Bertrand de La Chapelle dirige le projet « Internet et juridiction » à l’Académie diplomatique internationale. Il siège au conseil d’administration de l’ICANN, organisme international qui gère les noms de domaine, un des principaux organes de gouvernance d’Internet. Il répond à trois questions en exclusivité pour politique-etrangere.com.

Pourriez-vous expliquer la différence entre la gouvernance DE l’Internet et la gouvernance SUR Internet ?
Internet repose sur une distinction de principe entre une couche d’infrastructure logique, qui  permet de transporter les messages et une couche d’applications, qui permettent les usages (mail, World Wide Web, VoIP, médias sociaux, etc.). La gouvernance de l’Internet concerne la couche d’infrastructure logique ; la gouvernance sur l’Internet concerne les applications et les usages.

Quelles sont les principales instances chargées de la gouvernance de l’Internet ?
Il y a un écosystème distribué : l’Internet Engineering Task Force développe les protocoles Internet et le World Wide Web Consortium ceux du Web ; cinq registres régionaux distribuent les adresses IP ; plus de 200 gestionnaires de registres (par exemple l’AFNIC pour le .fr) enregistrent les noms de domaine ; 13 « Root Server Operators » assurent la diffusion de la liste des registres, permettant le routage du trafic ; l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) enfin, assure la coordination du système de nommage et d’adressage. Ces organisations fonctionnent sur un modèle de gouvernance « multi-acteurs », associant secteur privé, société civile, acteurs techniques et gouvernements.

Comment la gouvernance sur Internet est-elle susceptible d’évoluer au cours des prochaines années ?
La gouvernance des usages touche à la protection de la vie privée, la liberté d’expression, la protection du droit d’auteur ou la lutte contre la cybercriminalité. Le Forum sur la gouvernance Internet (FGI) est un outil de dialogue innovant pour traiter de ces sujets. Mais une tension se développe entre un réseau techniquement transfrontière et un système juridictionnel basé sur les territoires nationaux : faute de traités – qui seraient un outil inadapté – la prolifération de législations nationales introduit un risque de conflits de juridictions. Il nous faut inventer de nouveaux outils institutionnels pour traiter de ces questions, dans le respect du principe multi-acteurs.

Propos recueillis par Marc Hecker, rédacteur en chef adjoint de Politique étrangère

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