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Nonfiction.fr : entretien avec Dominique David

À l’occasion de la sortie de Politique étrangère 4/2011, consacré en partie à la crise de l’Europe politique, Nonfiction.fr a posé quelques questions à Dominique David, rédacteur en chef de la revue.

Nonfiction.fr. Pourquoi l’expression « la déconstruction européenne ? » comme titre du dernier numéro de Politique étrangère ?

Dominique David. On est parti de la notion de construction européenne, de ses trois dimensions : unification économique, empilement institutionnel et espace « psycho-politique ». Or ce triptyque est en crise. Sur l’économie, l’Europe n’apporte plus la richesse. Elle n’est plus une garantie de prospérité et de croissance. L’Union européenne fait figure de puissance économique en décalage avec la mondialisation.
Au niveau institutionnel, le désordre est impressionnant. Les institutions de l’Union européenne ne correspondent pas à sa complexité. Et lorsque c’est éventuellement le cas, les peuples ne les comprennent pas. Le montage institutionnel post-élargissement n’est pas opérationnel et n’est pas reconnu comme légitime par les opinions. D’ailleurs, toute les décisions et avancées prétendant gérer l’actuelle crise se sont effectuées hors des institutions communautaires, celles-ci ne les récupérant que formellement.
Enfin, dans ce que je nomme « l’espace psycho-politique », la « crise de moral » est évidente. L’Europe n’est plus nécessaire à la paix pour les nouvelles générations et elle n’assure plus la prospérité économique. Quant à l’intergouvernementalisme exacerbé qui règle désormais le fonctionnement de l’UE, il engendre aussi une déconnexion avec les peuples européens. C’est d’ailleurs un paradoxe : l’intergouvernementalime actuel apparaît encore plus éloigné des peuples que pouvait l’être la méthode communautaire des années 1990.

Nonfiction.fr. Mais alors, quelles perspectives, quelles solutions ?

Dominique David. Il se dégage de notre numéro consacré à la crise européenne trois perspectives : les questions du projet, des institutions et de l’architecture générale. Sur le projet, il faut retrouver l’idée de croissance économique afin de travailler à la sauvegarde d’un style de société propre à l’Europe. Puis il faut régler le problème institutionnel et de la démocratisation de la construction européenne. Il y a d’ailleurs là débat. Un néo-chevènementiste considérerait que l’espace national est le seul espace de production de la démocratie, et que donc l’UE n’a rien à voir là-dedans. Une autre voie, celle de la création d’un espace politique européen, est défendue dans les contributions de Maxime Lefebvre et d’Alain Richard. Dans la situation actuelle, soulignent-ils, les nations ont la politique (politics) mais pas les politiques (policies), et inversement pour l’Union européenne.
Quant aux institutions, les économistes sont formels : il faut passer à un fédéralisme budgétaire – alors qu’aujourd’hui tout est intergouvernementalisme. On est donc en présence de deux tendances historiques contradictoires : la logique institutionnelle dominante, qui va vers l’intergouvernementalisme, et une sorte d’évidence technique ou fonctionnelle qui exige un saut vers le fédéralisme. Enfin, quant à l’architecture globale de l’UE, Maxime Lefebvre pose clairement la question – fondamentale – de savoir s’il est toujours raisonnable de voir l’Union européenne comme un ensemble homogène, organisé sur un mode pyramidal comme un espace politique unique.

Propos recueillis par Nicolas Leron et Estelle Poidevin, le 10 janvier 2012.

Pour s’abonner à la revue Politique étrangère, rendez-vous sur le site de la Documentation française.

PE dans La Croix

Dans l’édition papier de La Croix (27/01/2012), Jean-Christophe Ploquin consacre un article au dossier de PE 4/2011 sur  » la déconstruction européenne ? « .
Il y évoque notamment les articles d’Alain Richard et de Maxime Lefèbvre (qui sont intervenus lors d’une conférence-débat à l’Ifri le 2 février dernier), mais aussi ceux de Jacques Mistral et Cécile Leconte.

Conférence-débat : la déconstruction européenne ? jeudi 2 février

Venez assister, jeudi 2 février 2012, à une conférence-débat à l’occasion de la sortie du dernier numéro de Politique étrangère.
Pour vous inscrire, cliquez ici.

Alain Richard, sénateur, ancien ministre de la Défense et auteur de  » Europe politique : un espoir est-il raisonnable ?  » (PE 4/2011) et Maxime Lefebvre, directeur des relations internationales à l’ENA, auteur de  » Réenchanter le rêve européen ?  » (PE 4/2011) débattront sur le sujet de la crise de l’Europe politique.
Cette conférence sera présidée par Dominique David, directeur exécutif de l’Ifri et rédacteur en chef de Politique étrangère.

Lieu : Ifri, 27, rue de la Procession, 75015 Paris (salle de conférences)
Date et horaires : jeudi 2 février 2012 de 17h30 à 19h00
Contact : Aude Jeanson (je*****@**ri.org / 01 40 61 60 25)

Les armements et la paix

Le général André Beaufre, un des principaux penseurs militaires français du XXe siècle, a écrit plusieurs articles dans Politique étrangère. Il y a notamment publié, en avant première, le premier chapitre de son chef-d’œuvre, Introduction à la stratégie. En 1962, année de la crise des missiles de Cuba, paraît le texte qui suit, intitulé « Les armements et la paix », dans lequel il nuance notamment le risque d’escalade en cas de conflit nucléaire.

Les armements peuvent être un facteur de paix comme un facteur de guerre. Comment obtenir l’un et éviter l’autre, tel est le problème que politiques et militaires cherchent à résoudre depuis longtemps, mais qu’ils se posent aujourd’hui avec plus d’angoisse, maintenant qu’avec l’arme atomique notamment, le déclenchement d’une guerre paraît généralement devoir mener au suicide.

Sans chercher à résoudre ici ce problème considérable, je crois utile d’en examiner certains aspects plus proprement européens, parce qu’ils sont d’actualité et nous touchent de plus près, et aussi parce qu’ils permettent de mieux saisir la réalité des contradictions parfois assez subtiles qui se cachent sous les arguments souvent trop simples mis en avant par les diverses théories en présence.

Après le drame de la deuxième guerre mondiale, l’Europe s’est retrouvée ruinée et désarmée, en même temps qu’elle était dangereusement menacée par la main-mise stalinienne sur l’Europe orientale jusqu’à Berlin, Prague et Budapest. Le maintien pendant plus de quinze ans de cette division artificielle résultant d’une situation de fin de combat a laissé subsister en plein milieu de l’ancienne Europe une profonde blessure qui se cicatrise mal et dont les suppurations constantes comme les inflammations possibles créent un danger permanent. Ce danger politique est grave et multiforme : il va du risque de soulèvements à l’est du rideau de fer (comme en Hongrie en 1956) au risque de conflits, par exemple en vue ou à l’occasion d’une réunification de l’Allemagne, sous l’égide de l’un ou l’autre des deux blocs qui se partagent le monde. En raison de l’importance politique et économique de l’Allemagne de l’Ouest, chaque événement dans cette zone sensible peut avoir des conséquences psychologiques considérables et amorcer ainsi des évolutions politiques dangereuses ou même irréversibles.

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