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Historical Experience : Burden or Bonus in Today’s Wars ?

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Stéphane Taillat propose une analyse de l’ouvrage d’Eric Sangar, Historical Experience. Burden or Bonus in Today’s Wars? The British Army and the Bundeswehr in Afghanistan  (Freiburg im Breisgau, Rombach, 2014, 280 pages).

SangarLa littérature sur l’adaptation militaire a connu un renouveau avec les conflits d’Irak et d’Afghanistan. Conçue comme un processus de changements organisationnels, doctrinaux et opérationnels en temps de guerre, l’adaptation a été analysée selon différentes échelles (institutions et unités sur le terrain) ou à partir de plusieurs variables (matérielles, culturelles, sociales, politiques). Eric Sangar s’intéresse ici au rôle de l’histoire dans ce processus. Amplement discutée dans les cercles militaires – notamment anglo-saxons –, la recherche d’enseignements par l’observation du passé demeure sous-théorisée. D’un côté domine une conception positiviste de l’histoire comme réservoir d’expériences dont il suffirait d’identifier les plus pertinentes. De l’autre, se retrouve une vision critique insistant sur le danger des métaphores et analogies.

La Fin de l’homme rouge, ou le temps du désenchantement

la-fin-de-l-homme-rougeCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (3/2014). Ekaterina Tsaregorodtseva propose une analyse de l’ouvrage de Svetlana Alexievitch, La Fin de l’homme rouge, ou le temps du désenchantement (Actes Sud, 2013, 544 pages).

L’Union soviétique est un de ces sujets à propos desquels il est difficile de ne pas tomber dans l’extrême, par une écriture antisoviétique et russophobe, ou par un patriotisme artificiel et exacerbé. Svetlana Alexievitch, journaliste biélorusse née en 1948, parvient à éviter ces deux écueils. Dans La Fin de l’homme rouge, elle se contente de transmettre le témoignage des hommes et femmes qui ont vécu la désintégration d’un empire tout entier. L’authenticité de leurs souvenirs rend ce livre véritablement captivant, en plus des poignants drames personnels de certains témoins. En quelques dizaines de monologues, dont certains sont de véritables chefs-d’œuvre, d’anciens Soviétiques partagent avec nous leur vision du monde. Si les mots « Gorbatchev », « Eltsine », « Gaïdar » et « Perestroïka » restent les mêmes de page en page, aucune de ces histoires ne ressemble à l’autre.

Âge, parcours, vision politique, statut social : les protagonistes sont tous différents. En août 1991 et octobre 1993, les citoyens soviétiques savaient que de leurs actions dépendait l’avenir de leur pays, de leur famille et de leurs enfants. Beaucoup ont désiré prendre part aux événements, qu’ils associaient à un tournant vers un avenir radieux : « Nous étions tous des romantiques. Aujourd’hui, on en a honte, de cette naïveté. » La période de transition qui a suivi, avec sa « thérapie de choc » et « son capitalisme sauvage », a cassé les illusions des anciens Soviétiques. Beaucoup ont été incapables de vivre dans ces nouvelles conditions : ils ont sombré dans le désespoir et l’alcool ou ont mis un terme à leur vie. D’autres se sont adaptés en se tournant vers le banditisme : les uns ont fait fortune, les autres se sont fait abattre. La Perestroïka et la période de transition qui l’a suivie n’ont épargné personne.

Magnificent Delusions. Pakistan, the United States, and an Epic History of Misunderstanding

PakistanCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Olivier Louis propose une analyse de l’ouvrage de Husain Haqqani, Magnificent Delusions. Pakistan, the United States, and an Epic History of Misunderstanding, (New York, NY, Public Affairs, 2013, 416 pages).

Husain Haqqani publie un ouvrage consacré aux relations entre le Pakistan et les États-Unis. Successivement conseiller spécial de Nawaz Sharif lors de ses deux premiers mandats de Premier ministre, porte-parole de Benazir Bhutto, ambassadeur du Pakistan aux États-Unis, conseiller proche du président Asif Ali Zardari, Haqqani vit aujourd’hui aux États-Unis, sous le coup d’une accusation de trahison lancée par l’armée pakistanaise et validée par la Cour suprême – mais non jugée –, à la suite d’une mystérieuse affaire (Memogate), dont l’objectif était sans doute de contraindre Zardari à la démission.

Ce dernier ouvrage ne le réconciliera pas avec ses deux bêtes noires, l’armée et la mouvance religieuse. Dans l’examen critique des politiques des deux États, c’est le Pakistan qui apparaît sous le plus mauvais jour. Naïveté, ignorance et complaisance sont les principaux reproches adressés aux États-Unis. Duplicité, paranoïa anti-indienne et mégalomanie islamiste, ceux dirigés contre le Pakistan. L’auteur analyse précisément la première période de l’histoire du pays, de Muhammad Ali Jinnah à la guerre indo-pakistanaise de 1965. Dès l’origine, la surévaluation de l’importance du Pakistan et le malentendu sur les objectifs de l’alliance américano-pakistanaise sont en germe. Sur le premier point, Haqqani rappelle qu’Ali Jinnah lui-même croyait que le Pakistan serait le « pivot du monde » et que les États-Unis auraient plus besoin du Pakistan que le contraire. Sur le second point, l’auteur raconte comment le maréchal Muhammad Ayoub Khan, au pouvoir de 1958 à 1969, réussit à convaincre les Américains de la gravité de la menace que l’Union soviétique était censée faire peser sur le Pakistan et du rôle essentiel d’Islamabad pour contrecarrer la « course vers les mers chaudes » de la diplomatie soviétique. En réalité, son seul objectif était d’obtenir, si possible gratuitement, les armes qui lui permettraient au moins de maintenir une parité stratégique avec l’Inde. Pendant l’âge d’or des relations avec Washington, entre 1958 et 1965, il obtint cet arsenal. Tout comme lui, ses successeurs jusqu’au départ du général Pervez Musharraf en 2008 n’ont conçu la relation avec les États-Unis que comme un moyen de renforcer leur pays contre la supposée menace indienne. L’auteur souligne une troisième composante de cette relation : la montée de l’antiaméricanisme dans la population, suscitée par l’armée elle-même afin qu’elle apparaisse comme le seul rempart contre le risque de dérive islamiste du pays. Ces trois traits se retrouvent dans les trois autres périodes fondamentales de la relation États-Unis/Pakistan : l’action conjointe des États-Unis et du Pakistan en Afghanistan (1978-1988), la crise résultant du programme nucléaire militaire du Pakistan (1989-1998) et la « guerre contre la terreur » (de 2001 à aujourd’hui).

Willy Brandt

Willy

Politique étrangère (2/2014). Yann-Sven Rittelmeyer propose une analyse de l’ouvrage d’Hélène Miard-Delacroix, Willy Brandt (Paris, Fayard, 2013, 350 pages).

Rythmée par l’histoire de l’Allemagne du xxe siècle, la vie de Willy Brandt a elle-même fortement marqué l’histoire de son pays, même s’il ne resta chancelier qu’un peu plus de quatre années. Outre la République fédérale, il a laissé une forte empreinte sur la ville-État de Berlin dont il fut maire de 1957 à 1966, mais aussi sur le Parti social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD) qu’il dirigea pendant 23 ans.

Plus d’un siècle après sa naissance, Brandt reste l’une des principales figures de l’histoire du plus ancien parti allemand. S’il contribua à transformer le SPD lors du tournant de Bad Godesberg, puis parvint à le ramener au pouvoir après plusieurs décennies d’opposition, ses rapports avec son parti ont souvent été difficiles. L’image de Brandt est liée à la social-démocratie, à l’Ostpolitik, ou encore au symbole fort que constitua son agenouillement devant le mémorial du ghetto de Varsovie. Pour autant, sa trajectoire fut particulière à bien des égards. Dans cet ouvrage, Hélène Miard-Delacroix, professeur à l’université Paris-Sorbonne et spécialiste de l’histoire de l’Allemagne contemporaine, souligne remarquablement les revirements, les combats et les doutes qui ont façonné son parcours. Dissident à gauche du SPD dans sa jeunesse puis acteur d’une politique économique très au centre, résistant exilé durant la Seconde Guerre mondiale qui fut déchu de la nationalité allemande et abandonna son nom de naissance (Herbert Frahm), anticommuniste qui décida de tendre la main à l’Union soviétique et de nouer des accords avec la « partie Est » de l’Allemagne…

La lecture de cette biographie, au-delà des enseignements sur la vie d’un homme, illustre les problématiques traversant l’identité allemande et le rapport des Allemands à leur passé. Les critiques et attaques dont Brandt fut l’objet au cours de sa carrière politique (pour s’être exilé, avoir trouvé soutien et attache dans un autre État, ou pour ses penchants marxistes de jeunesse) font écho à la difficile reconstruction identitaire des Allemands après la Seconde Guerre mondiale. Brandt contribua lui-même à ce débat en rejetant l’idée d’une culpabilité collective pour lui préférer la responsabilité personnelle de chacun des Allemands et les obligations qui en découlent.

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