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Indonésie : trois questions à Delphine Alles

L’Indonésie a un nouveau président, Joko Widodo, investi le 20 octobre dernier. Delphine Alles, auteur de l’article « Indonésie : le nonalignement à l’heure de la concurrence sinoaméricaine » dans le numéro d’hiver 2013-2014 de Politique étrangère, a accepté de répondre à trois questions, en exclusivité pour politique-etrangere.com.

JakartaJoko Widodo est souvent présenté comme n’appartenant pas à la classe politique traditionnelle. Pourriez-vous revenir sur son parcours et sur les conditions de son élection à la présidence ?

Le profil de Joko Widodo dit « Jokowi » marque une rupture avec celui de ses prédécesseurs, et plus largement avec une classe politique encore largement héritière de l’ère Suharto. Il n’est en effet issu ni de l’armée, ni du sérail politique, ni de l’élite religieuse.

Né dans un quartier modeste de Surakarta (Solo), il a commencé sa carrière dans le commerce de meubles avant d’être élu maire de sa ville d’origine en 2005 puis gouverneur de Jakarta en 2012. Sa popularité repose sur ce passé d’homme de la rue et sa capacité à se déplacer au-devant des électeurs, une pratique jusqu’alors peu courante en Indonésie où les responsables politiques ont tendance à privilégier les rassemblements spectaculaires sans aller directement au contact du peuple.

Web et politique: Paris 2014 et la science électorale américaine

Clémence Pène a écrit un article intitulé La nouvelle science électorale américaine, paru dans le n°2/2013 de Politique étrangère. Depuis l’écriture de cet article, cette chercheuse spécialisée dans le lien entre Internet et politique est devenue responsable de la campagne web d’Anne Hidalgo pour les élections municipales de 2014. Elle répond à trois questions, en exclusivité pour politique-etrangere.com.

PE_2_2013_couvQuelles méthodes de la campagne web de Barack Obama utilisez-vous dans la campagne web d’Anne Hidalgo?

Depuis 2008, la confrontation des campagnes françaises et américaines est un marronnier des médias. Si la comparaison n’est pas toujours appropriée, dans le cas de la campagne web d’Anne Hidalgo, deux importations des techniques de la campagne Obama sont complètement assumées : l’utilisation des outils de gestion de bases de données de l’agence américaine Blue State Digital d’une part, et le développement de l’outil 50+1 pour le porte-à-porte d’autre part. Cela se manifeste en ligne par le recueil actif d’adresses électroniques, la qualification des bases de données par type d’engagement et par quartier sur Blue State Digital qui permet à la campagne une gestion ciblée des mailings. Le porte-à-porte, souvent assimilé aux campagnes américaines, est en réalité une pratique historique du parti socialiste. Dans son utilisation contemporaine, il a été testé en 2010 pendant les régionales en Île-de-France et largement adopté en 2012 avec 5 millions de portes frappées. Le logiciel de ciblage des portes à frapper “50+1” est développé par une agence française. Il ne s’agit donc plus à proprement parler en 2014 d’une “technique Obama”. Pourtant, la “scientifisation” des méthodes de mobilisation web participe d’une dynamique de rationalisation des campagnes électorales qui doit aux précédents américains en matière d’analytics : la campagne Hidalgo porte une grande attention au reporting des opérations terrain et aux rapports de performances web.

Y a-t-il des pratiques américaines qui ne pourraient pas être importées en France, soit pour des raisons culturelles, soit pour des raisons juridiques?

Malgré de nombreuses similarités dans les objectifs et les techniques, les deux campagnes web se déroulent à des échelles et avec des moyens incomparables. Pour des raisons financières, les campagnes françaises, et en particulier municipales, emploient peu de permanents de campagne : la mise en œuvre des techniques de campagne repose ainsi davantage sur l’organisation partisane que sur les professionnels du community organizing. Le plafond limité de la campagne municipale justifie par exemple moins la mise en place de techniques d’online fundraising. Peut-être pour des raisons culturelles, des pratiques telles que les réunions d’appartement et le phoning gardent une visibilité limitée. Par ailleurs, certaines pratiques n’ont pas vocation à être importées parce qu’elles répondent à des objectifs purement américains. On peut citer comme exemple le travail effectué autour de la localisation des bureaux de vote, parfois difficiles à trouver aux États-Unis, y compris le jour du vote. Autre type de pratiques américaines dont la France est heureusement épargnée : l’achat de publicités télévisées hors de prix et le développement de spots vidéo de publicité négatives. Le cadre juridique français est également beaucoup plus tourné vers la protection des données. Hors de question pour la campagne Hidalgo d’acheter des listes d’adresses électroniques : l’épisode de l’achat de bases de données par Nicolas Sarkozy, connu sous le nom du “sarko spam” a marqué négativement la mémoire collective.

Après la campagne des municipales, que deviendront les données récoltées par les équipes web des différents candidats?

Difficile de répondre pour toutes les équipes web. Là encore, le précédent de l’après-campagne d’Obama a montré que la manne des millions d’adresses électroniques contenues dans les bases de données des campagnes pouvait avoir une vie après l’élection. Mais la création de “Organizing for Action” à partir de “Organizing for America” ne semble pas avoir inspiré l’équipe du Président Hollande. La base des primaires socialistes n’a pas, elle non plus, été exploitée de manière optimale. Toutefois, les solides bases numériques d’Anne Hidalgo et de sa principale adversaire ne datent pas d’hier : chacune d’entre elles entretient des centaines de milliers de followers sur Twitter et s’appuie sur une structure autonome de leur parti politique – “Oser Paris” pour Anne Hidalgo, “La France droite” pour la candidate de l’UMP. Ces communautés pourraient donc continuer à vivre en dehors de la campagne parisienne. En ce qui concerne la campagne socialiste, on peut penser que certaines données militantes seront transférées aux sections, dans la plus stricte légalité, dans le respect des règles en vigueur et avec toujours les possibilités d’opt out. Quant aux données statistiques anonymisées (fréquentation, clics, etc.), elles serviront à affiner les modèles et les pratiques pour les campagnes suivantes dans le but de gagner en efficacité.

 

Égypte : le PND au cœur du dispositif de succession

Alors que les premières élections de l’ère post-Moubarak ont actuellement lieu en Egypte, nous vous invitons à relire le dossier « Moyen-Orient: instabilités internes » publié dans Politique étrangère en 2007. Ce dossier comprenait notamment un article de Sophie Pommier intitulé « Egypte: le PND au coeur du dispositif de succession ». Cet article se terminait de la sorte: « Si la jeune génération se contente d’instrumentaliser le PND pour accéder au pouvoir, sans en maîtriser les mécanismes qui assurent le maillage et le contrôle du pays, le parti perdra sa principale raison d’être. La nature et le fonctionnement du régime en seraient profondément transformés et l’on entrerait dans une ère nouvelle, avec les risques afférents. Si, de plus, le pari de la réforme économique met trop de temps à se révéler gagnant, la situation pourrait devenir intenable. Que ferait alors Hosni Moubarak ? ».

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L’échéance de la succession se profile en Égypte, dans le contexte d’une réforme, dans les faits limitée à la libéralisation économique. L’influence de Gamal Moubarak s’exprime dans un renouvellement des cadres du régime, et au premier chef dans le contrôle du Parti national démocratique, cœur de la vie politique égyptienne. Le congrès de 2006 du PND a marqué une étape dans l’ascension du fils du président, tout en mettant en relief des lignes de clivage au sein de l’appareil.

En accord avec l’air du temps, le régime égyptien affiche une politique de réforme, de fait limitée à une libéralisation économique. Comme dans les pays arabes voisins, cette mutation lui permet de se recentrer autour des seuls changements nécessaires à sa survie. Mais en Égypte, cette période de mutation s’est juxtaposée à d’autres contraintes qui ont contribué à électriser le climat. En 2005 en effet, il a fallu passer le cap de deux élections, présidentielle et législatives, au moment où, dans le cadre de leur politique de remodelage du Grand Moyen-Orient, les Américains multipliaient les pressions en faveur de la démocratisation. Dans le même temps, le discours sur la réforme est porté par une génération nouvelle – conduite par le fils du président, Gamal Moubarak –, et suscite tensions et lignes de clivage au sein des équipes dirigeantes, d’autant que l’échéance de la succession se profile : septuagénaire, le président a été victime ces dernières années de deux accidents de santé qui ont alimenté la rumeur.

L’ère post-électorale et la question de la succession

Si les consultations électorales ont été plus ou moins maîtrisées, le bilan reste mitigé. Certes, Hosni Moubarak a été réélu avec 88,6 % des suffrages exprimés, et le Parti national démocratique (PND) a maintenu sa très confortable majorité à l’Assemblée du peuple avec 323 sièges sur les 444 soumis au vote. Pourtant, le régime a été quelque peu malmené : les hautes sphères du pouvoir, et notamment la famille du président, ont été critiquées en des termes très sévères lors d’une campagne dont la liberté de ton fut inédite. Le taux de participation est resté très faible – aux alentours de 23 % selon les sources officielles –, et la percée des Frères musulmans a pris des proportions que les autorités n’avaient manifestement pas prévues, si bien que la fin des consultations a été entachée par un regain de fraude et de répression. Pour maintenir la suprématie du parti présidentiel, il a fallu réintégrer in extremis des candidats indépendants, comme en 2000, en dépit des promesses de ne plus recourir à cet expédient. Mais la manière sera vite oubliée : au final, le régime a réussi à se donner à moindres frais une apparence de démocratisation puisqu’il a autorisé la constitution d’un groupe d’opposition au Parlement (88 députés islamistes). Celui-ci ne dispose pas des moyens d’infléchir le cours de la vie politique et sert par ailleurs de repoussoir pour les Occidentaux dans la mesure où la confrérie apparaît comme la seule alternative au pouvoir en place. Le décor politique ainsi planté laisse le champ libre pour peaufiner le scénario de la succession.

Depuis le début des années 2000, Gamal Moubarak est au premier plan de la scène politique, au point de passer aujourd’hui pour le candidat le mieux placé. Né en 1963, le fils cadet du président a fait ses études à l’université américaine du Caire, en administration des entreprises, avant d’intégrer la Bank of America dont il a assuré pendant quelques années la direction de la branche londonienne. Dans le même temps, il a fondé Medinvest, une société d’investissements privés. Rentré en Égypte en 1995, il s’est entouré d’un aréopage de jeunes hommes d’affaires aux profils similaires au sien, familièrement appelés les « Gamal boys ». En 1998, il crée la Fondation pour les générations futures, qui vise à « soutenir et favoriser le secteur privé en Égypte, en contribuant à la croissance économique et à la compétitivité dans le pays ». La Fondation s’emploie à compléter la formation professionnelle de jeunes diplômés et manageurs égyptiens. Les membres de son conseil d’administration essaiment dans les différentes sphères d’influence du jeune Moubarak : au secrétariat général du PND, aux conseils d’administration du Centre égyptien d’études économiques et du Conseil d’affaires égypto-américain. Entré en politique, Gamal Moubarak a d’abord été chargé du dossier de la lutte contre la corruption mais ses activités d’homme d’affaires – voire d’affairiste aux yeux de nombre d’Égyptiens – ont porté atteinte à sa crédibilité en ce domaine. Il est aujourd’hui le héraut de la politique de libéralisation économique mise en œuvre depuis l’arrivée aux affaires, en juillet 2004, du Premier ministre Ahmed Nazif. En mars 2006, il s’est fiancé à Khadija el-Gamal, diplômée de l’université américaine du Caire, fille de l’homme d’affaires Mahmoud el-Gamal qui a fait fortune dans le tourisme et le bâtiment.

Il est de notoriété publique que les ambitions de Gamal Moubarak sont relayées par sa mère, la très influente Suzanne Moubarak. De son côté, le président égyptien a nié, à plusieurs reprises, envisager de céder le pouvoir à son fils, rappelant que l’Égypte était une république. De nombreux éléments révèlent pourtant une stratégie de positionnement pour accéder à la fonction suprême, à commencer par la véritable OPA sur le parti présidentiel réalisée au profit de Gamal Moubarak.

Le choix de l’option dynastique sous-tend l’amendement de l’article 76 de la Constitution, annoncé en février 2005 et adopté par référendum en mai de la même année, qui a modifié les modalités de l’élection présidentielle. Si le scrutin admet plusieurs candidats soumis au suffrage universel direct, ne pourront concourir aux futures élections – en 2011 mais peut-être avant – que ceux qui seront présentés par un parti disposant d’au moins 5 % des sièges au Parlement et légalisé depuis au moins cinq ans ; les candidats indépendants devront pour leur part recueillir au moins 250 signatures d’élus nationaux ou régionaux4. Or, dans le paysage politique égyptien, seul le PND offre à la fois ce préalable et les moyens de promotion indispensables pour remporter l’élection.

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Maroc : l’émergence de l’islamisme sur la scène politique

A la suite de la victoire des islamistes du Parti de la Justice et du Développement (PJD) aux élections législatives marocaines, nous vous invitons à relire l’article intitulé « Maroc: l’émergence de l’islamisme sur la scène politique« . Cet article, paru dans Politique étrangère en 2005, a été rédigé par Khadija Mohsen-Finan.

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Voici une dizaine d’années, il paraissait incongru d’évoquer l’islamisme marocain, tant était ferme la conviction que la fonction religieuse du roi mettait le pays à l’abri de ce phénomène. Les attentats de Casablanca (2003) ou de Madrid (2004), impliquant nombre de Marocains, ont brisé cette croyance longtemps cultivée par le pouvoir marocain. Au-delà de cette actualité, un parti islamiste s’est progressivement imposé sur la scène politique marocaine en l’espace de huit ans, représentant aujourd’hui la première force de l’opposition reconnue.

Le Parti de la justice et du développement (PJD) s’est réellement imposé par le biais des élections législatives. La présence remarquée de ses députés contribua à sortir le Parlement de sa longue léthargie. Mis à l’index pour sa « responsabilité morale » dans les attentats de Casablanca par une société traumatisée et hantée par le spectre algérien, les cadres du PJD réussirent à braver les stigmates, en affichant une attitude consensuelle sur nombre de questions. Progressivement, le PJD semblait perdre son caractère particulier de parti d’opposition, supposé tiède dans son attachement à la monarchie. Quel est donc le sens de cette entrée de l’islamisme dans l’espace politique marocain ? Et dans quelle mesure l’existence d’une composante islamiste dans le jeu politique influe-t-elle sur le jeu international du Maroc ?

UN ISLAM ANCRÉ DANS L’ESPACE POLITIQUE

Plus que dans tout autre pays de la région, au Maroc, islam et politique sont intrinsèquement liés. L’histoire de la monarchie marocaine ne saurait être dissociée de la sacralité qui lui a été octroyée. Avant l’indépendance, le sultan était déjà considéré comme chérif — descendant du prophète Mohamed par sa fille Fatima. L’origine chérifienne de la dynastie, revendiquée par le monarque, est intériorisée par la majorité de la population. Cette filiation supposée de la dynastie alaouite, s’accompagne d’une piété affichée. La monarchie, qui entretenait de bonnes relations avec les confréries ou Zaouias, s’est également entourée des oulémas, ces fameux docteurs de la foi. Ce n’est qu’en 1962 que le roi se voit attribuer le statut de commandeur des croyants. Progressivement, la monarchie marocaine s’est approprié la sphère religieuse, par un travail minutieux, entamé par Mohamed V et consolidé par Hassan IL Ce dernier réforme les institutions religieuses en profondeur avec un double souci : la religion lui est nécessaire pour légitimer son pouvoir, mais la sphère religieuse ne doit en aucun cas devenir une tribune concurrente, incontrôlable par la monarchie.

Mohamed Tozy note que « le roi, dont la légitimité est essentiellement religieuse, ne peut, de par son statut de commandeur des croyants (Amir al-mouminin), accepter de reconnaître explicitement les expressions concurrentes de l’islam, car cela équivaudrait à reconnaître un schisme dans la communauté, qui entamerait sa vocation monopolistique et affaiblirait la légitimité chérifienne ». En dépit de la centralité du religieux dans le système politique marocain, il serait vain de croire que ce religieux se limite à une institution homogène. Malika Zeghal explique que Hassan II a beaucoup oeuvré à la « fragmenter » pour mieux l’affaiblir, et que la véritable institution religieuse reste au final la monarchie. Mais « celle-ci ne peut fonctionner autour d’un seul homme — le roi —, ou de sa lignée : il lui faut l’apport de ces hommes de religion éparpillés dans l’espace que la monarchie a fragmenté ».

L’émergence de l’islamisme politique remet en cause le monopole de la monarchie sur le religieux. Les islamistes tentent de dissocier l’islam de la monarchie marocaine. Dès le début des années 1990, Hassan II tentera de contrôler l’islamisme marocain, en isolant sa composante radicale et en intégrant au système politique ceux qui lui paraissent les plus respectables et susceptibles d’être l’interface entre le mouvement islamiste et le palais. La reconnaissance du primat de la monarchie étant bien sûr la condition d’entrée dans l’espace politique à la faveur d’une alternance.

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