers américains par des entreprises industrielles et des compagnies de chemin de fer. Les banques et les fonds d’investissement ont de plus en plus de difficultés à déterminer la qualité de crédit de ces sociétés. John Moody, journaliste spécialisé dans les questions économiques et financières, est conscient du relatif désarroi des investisseurs. Il décide donc en 1909 d’attribuer des notations (ou ratings) aux compagnies de chemin de fer : l’agence Moody’s est née. Ces notations vont de Aaa pour les entreprises dont la solvabilité est très forte, à C ou D pour celles qui sont en défaut de paiement. Moody’s se met ensuite à noter les entreprises industrielles et celles du secteur public utility au début des années 1910, puis les États étrangers et collectivités locales du monde entier à partir de 1918. Le succès est au rendez-vous et trois concurrents émergent rapidement : Standard Statistics, Poor’s (qui fusionneront en 1941 pour former Standard & Poor’s) et Fitch.
Il faut bien comprendre que le développement de la notation est indissociable de l’essor des marchés financiers ; c’est pourquoi les agences connaissent une explosion de leur chiffre d’affaires et de leurs profits depuis les années 1980. En 2010, la marge opérationnelle de l’agence Standard & Poor’s a atteint le pourcentage impressionnant de 45 %.

Comment et pourquoi les agences de notation ont-elles acquis une telle importance ?

Les agences ont d’abord bénéficié de la confiance des investisseurs qui ont vu dans la notation financière un outil pratique et bon marché les aidant à faire des arbitrages judicieux sur les marchés. Les ratings leur évitaient également d’avoir à mener leur propre analyse du risque de crédit. À partir de 1931, les notations ont été intégrées dans les réglementations financières. Ce processus de delegated monitoring, qui a contribué à faire des grandes agences des quasi-régulateurs, s’est accéléré au cours des années 1980, 1990 et 2000. Il a rendu les notations de Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s véritablement incontournables et a partiellement déresponsabilisé les investisseurs. Ces réglementations faisant référence aux notations peuvent prendre plusieurs formes. Il s’agit soit de règles qui limitent, voire interdisent, l’achat ou la détention de titres notés en dessous d’un certain rating ; soit de normes qui exigent des fonds propres d’autant plus élevés que les notations des titres détenus en portefeuille sont basses.
La crise des subprimes de 2007 a profondément ébranlé la confiance que les investisseurs et les régulateurs avaient dans la notation financière. Depuis lors, les législateurs américains et européens ont décidé de mieux encadrer l’activité des agences, contrôlant en particulier leurs méthodes de travail.

Comment se fait-il que Standard & Poor’s ait dégradé la note de la France alors que Moody’s a maintenu son AAA ?

Les notations de Standard & Poor’s sont traditionnellement plus corrélées aux indicateurs de marché (tels que les taux d’intérêt ou les spreads de taux) que celles de Moody’s et de Fitch. Cette spécificité des ratings de Standard & Poor’s l’a conduite à être un peu plus intransigeante que ses deux concurrentes. Standard & Poor’s fut la première agence à dégrader la Grèce en 2004, la première à la placer dans la catégorie spéculative en avril 2010, puis la première à dégrader les États-Unis en août 2011 et encore et toujours la première à dégrader la France en janvier 2012. Moody’s et Fitch ont été plus « suiveuses ».
L’abaissement de la note de la France par Standard & Poor’s a plusieurs causes. D’abord, l’agence regrette que la Banque centrale européenne (BCE) n’ait pas un rôle plus actif, comme celui de la Federal Reserve aux États-Unis. L’impossibilité pour la BCE d’être prêteur en dernier ressort affaiblit, selon Standard & Poor’s, la solvabilité de l’ensemble des États de la zone euro, à l’exception de l’Allemagne. Ensuite, la France souffre d’un manque de compétitivité et son marché du travail est considéré comme insuffisamment flexible. L’endettement public est en outre jugé élevé. Enfin, les perspectives de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2012 sont sombres.
Moody’s maintient le Aaa de la France, préférant mettre l’accent sur les réformes entreprises depuis plusieurs années et sur la capacité du pays à se refinancer à des taux très bas.

Quelles mesures la France doit-elle prendre pour voir sa note réévaluée ?

La France ne récupèrera pas son AAA facilement. Il a fallu respectivement onze ans et seize ans à la Suède et à l’Australie pour le récupérer. Notre pays doit engager des réformes structurelles de moyen-long terme : lancer une refonte du système de retraites (via l’allongement de la durée de cotisation) ; flexibiliser le marché du travail (en annualisant le temps de travail et en instaurant le chômage partiel) ; réorganiser notre structure administrative ; réduire les dépenses publiques ; soutenir le capital-risque et l’innovation ; aider les petites et moyennes entreprises (PME) à exporter.
Notre système fiscal doit également être amélioré, car il demeure inefficace et inégalitaire. Il faudrait par exemple fusionner l’impôt sur le revenu et la cotisation sociale généralisée (CSG) et rendre ce nouvel impôt plus progressif ; réduire l’impôt sur les sociétés ; favoriser l’entrepreneuriat ; taxer les rentes ; supprimer de nombreuses niches fiscales. Ces mesures permettront de libérer la croissance et contribueront à améliorer notre compétitivité.

Économie : Une brève histoire des crises financières

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2011). Jacques Mistral, ancien directeur des études économiques à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Christian Chavagneux : Une brève histoire des crises financières. Des tulipes aux subprimes (Paris, La Découverte, 2011).

Cet ouvrage, c’est d’abord une histoire des bulles financières et des crises qu’elles provoquent, toujours et toujours : c’est une histoire pleine d’innovations, de rebondissements et de catastrophes. À côté des grands classiques – comme la faillite de Law ou la crise de 1929 –, le lecteur aimera (re)découvrir ce qui fait la modernité de la bulle sur les oignons de tulipe aux Pays-Bas au XVIIe siècle ou sur la panique bancaire de 1907 aux États-Unis.

En matière financière, décidément, l’humanité n’a rien appris. Le livre se lit avec facilité et cela bien que l’auteur utilise sa vaste érudition pour offrir un appareil documentaire abondant (il y a près de 200 notes et autant de références bibliographiques précieuses pour qui veut prolonger l’enquête). Au-delà de l’histoire, il y a une thèse qui s’inscrit dans une perspective connue, celle tracée par Charles P. Kindleberger et Hyman P. Minsky : l’innovation financière débridée et l’effet de levier incontrôlé sont les ingrédients de base de la course au profit et à l’abîme. C. Chavagneux enrichit ce modèle sous trois aspects.

D’abord les origines : la crise n’est pas un accident. Elle a été préparée par la mise en œuvre de stratégies très précises – la déréglementation financière, pour être bref. Dans ce contexte, même si l’on est amené à mettre en exergue des fraudes monstrueuses comme celle de Bernard Madoff, la crise n’est pas le produit de quelques comportements déviants : elle a aussi une dimension qui relève, selon l’auteur (suivant ici une analyse illustrée en particulier par William Black), de la criminalité organisée (on pense aux conditions d’octroi et de gestion de certains crédits immobiliers, aujourd’hui devant la justice).

Un second apport concerne le rôle de l’accroissement des inégalités comme « carburant de la crise » (difficile d’échapper en permanence à la tentation des titres accrocheurs). La recherche a récemment mis l’accent sur ce lien et le sujet aurait mérité d’aller plus loin que la mise en cause convenue de « l’influence politique des riches ». Les inégalités sont un résultat, pas une variable de décision, et la question que soulève cette littérature est la suivante : comment pourrait se reconstituer, à l’avenir, sous une forme évidemment nouvelle, le lien fordiste rompu depuis deux décennies entre salaire réel et productivité ?

Troisième apport, la prévention des crises futures. Très averti des travaux du G20, l’auteur décrypte les résultats de ses efforts en faveur d’une meilleure gouvernance financière mondiale. Son jugement est précis et équilibré : ceux qui dénoncent les « G vains » ont tort. De Washington à Séoul en passant par Cannes, un mouvement est enclenché, qui a des faiblesses mais produit néanmoins des résultats ; il faut faire vivre cette volonté politique sans laquelle on peut évidemment craindre de nouvelles crises.

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Europe politique : un espoir est-il raisonnable ?

Article paru dans Politique étrangère n°4:2011 et rédigé par Alain Richard, sénateur socialiste. Il siège également au sein de la présidence du Parti socialiste européen et fut ministre de la Défense entre 1997 et 2002, dans le gouvernement de Lionel Jospin.

La crise européenne est d’abord le fruit des difficultés économiques et de leurs effets sociaux. Le projet européen d’une prospérité croissante et partagée est désormais vu avec défiance par les opinions publiques. À cela s’ajoute une gouvernance complexe depuis les élargissements de la précédente décennie. Un esprit collectif européen peut renaître du désir d’un rebond économique mais cette revitalisation dépendra beaucoup des élites médiatiques et politiques, ainsi que des nouvelles générations de citoyens européens.

* * *

Il n’est pas nécessaire de décrire en détail les symptômes d’affaiblissement de l’ambition collective qu’a représentée jusqu’à un passé récent la construction politique de l’Europe. Les signes en sont évidents et se sont accumulés depuis une décennie. On ne peut que les citer sommairement et les analyser pour chercher comment peut survenir un rebond.

Le plus préoccupant est la distance politique qui s’est élargie entre le centre de décision que représente le nom de Bruxelles et les perceptions des centaines de millions de citoyens européens au nom – et en principe dans l’intérêt – de qui s’élaborent et finalement se prennent lesdites décisions. L’Europe de ces dernières années semble à beaucoup non seulement éloignée (ce qui est inévitable, comme aux États-Unis le nom de Washington symbolise cet éloignement) mais, plus en profondeur, déconnectée de leurs demandes et de leurs problèmes. Les expressions dispersées de tous ceux qui ont vocation à parler en son nom ne semblent plus faire sens, ni se rattacher à un projet vivant.

Dans la vie civique de chacune de nos nations, l’objectif si souvent affiché de « plus d’Europe » n’est plus partagé ; il n’est énoncé, par des acteurs qui y croient, ou se sentent tenus de sembler y croire, que par fidélité à un engagement ancien, et sans nourrir d’illusion sur l’accueil populaire d’un tel appel. Il n’est alors exprimé que comme un rite destiné à contourner des contraintes et rarement assorti de propositions opératoires ouvrant un débat réel. Un « souverainisme » résigné ou méfiant donne le ton aux quatre coins du continent et semble signer un arrêt de l’espoir européen.

Si l’on cherche à classer les facteurs qui ont conduit à ce fort détachement, l’explication première est indéniablement économique. Depuis dix ans, l’Europe, collectivement – avec des exceptions positives dans certains pays ou ensembles régionaux, équilibrées par des poches de dépression –, enregistre une croissance faible : moins de 1,5% annuel entre 2000 et 2010 pour l’ensemble de l’Union européenne (UE). Cette situation frustrante contraste à la fois avec les signes frappants de la croissance des pays émergents les plus en vue et avec une dynamique passée que beaucoup d’Européens, sans se pencher sur les statistiques, avaient enregistrée au long des décennies dans leurs conditions de vie et leurs mentalités.

L’impact de ce relatif échec sur la vie de nos sociétés, sur la vie de ce qui est aussi notre société européenne, se mesure bien sûr par le chômage et le sous-emploi. La montée de ce mal social est déjà frappante quand on observe les données globalisées de l’emploi. Mais ses effets sociétaux vont plus loin. Le terme de précarisation les résume sommairement. Ce sont non seulement les emplois les moins qualifiés, ou ceux des secteurs les plus concurrencés, qui disparaissent, mais de proche en proche une masse toujours plus étendue d’actifs, salariés ou indépendants, qui se sentent menacés et qui éprouvent un stress croissant dans leur activité professionnelle. La promesse d’une croissance à peu près régulière, apportant à chacun sa part de progrès, n’est plus tenue.

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